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Conseil des droits de l’homme : Volker Türk fait un tour d’horizon d’un monde en conflits

Alors qu’il y a eu « des morts et des souffrances inadmissibles » dans la bande de Gaza, la situation en Cisjordanie se détériore rapidement, a alerté mardi, le chef des droits de l’homme de l’ONU, insistant sur l’urgence de retrouver le chemin de la paix, lors d’un tour d’horizon d’un monde en conflits présenté à l’ouverture de la 56ème session du Conseil des droits de l’homme à Genève.

« La situation en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, se détériore considérablement », a déclaré Volker Turk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, soulignant que plus de 500 Palestiniens et 23 Israéliens ont perdu la vie depuis le début de la guerre contre le Hamas.

Effaré par le mépris des droits de l’homme par les parties au conflit à Gaza

Le chef des droits de l’homme de l’ONU s’est dit également consterné par le mépris du droit international humanitaire et des droits de l’homme dont font preuve les parties au conflit dans la bande de Gaza où « il y a eu des morts et des souffrances inadmissibles ». 

« Les schémas que nous avons documentés soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la commission de crimes de guerre et d’autres crimes d’atrocité », a déclaré le Haut-Commissaire aux droits de l’homme Volker Türk, lors de cette mise à jour à l’ouverture de la 56e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Plus de 120.000 personnes à Gaza, en grande majorité des femmes et des enfants, ont été tuées ou blessées depuis le 7 octobre, à la suite des offensives israéliennes intensives. Les frappes incessantes d’Israël à Gaza causent d’immenses souffrances et des destructions généralisées, et le refus arbitraire et l’obstruction de l’aide humanitaire se poursuivent. 

En outre, les groupes armés palestiniens continuent de détenir de nombreux otages et, dans certains cas, dans des zones densément peuplées, les exposant ainsi que les civils palestiniens à des risques supplémentaires. « Ils doivent être libérés ».

Attaques à grande échelle contre les infrastructures énergétiques en Ukraine

Lors de la mise à jour globale, il s’est inquiété de la détérioration de la situation en Ukraine. La récente offensive terrestre des forces armées russes dans la région de Kharkiv a détruit des communautés entières. Les habitants, souvent des personnes âgées, se sont réfugiés dans des sous-sols, sans électricité, sans eau et sans nourriture adéquate, alors que la région subissait des attaques intenses avec des armes explosives à large rayon d’action. 

Les vagues répétées d’attaques à grande échelle contre les infrastructures énergétiques ont détruit près de 70 % de la capacité de production d’électricité de l’Ukraine, amenant le système à un dangereux point de basculement, en particulier à l’approche de l’hiver. 

Des femmes réfugiées soudanaises dans le camp d'Adre, au Tchad.
HCR
Des femmes réfugiées soudanaises dans le camp d'Adre, au Tchad.

Turk avertit les deux généraux rivaux au Soudan

Sur le continent africain, le Soudan est en train d’être détruit « sous nos yeux par deux parties rivales et des groupes affiliés ». Les belligérants ont attisé les tensions interethniques, refusé l’aide humanitaire, arrêté les défenseurs des droits de l’homme et bafoué de manière flagrante les droits de leur propre peuple. 

« Je mets les deux généraux en garde contre leur propre responsabilité dans la commission d’éventuels crimes de guerre et autres atrocités, notamment par le biais de violences sexuelles et d’attaques à motivation ethnique », a dit M. Türk, relevant qu’ils sont en fin de compte responsables de l’impact de leurs actions sur les civils, notamment les déplacements massifs, la famine imminente et l’intensification de la catastrophe humanitaire. 

Le Soudan du Sud voisin, est pour sa part épuisé par les violences intercommunautaires et les meurtres par vengeance, les attaques généralisées contre les civils, les exécutions extrajudiciaires, les violences sexuelles liées au conflit, la mauvaise gestion des ressources, l’insécurité alimentaire et les déplacements à grande échelle, notamment en raison de facteurs environnementaux. « Tous ces défis sont exacerbés dans un contexte préélectoral fragile ».

Les entreprises extractives de minerais doivent assumer leurs responsabilités en RD Congo

Toujours sur le continent africain, le chef des droits de l’homme de l’ONU s’est appesanti sur l’immense souffrance des civils dans l’est de la République démocratique du Congo. Dans ce pays, les populations font face aux attaques incessantes des groupes armés, dont le M23, les Forces démocratiques alliées (ADF), la CODECO et d’autres. 

« Les discours et messages haineux visant des personnes sur la base de leur appartenance ethnique doivent cesser et leurs auteurs doivent être traduits en justice. L’obligation de rendre des comptes est essentielle », a-t-il fait valoir, ajoutant que le secteur privé, y compris les entreprises qui extraient des ressources, doit également assumer leurs responsabilités. 

Transitions de plus en plus longues au Burkina Faso, Mali et Niger

En Afrique de l’Ouest, le Haut-Commissaire a constaté que dans les pays qui ont connu des changements de pouvoir anticonstitutionnels, notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger, les transitions sont de plus en plus longues, sans processus de dialogue national significatif et avec des restrictions croissantes de l’espace civique pour étouffer la dissidence. 

