Fil d'Ariane
Gaza : pillages et contrebande généralisés entravent la distribution de l’aide, selon l’UNRWA
Le chef de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) s’est inquiété, lundi, de l’effondrement de l’ordre civil à Gaza, qui a permis le pillage et la contrebande à grande échelle et bloqué l’acheminement de l’aide dans l’enclave palestinienne.
Depuis que la guerre a éclaté dans la bande de Gaza il y a plus de huit mois, le territoire palestinien « a été décimé », a déclaré lors d’une réunion de la Commission consultative de l’agence onusienne à Genève, Philippe Lazzarini, Chef de l’UNRWA.
« L’effondrement de l’ordre civil a entraîné un pillage et une contrebande généralisés qui empêchent l’acheminement de l’aide humanitaire dont ont désespérément besoin les Gazaouis », a-t-il dit, relevant qu’au cours des neuf derniers mois, le monde a été témoin « d’un échec sans précédent de l’humanité sur un territoire marqué par des décennies de violence », avec des Palestiniens et des Israéliens, qui ont subi des pertes terribles et ont énormément souffert.
La faim est à un niveau «catastrophique»
En attendant, les habitants de Gaza s’accrochent à la vie, déplacés à maintes reprises dans un « territoire ravagé » par le conflit. Or pour plus de deux millions de Gazaouis, « c’est un véritable enfer, un cauchemar dont ils ne peuvent se réveiller », a insisté le chef de l’agence, la principale organisation onusienne dans l’étroit territoire palestinien, qui fait l’objet d’intenses et incessants bombardements et combats menés par l’armée israélienne.
Face aux difficultés de faire rentrer de l’aide sur le territoire, «la faim est à un niveau catastrophique » dans le territoire, selon l’UNRWA. Sur le terrain, des enfants meurent de malnutrition et de déshydratation, tandis que la nourriture et l’eau potable attendent dans des camions.
Pourtant si l’UNRWA reste « l’épine dorsale » de la réponse humanitaire à Gaza, l’agence onusienne « chancelle » sous le poids des attaques incessantes. À Gaza, l’UNRWA a ainsi payé un lourd tribut, avec la mort de 193 membres de son personnel. Plus de 180 installations ont été endommagées ou détruites, tuant au moins 500 personnes qui cherchaient la protection des Nations unies.
Les convois humanitaires attaqués
Selon le Chef de l’UNRWA, des membres du personnel ont été détenus avec d’autres habitants de Gaza par les forces de sécurité israéliennes et ont fait état « de mauvais traitements et de tortures » dans l’enclave palestinienne.
« Nos convois ont été attaqués malgré des déplacements coordonnés avec les autorités israéliennes. Nos locaux ont été utilisés à des fins militaires par Israël, le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ».
« En 30 ans de travail humanitaire, je n’ai jamais été confronté à un mépris aussi flagrant du statut protégé des travailleurs, des installations et des opérations humanitaires en vertu du droit international », a fait valoir M. Lazzarini, soulignant que « fermer les yeux sur ces attaques crée un dangereux précédent : cela compromet le travail humanitaire futur et l’ordre international fondé sur des règles dans d’autres situations de conflit ».
Un effort concerté pour « démanteler » l’UNRWA
Outre ces attaques, l’UNRWA assiste « à un effort concerté pour la démanteler » dans le but de modifier les paramètres politiques établis pour la paix dans le territoire palestinien occupé.
Cet effort comprend des propositions législatives qui cherchent à saper leurs opérations en menaçant de les expulser de leurs locaux et « en qualifiant l’UNRWA d’organisation terroriste ».
« Si nous ne résistons pas, d’autres entités des Nations unies et d’autres organisations internationales seront les suivantes, ce qui affaiblira encore davantage notre système multilatéral », a mis en garde le Chef de l’UNRWA.
En ce qui concerne les allégations « sérieuses » selon lesquelles plusieurs membres du personnel de l’UNRWA à Gaza ont été impliqués dans les attaques odieuses contre Israël le 7 octobre, le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) poursuit son enquête. Sur les 19 cas soumis à enquête, un a été clos et le membre du personnel a été réintégré. Quatre cas sont suspendus, nécessitant des preuves supplémentaires. 14 enquêtes sont en cours.
« Par ailleurs, l’examen indépendant mené par l’ancienne ministre française des affaires étrangères, Catherine Colonna, a conclu que l’Agence disposait de systèmes permettant de traiter les manquements présumés à la neutralité, notamment par le biais de sanctions disciplinaires ».
Dans l’ombre de Gaza, une autre tragédie se déroule en Cisjordanie
Au-delà de Gaza, M. Lazzarini a parlé aussi de la « tragédie » qui se déroule en Cisjordanie.
Les forces de sécurité israéliennes se sont déployées à l’intérieur de certaines installations de l’UNRWA lors d’opérations militaires dans les camps de réfugiés palestiniens. Des manifestations de plus en plus violentes devant les locaux de l’agence onusienne à Jérusalem-Est ont récemment abouti à des « incendies criminels ».
« Plus de 500 Palestiniens y ont été tués depuis octobre. Les attaques quotidiennes des colons israéliens, les incursions militaires et la destruction de maisons et d’infrastructures critiques font partie d’un système de ségrégation et d’oppression bien huilé », a-t-il rappelé, constatant également une intensification des escarmouches à la frontière israélo-libanaise, qui « menacent de se métamorphoser en véritable guerre ».
Les réfugiés palestiniens essaimés ailleurs dans la région « sont les témoins de la plus grande catastrophe depuis la Nakba », a affirmé M. Lazzarini.
Plus largement, le Chef de l’UNRWA note que son agence restera essentielle pour « assurer une transition viable » entre le cessez-le-feu et le « jour d’après ». Elle jouera un rôle clé dans la fourniture de services essentiels - notamment les soins de santé primaires et l’éducation - à une population anéantie.
L’appel de fonds de 1,2 milliard de dollars financé à hauteur de 18%
Mais pour y arriver, il s’agira de revoir « le modèle de financement de l’UNRWA, qui est incompatible avec son mandat de fournir des services de type public ». D’autant qu’affaiblie par des déficits financiers qui font boule de neige d’une année sur l’autre, l’Agence a failli « imploser » au début de cette année.
Une façon de rappeler que l’UNRWA manque de ressources pour remplir son mandat. Elle nous lance ainsi un appel de 1,2 milliard de dollars pour couvrir les besoins humanitaires critiques jusqu’à la fin de l’année.
À ce jour, ce plan n’est financé qu’à hauteur de 18 %. « La capacité de l’Office à fonctionner au-delà du mois d’août dépendra des États membres qui débourseront les fonds prévus et apporteront de nouvelles contributions au budget de base ».
Plus globalement, le Chef de l’UNRWA demande de préserver le rôle essentiel de l’agence, tant aujourd’hui que dans le cadre d’une transition. Il s’agit aussi d’intensifier et améliorer la prestation de services aux réfugiés de Palestine.
« Les pressions qui s’exercent sur l’Agence sont aujourd’hui plus fortes que jamais. Si le statu quo est maintenu, l’Agence s’effondrera et des millions d’enfants, de femmes et d’hommes vulnérables en paieront le prix fort », a mis en garde Philippe Lazzarini.