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Les « plaques tournantes transnationales » des mutilations génitales féminines entravent les efforts d’éradication (ONU)

La lutte mondiale contre les mutilations génitales féminines (MGF) est compromise par le fait que des familles traversaient les frontières pour faire subir cette procédure à des filles, a mis en garde vendredi un nouveau rapport du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies, évoquant des « plaques tournantes trans-frontières et transnationales » des MGF.

Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), les mutilations génitales féminines (MGF) se poursuivent dans le monde entier, en partie à cause de leur « nature clandestine », mais aussi d’une pratique consistant à franchir les frontières nationales.

« Les États du monde entier doivent veiller à adopter une approche globale concertée qui s’attaque aux causes profondes et aux conséquences des MGF, notamment en harmonisant leurs cadres juridiques et politiques et en veillant à leur mise en œuvre, s’ils veulent vraiment respecter leurs engagements de mettre fin à cette pratique préjudiciable partout dans le monde »,  a déclaré Volker Türk, Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. 

S’appuyant sur des recherches documentaires approfondies et des contributions d’États et d’organisations de la société civile du monde entier, le rapport indique qu’environ 4,3 millions de filles risquaient de subir des mutilations génitales féminines en 2023.

Des hommes et des garçons se joignent à l'effort de plaidoyer contre les mutilations génitales féminines (MGF) en Ouganda.
© UNICEF/Henry Bongyereirwe
Des hommes et des garçons se joignent à l'effort de plaidoyer contre les mutilations génitales féminines (MGF) en Ouganda.

Excision pendant les vacances 

Les mutilations génitales féminines transfrontalières se produisent lorsque des filles ou des femmes d’un pays qui interdit les mutilations génitales féminines sont emmenées par-delà les frontières nationales dans des pays voisins qui n’ont pas interdit cette pratique préjudiciable ou qui ne font pas appliquer les lois pénales existantes. 

Les mutilations génitales féminines sont souvent pratiquées pendant les vacances d’été de sorte que la cicatrisation puisse se faire avant la rentrée scolaire. 

Il a en outre été signalé que des filles subissaient des mutilations génitales en Australie, au Canada, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et aux États-Unis d’Amérique.

Dans l’Union européenne, plus de 600.000 femmes vivraient avec les conséquences des mutilations génitales féminines. Aux États-Unis d’Amérique, un demi-million de filles et de femmes auraient subi des mutilations génitales par le passé ou risqueraient d’en subir à l’avenir. 

D’après une étude menée par les pouvoirs publics en Australie, 53.000 filles et femmes qui résidaient dans le pays en 2017 auraient subi des mutilations génitales, mais selon les estimations des acteurs de la société civile, le nombre de victimes pourrait s’élever à 200.000.

Quand les « exciseuses » traversent les frontières

Le HCDH a ainsi reçu d’organisations de la société civile des informations selon lesquelles, dans certains cas, des filles ne seraient pas emmenées dans leur pays d’origine pour y être excisées, mais dans un pays tiers − véritables « points de convergence » transnationaux pour les mutilations génitales féminines.

Par ailleurs, les filles et les jeunes femmes vivant dans des communautés frontalières sont particulièrement vulnérables, car les zones frontalières accueillent souvent des communautés dont les liens culturels et ethniques dépassent les frontières nationales. Le rapport indique également que, dans certains cas, ce sont les « exciseuses » qui traversent les frontières pour pratiquer la procédure néfaste.

Plusieurs études montrent qu’en Afrique, des filles et des jeunes femmes franchissent des frontières pour subir des mutilations génitales féminines, voyageant notamment du Kenya vers l’Éthiopie, la Somalie, la Tanzanie et l’Ouganda ; de l’Ouganda vers le Kenya ; du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Mauritanie et du Sénégal vers le Mali ; du Ghana vers le Togo et le Burkina Faso ; ainsi que de la Gambie vers le Sénégal.

Des « exciseuses » remettent leurs instruments lors d'une cérémonie visant à mettre fin aux mutilations génitales féminines (MGF) en Gambie.
UNFPA
Des « exciseuses » remettent leurs instruments lors d'une cérémonie visant à mettre fin aux mutilations génitales féminines (MGF) en Gambie.

L’ONU alarmée par la proposition d’abrogation de la loi en Gambie

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), plus de 230 millions de filles et de femmes ont subi des mutilations génitales, dont plus de 144 millions en Afrique et plus de 80 millions en Asie.

La Gambie pourrait être le premier pays à lever l’interdiction. En Gambie les députés ont, dans une écrasante majorité le 18 mars 2024, voté en faveur du projet de loi visant à lever l’interdiction des MGF en vigueur dans le pays depuis 2015.

Or ce pays d’Afrique de l’Ouest fait partie des dix pays où les MGF sont les plus répandues : plus de 70 % des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans ont subi cette intervention, selon les chiffres de l’UNICEF pour l’année 2024.

« Rien ne peut justifier la violence fondée sur le sexe à l’encontre des femmes et des filles, où que ce soit, ni au nom de la culture ni au nom de la tradition », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Liz Throssell, porte-parole du HCDH.

Facteurs contribuant à la pratique trans-frontière et transnationale 

Plusieurs facteurs contribuent à la pratique trans-frontière et transnationale. Le taux de mutilations génitales féminines est ainsi étroitement lié à l’implantation géographique des communautés et des groupes ethniques, celle-ci conditionnant la fréquence de la pratique dans certaines régions. 

Par exemple, en Afrique de l’Est, les zones où le taux de mutilations génitales féminines est élevé se concentrent souvent le long des frontières communes à plusieurs pays, comme c’est le cas dans les zones frontalières entre l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie, le Kenya et la République-Unie de Tanzanie, l’Éthiopie et le Soudan, et Djibouti, l’Érythrée et l’Éthiopie.

« Les mutilations génitales féminines s’inscrivent dans un continuum de violences fondées sur le genre et n’ont pas leur place dans un univers respectueux des droits de l’homme », a fait valoir Volker Türk.

Le rapport demande d’ériger en infraction les mutilations génitales féminines, y compris les mutilations trans-frontières et transnationales. Il exhorte également aux États d’adopter la coopération régionale et internationale, en partenariat avec les communautés transfrontalières et autres communautés concernées, pour prévenir et éliminer les mutilations génitales féminines trans-frontières et transnationales.