Dans ces pays du Sahel central, les civils sont les plus touchés par la lutte contre les groupes armés non étatiques. 

« Une approche militarisée ne permettra pas à elle seule d’obtenir des résultats durables. Le contrat social entre les autorités de transition et la population doit être rétabli de toute urgence ».

Le centre-ville de Port-au-Prince reste extrêmement dangereux en raison de l'activité des gangs.
© UNOCHA/Giles Clarke
Le centre-ville de Port-au-Prince reste extrêmement dangereux en raison de l'activité des gangs.

Déploiement urgent de la Mission multinationale d’appui à la sécurité à Haïti

Autre continent, autre préoccupation, avec la situation à Haïti, qui est « l’exemple par excellence de la spirale interconnexion entre des inégalités profondément ancrées et la violence ». En effet, « des décennies d’exclusion, de mauvaise gouvernance, de corruption et de trafic d’armes » ont contribué à la violence endémique des gangs et à la situation dramatique que traverse aujourd’hui ce pays des Caraïbes. 

Les centres de santé, les écoles, les institutions publiques et les infrastructures stratégiques ont été pris pour cible par les membres des gangs. M. Türk appelle donc au déploiement urgent de la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, avec des garanties en matière de droits de l’homme, afin de soutenir la police nationale et d’apporter la sécurité au peuple haïtien.

Le nombre de civils morts dans les conflits a bondi de 72% en 2023,

Plus globalement, le nombre de civils morts dans des conflits a bondi de 72% en 2023, s’est inquiété Volker Türk, alarmé par la forte augmentation de la proportion de femmes et d’enfants. « Il est effrayant de constater que les données montrent que la proportion de femmes tuées en 2023 a doublé et celle des enfants a triplé par rapport à l’année précédente », a-t-il déclaré, à l’ouverture de la 56e session du Conseil des droits de l’homme.

Égrenant les conflits armés qui frappent les différentes régions du monde, le Haut-Commissaire a appelé la communauté internationale à «retrouver le chemin de la paix, conformément à la Charte des Nations unies et au droit international ».

La multiplication de ces conflits - aggravés parfois par le changement climatique - pèse toujours plus lourdement sur les organisations humanitaires, qui dépendent des pays donateurs.

Or, a expliqué M. Türk, à la fin du mois de mai, l’écart entre les besoins de financement humanitaire et les ressources disponibles atteignait 40,8 milliards de dollars (environ 38 milliards d’euros), précisant que les appels de fonds n’étaient financés qu’à hauteur de 16,1 % en moyenne.

Il a indiqué qu’à titre de comparaison, les dépenses militaires mondiales s’élevaient à près de 2.500 milliards de dollars en 2023, «ce qui représente une augmentation de 6,8% en termes réels par rapport à 2022».

Racisme « systémique »

Au Conseil des droits de l’homme, le Haut-Commissaire a ensuite fustigé le racisme « systémique » à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, qui est perpétué par « des systèmes et des structures qui sont enracinés dans l’héritage du colonialisme et de l’esclavage ». 

A ce sujet, il rappelle que dans les pays de l’Union européenne, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a également signalé que la discrimination, le harcèlement, la violence et le profilage racial continuaient à faire partie de la vie quotidienne des Noirs. 

Bien que des pays comme le Brésil, la Colombie et les États-Unis d’Amérique prennent des mesures importantes pour lutter contre la discrimination raciale, des problèmes subsistent. 

Le profilage racial, le taux de chômage élevé, la surreprésentation et le traitement différencié en détention, les cas plus nombreux de recours excessif à la force meurtrière par les forces de l’ordre, les taux disproportionnés de mortalité maternelle, les inégalités en matière de santé et de logement et l’insécurité alimentaire persistent dans ces pays et dans de nombreux autres pays du monde. 

En Afghanistan, les filles et les femmes n'ont pas accès à l'enseignement secondaire depuis la prise du pouvoir par les talibans.
© UN Women/Sayed Habib Bidell
En Afghanistan, les filles et les femmes n'ont pas accès à l'enseignement secondaire depuis la prise du pouvoir par les talibans.

Droits des femmes bafoués en Afghanistan et en Iran

Par ailleurs, « il est tragique de constater que les droits des femmes et des jeunes filles continuent d’être bafoués », a détaillé M. Türk. Il a ainsi déploré « la persécution systémique des femmes et des filles en Afghanistan », notamment en ce qui concerne leurs droits à l’éducation, à l’emploi et à la liberté de mouvement. « Le recours aux châtiments corporels, y compris les flagellations massives persiste ». 

En République islamique d’Iran, l’ONU continue de recevoir des rapports faisant état de répressions violentes, y compris d’arrestations massives, contre des femmes et des filles qui ne portent pas le hijab comme on le leur a demandé, alors que de nouvelles mesures visant à faire respecter la loi sur le hijab sont mises en œuvre. « Le projet de loi "Soutenir la famille en promouvant la culture de la chasteté et du hijab" menace d’imposer des mesures restrictives et punitives supplémentaires aux femmes et aux jeunes filles », a-t-il regretté.