Fil d'Ariane
Combats à l’ouest du Myanmar : les Rohingyas n’ont « nulle part où fuir », alerte l'ONU
Des dizaines de milliers de Rohingya, minorité musulmane, pris au piège des combats dans l’ouest du Myanmar, n’ont nulle part où fuir, a déclaré mardi le chef des droits de l’homme des Nations Unies, évoquant un « pays asphyxié par un régime militaire illégitime ».
Cette alerte du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, intervient alors que l’armée d’Arakan, qui lutte pour l’autonomie de la région de Rakhine au Myanmar, a déclaré dimanche en fin de journée que les habitants de la ville de Maungdaw, habitée principalement par les Rohingyas, devaient quitter les lieux avant 21 heures (heure locale) en prévision d’une offensive planifiée.
« Je suis très préoccupé par la situation à Maungdaw. Ce week-end, l’armée de l’Arakan a donné à tous les habitants restants - y compris une importante population rohingya - l’ordre d’évacuer », a déclaré Volker Turk lors de la présentation au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, d’un rapport sur la situation des droits humains dans ce pays d’Asie du Sud-Est.
Crimes atroces et brutaux
Mais les Rohingyas n’ont pas d’autre choix. « Il n’y a nulle part où fuir », a-t-il dit.
« À l’instar de ce qui s’est passé à Buthidaung, où les Rohingyas ont reçu l’ordre de fuir, puis la ville a été incendiée, je crains que nous soyons - une fois de plus - sur le point d’assister à des déplacements, à des destructions et à des exactions. Les militaires auraient également ordonné l’évacuation des villages de l’ethnie Rakhine autour de Sittwe, où ils ont procédé à des arrestations massives ces derniers jours ».
Les Rohingyas sont persécutés depuis des décennies au Myanmar. Près d’un million d’entre eux vivent dans des camps de réfugiés dans le district frontalier de Cox’s Bazar, au Bangladesh, après avoir fui la répression menée par l’armée dans l’État de Rakhine, sur la côte ouest, en 2017.
Sur le terrain, les militaires ont perdu le contrôle d’un territoire « considérable ». Ils ont donc recours à des mesures de plus en plus « extrêmes ». « Enrôlement forcé. Bombardements aveugles de villes et de villages. Crimes atroces et brutaux ».
L’armée de l’Arakan et le pouvoir accusés d’enrôlements forcés
Dans une démarche « cynique », les militaires ont ainsi fait pression et menacé les jeunes hommes rohingyas pour qu’ils rejoignent leurs rangs. Selon certains rapports, des milliers de jeunes rohingyas ont été enrôlés dans les forces qui ont déplacé des centaines de milliers de membres de leur communauté en 2016 et 2017.
En réponse, l’armée de l’Arakan a exhorté les civils rohingyas à se battre avec elle contre l’armée. Elle a ciblé leurs communautés en déplaçant de force les résidents. À plusieurs reprises, elle a détenu ou tué des hommes en âge de combattre qu’elle soupçonnait de prendre les armes contre elle.
D’une manière générale, les conflits armés continuent de faire rage brutalement dans tout le pays, faisant payer un tribut de plus en plus lourd à la vie des civils. Les services du Haut-Commissaire Turk enquêtent d’ailleurs sur plusieurs attaques signalées contre des civils dans l’État de Rakhine et à Sagaing ces derniers jours, où un grand nombre de civils auraient été tués - lors de frappes aériennes, de barrages d’artillerie navale et de fusillades.
Empêcher la reproduction de crimes atroces commis contre les Rohingyas
Selon le Haut-Commissaire, le Myanmar souffre atrocement. Il s’agit d’une crise emblématique d’un héritage de plusieurs décennies de domination militaire, d’étouffement de la dissidence et des divisions.
« En ce moment même, ces mêmes dynamiques se manifestent sous une forme terrifiante dans les communautés Rohingya et Rakhine. Nous entendons parler de tactiques de guerre horribles, telles que les décapitations ».
Face à cette escalade de violences, le Haut-Commissaire demande l’arrêt des attaques contre les civils.
« La conscription forcée doit cesser. Et le refus de l’aide humanitaire doit cesser », a insisté M. Türk, exhortant toutes les parties à empêcher que les crimes atroces commis contre les Rohingyas en 2016 et 2017 ne se reproduisent.
Le chef des droits de l’homme de l’ONU appelle également les pays de la région à assurer une protection internationale et à fournir un abri adéquat et un accès à long terme aux services essentiels aux personnes qui fuient la violence et la persécution.