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Gaza : insécurité alimentaire toujours « catastrophique » pour un demi-million de personnes, alerte l’ONU

Près d’un demi-million de personnes souffrent toujours de la faim à un niveau « catastrophique » dans la bande de Gaza, qui reste menacée par la famine malgré une légère amélioration dans le nord du territoire assiégé, ont averti mardi dans un rapport, les agences humanitaires des Nations Unies.

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Selon le document du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), un risque élevé de famine persiste dans l’ensemble de la bande de Gaza tant que le conflit se poursuit et que l’accès humanitaire est restreint.

Les agences humanitaires onusiennes mettent ainsi en garde contre le fait qu’un accès humanitaire total et durable reste essentiel pour renverser la situation et prévenir la famine.

Mais si l’accès à l’aide humanitaire a permis d’éviter la famine redoutée dans la dernière évaluation publiée en mars, le rapport souligne toutefois que l’ensemble de la bande de Gaza, soit 96 % de la population (2,15 millions de personnes), est confrontée à des niveaux extrêmes de faim.

Trajectoire « négative et très instable »

Alors que l’ensemble du territoire est classé en situation d’urgence, plus de 495.000 personnes (22 % de la population) sont toujours confrontées à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire aiguë (phase 5 de l’IPC). Cela signifie qu’un Palestinien sur cinq dans l’enclave souffre du niveau le plus élevé de malnutrition, ou plus d’un ménage sur cinq passe des journées entières sans manger.

Dans cette phase, les ménages sont confrontés à un manque extrême de nourriture, à la faim et à l’épuisement des capacités de survie.

Par ailleurs, 745.000 personnes (33 %) sont classées en situation d’urgence (phase 4 de l’IPC).

« L’espace humanitaire dans la bande de Gaza continue de se rétrécir et la capacité d’acheminer en toute sécurité l’aide aux populations s’amenuise. La trajectoire récente est négative et très instable », indique la mise à jour de l’ONU.

Légère amélioration par rapport à mars

« Le nouveau rapport relève une légère amélioration par rapport à l’évaluation précédente de mars, qui mettait en garde contre une famine potentielle dans les gouvernorats du nord de Gaza d’ici la fin mai », a commenté le Programme alimentaire mondial (PAM) dans un communiqué.

« Cette amélioration montre la différence qu’un meilleur accès peut faire. L’augmentation des livraisons de nourriture dans le nord et les services de nutrition ont contribué à réduire les niveaux de faim les plus graves, laissant une situation toujours désespérée », souligne le PAM.

Le dernier rapport IPC publié mi-mars estimait que plus de 1,1 million de Gazaouis étaient confrontés à « une situation de faim catastrophique », proche de la famine, « le nombre le plus élevé jamais enregistré » par l’ONU.

Par ailleurs, la dernière évaluation montre que dans les gouvernorats de Gaza Nord, l’ensemble de la population restera probablement totalement exposée et très vulnérable aux conflits et à l’insécurité. Par conséquent, l’aide humanitaire devrait rester proche des niveaux observés en mars et avril.

Des enfants font la queue pour obtenir de la nourriture à Gaza.
© UNRWA
Des enfants font la queue pour obtenir de la nourriture à Gaza.

Le défi de l’accès de l’aide humanitaire

Dans les gouvernorats de Deir al-Balah, Khan Younis et Rafah, au moins un des passages frontaliers devrait rester ouvert, même si les agences doivent faire face à des contraintes sécuritaires et administratives pour acheminer l’aide. Les opérations militaires à Rafah et dans certaines parties de Deir al-Balah et de Khan Younis entraîneront probablement des déplacements supplémentaires vers la "zone humanitaire" désignée par Israël.

Mais le Programme alimentaire mondial est très préoccupé par le fait que la capacité très réduite des organisations humanitaires à fournir une aide essentielle dans le sud met en péril les progrès accomplis. Le PAM craint à présent que le sud de Gaza ne connaisse bientôt les mêmes niveaux catastrophiques de faim que ceux enregistrés dans les zones septentrionales.

Pour inverser la tendance et prévenir la famine, une aide humanitaire adéquate et durable doit être fournie, alerte le PAM

Il s’agit notamment d’une plus grande disponibilité d’aliments frais et une meilleure diversité nutritionnelle, de l’eau propre et des installations sanitaires, l’accès aux soins de santé et la reconstruction de cliniques et d’hôpitaux. « Une réponse large et multisectorielle est nécessaire de toute urgence », insiste l’agence onusienne basée à Rome.

