Aller au contenu principal

Au Soudan, l’exil précaire des réfugiés érythréen dans les zones contrôlées par les paramilitaires – Expert de l’ONU

Un expert indépendant des Nations Unies s’est dit «extrêmement inquiet» jeudi du sort des Erythréens réfugiés au Soudan et victimes collatérales du conflit qui fait rage depuis avril 2023 entre l’armée régulière, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par Mohamed Hamdan Daglo.

Alors que les agences de l’ONU alertent contre un risque accru de violences ethniques, le conflit au Soudan continuer de provoquer des déplacements internes ainsi que des déplacements ultérieurs de réfugiés et de demandeurs d’asile érythréens vers les pays voisins. 

« Les réfugiées et migrantes érythréennes de tous âges ont été victimes de graves violations, notamment de violences sexuelles, d’enlèvements, de servitude domestique et d’esclavage sexuel, à Khartoum et dans les zones contrôlées par les Forces

de soutien rapide (FSR) », a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme, Mohamed Abdelsalam Babiker, Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Érythrée.

Ces Forces paramilitaires auraient également commis d’autres violences et atrocités dans les zones qu’elles contrôlent, notamment des attaques contre des infrastructures civiles, des pillages, des actes de saccage, des actes de torture et des exécutions sommaires de civils, ce qui a entraîné le déplacement forcé de centaines de personnes, dont des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants érythréens.

Photo d'archives: Le représentant du HCR en Éthiopie, Mamadou Dian Balde (à gauche), s'adresse à des réfugiés érythréens dans la colonie d'Alemwach, dans la région d'Amhara en Éthiopie.
© HCR/Elema Fulem
Photo d'archives: Le représentant du HCR en Éthiopie, Mamadou Dian Balde (à gauche), s'adresse à des réfugiés érythréens dans la colonie d'Alemwach, dans la région d'Amhara en Éthiopie.

L’Éthiopie et le Soudan, pays d’accueil des réfugiés érythréens

Suite au déclenchement du conflit au Soudan en avril 2023, les réfugiés et demandeurs d’asile érythréens qui avaient trouvé refuge dans le pays ont dû fuir de nouveau. Ils se sont déplacés vers les pays voisins, et des réfugiés qui s’étaient installés au Soudan ont dû partir vers d’autres régions du pays. 

Le conflit a également compliqué la tâche des réfugiés qui cherchaient à se réinstaller ou attendaient un regroupement familial et qui n’ont plus accès à ces voies de migration sûres et légales en raison de la fermeture des ambassades étrangères au Soudan.

À la mi-2023, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait enregistré quelque 623.000 réfugiés et demandeurs d’asile érythréens répartis dans le monde. L’Éthiopie et le Soudan continuent d’accueillir le plus grand nombre de réfugiés.

Cette sortie de l’Expert indépendant onusien intervient au lendemain d’une alerte du Chef de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), à l’issue d’une de sa seconde visite dans ce pays d’Afrique du Nord-Est. Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a averti  qu’en l’absence d’efforts de paix concertés, de nombreuses autres personnes fuiront la guerre brutale qui sévit au Soudan et se réfugieront dans les pays voisins. 

Expulsions sommaires de l’Ethiopie vers l’Érythrée

« Le Soudan est la définition d’une tempête parfaite : des atrocités choquantes en matière de droits de l’homme, des millions de personnes déracinées par cette guerre insensée et d’autres guerres qui l’ont précédée. Une terrible famine se profile à l’horizon et de graves inondations vont bientôt entraver encore davantage l’acheminement de l’aide. Nous sommes en train de perdre une génération à cause de cette guerre, et pourtant les efforts de paix ne fonctionnent pas », a-t-il dit. 

Outre au Soudan, la situation des réfugiés érythréens s’est aussi gravement détériorée en Éthiopie, avec des rafles, des détentions massives d’Érythréens et des expulsions sommaires vers l’Érythrée. « En outre, les tendances des politiques d’asile et de migration dans les pays d’accueil placent de plus en plus les réfugiés et les demandeurs d’asile érythréens sous pression, exacerbant leur vulnérabilité et entraînant des violations de leurs droits ». 

Pourtant, les Érythréens continuent de fuir la grave situation des droits de l’homme dans leur pays, et l’on estime que 17 % de la population érythréenne aura demandé l’asile à l’étranger en 2024. 

Des enfants regardent un match de football amical entre des enfants réfugiés érythréens et des enfants éthiopiens dans le camp de réfugiés de Hitsats.
© UNICEF/Karel Prinsloo
Des enfants regardent un match de football amical entre des enfants réfugiés érythréens et des enfants éthiopiens dans le camp de réfugiés de Hitsats.

Situation encore plus précaire pour les réfugiés érythréens dans la Corne de l’Afrique

« Dans un contexte de détérioration générale de la situation humanitaire et sécuritaire dans la Corne de l’Afrique, la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile érythréens est devenue encore plus précaire et dangereuse, aggravant leur vulnérabilité face à la traite des personnes, aux enlèvements et à l’extorsion », a affirmé M. Babiker, exhortant les États à respecter le principe de non-refoulement et à « ne pas abandonner les victimes érythréennes des abus ». 

Par ailleurs, l’Expert note que deux ans après l’accord de cessation des hostilités, auquel l’Érythrée n’était notamment pas partie, les forces érythréennes sont toujours présentes et continuent de commettre des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines parties de la région du Tigré en Éthiopie. 

De plus, la situation des droits de l’homme en Érythrée reste désastreuse. « Les violations flagrantes des droits de l’homme, notamment le recours généralisé à la détention arbitraire et au secret et les disparitions forcées, se poursuivent sans relâche », a fait valoir l’expert indépendant, relevant que des familles de milliers d’Erythréens disparus depuis le début du conflit du Tigré attendent toujours de connaître leur sort.   

 

NOTE : 

Les Rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.