L'eau et la nourriture sont rares dans la bande de Gaza.
© UNRWA
L'eau et la nourriture sont rares dans la bande de Gaza.

Les humanitaires ont perdu la trace de milliers d’enfants dépistés à Rafah

En écho à cette situation à Gaza, Yasmina Guerda, responsable des affaires humanitaires au sein du Bureau de coordination de l’aide des Nations Unies (OCHA),  est revenue avec « des histoires qui la hanteront pour le reste de [sa] vie très privilégiée », après trois mois passés dans l’enclave au cours de deux déploiements.

Fraîchement rentrée de Gaza, l’humanitaire a décrit, mardi à Genève, une situation préoccupante. C’est le cas à Rafah où les déplacements massifs depuis le début de l’offensive israélienne le 7 mai ont empêché les habitants d’accéder aux centres de dépistage de la malnutrition. En conséquence, il y a « des milliers d’enfants qui étaient suivis ou dépistés et dont nous avons soudainement perdu la trace », a-t-elle déclaré.

D’une manière générale, l’accès dramatiquement insuffisant de l’aide dans l’enclave, où l’acheminement de l’aide humanitaire reste « un casse-tête » en raison des « combats en cours, du vide en matière d’ordre public et de sécurité » ainsi que des « attaques régulières » contre les installations de stockage de l’aide, des difficultés administratives et des heures d’attente aux postes de contrôle, ne fait qu’aggraver l’horreur de la situation.

Le manque de carburant entrave non seulement l’acheminement de l’aide, mais aussi les efforts de protection, notamment la capacité des humanitaires à atteindre les enfants non accompagnés qui se déplacent, a averti Mme Guerda.

La vie à Gaza « ne tient qu’à un fil »

Décrivant la crise de l’eau et de l’assainissement dans la bande de Gaza, Mme Guerda a évoqué les expériences pénibles de familles qu’elle a vues « creuser des fosses septiques de fortune avec des cuillères, en utilisant des toilettes et des tuyaux provenant de bâtiments détruits afin d’avoir un peu d’intimité et d’hygiène à proximité de leurs tentes ».

Après trois mois passés dans l’enclave au cours de deux déploiements, Yasmina Guerda s'est dite sonnée.

« Nous ne devrions vraiment pas parler des conditions de vie dans la bande de Gaza, car aucun habitant de Gaza n’a de conditions de vie », a-t-elle déclaré aux journalistes à Genève. « Ce qu’ils ont, si vous regardez bien, ce sont des conditions de survie. Et à peine. Ils ne tiennent qu’à un fil ».

Mme Guerda a donné aux journalistes un aperçu de la réalité quotidienne d’une population qui a « presque tout perdu » dans le cadre d’un déplacement forcé massif et où « aucun centimètre » n’est sûr à Gaza.

Une jeune fille assise parmi les décombres de bâtiments détruits à Gaza.
© UNRWA
Une jeune fille assise parmi les décombres de bâtiments détruits à Gaza.

10 à 15 minutes pour quitter un immeuble devant être bombardé

« Vous avez 10 à 15 minutes pour quitter votre immeuble parce qu’il va être bombardé. Vos enfants dorment dans la chambre voisine. Vous les réveillez, ils pleurnichent... Et vous devez prendre des décisions en une fraction de seconde pour décider quoi emporter, ce qui est essentiel, des certificats de naissance au lait maternisé », a-t-elle raconté, soulignant que cela a été l’expérience d’un grand nombre de « personnes ayant vécu dans la ville de Gaza, à Jabalia, à Khan Younis, à Deir el Beleh, et maintenant à Rafah ».

Elle a également évoqué les terribles conséquences du bombardement du camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de Gaza, au début du mois, dans le cadre d’une opération militaire israélienne visant à libérer des otages détenus par le Hamas, qui a fait quelque 270 morts et 700 blessés selon les autorités sanitaires de Gaza.

« Nous travaillions à quelques kilomètres de là, et les murs, les portes et les fenêtres de notre bâtiment tremblaient », a-t-elle déclaré. Parmi les centaines de personnes « mutilées à vie » à la suite de ce bombardement de deux heures, elle a parlé « des enfants qui ont perdu des membres et qu’elle a rencontrés le lendemain à l’hôpital voisin, dont beaucoup m’ont rappelé mes deux propres petits bambins », a-t-elle ajouté.

« Ils regardaient dans le vide, trop choqués par les bombardements pour émettre un son ou une larme », a-t-elle ajouté.

Mme Guerda a insisté sur le fait que les habitants de Gaza, désespérés, « ont besoin du soutien du reste du monde pour s’en sortir ».