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Soudan : les produits de première nécessité hors de portée des habitants d’El Fasher

La situation humanitaire d’environ 800.000 civils vivant à Al Fasher et dans les zones environnantes s’est détériorée à la suite des affrontements armés entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) depuis le 10 mai 2024, ont mis en garde vendredi les agences humanitaires des Nations Unies.

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), les partenaires humanitaires ont reçu des rapports indiquant que les produits de première nécessité, y compris l’eau, sont hors de portée d’une proportion croissante de la population civile en raison des combats en cours.

« Une détérioration rapide de la situation humanitaire et des préoccupations croissantes en matière de protection ont été observées depuis lors, avec une fréquence accrue des affrontements armés affectant des parties de la ville qui avaient été relativement épargnées par les impacts directs du conflit jusqu’à présent », a détaillé l’OCHA dans son rapport de situation.

L’accès humanitaire à El Fasher sévèrement limité

Au Soudan, de violents combats entre l’armée soudanaise et les paramilitaires ont à nouveau fait rage ce mardi dans la ville d’El Fasher. Depuis vendredi 10 mai, les paramilitaires des Forces de soutien rapide ont lancé une offensive sur cette dernière grande ville du Darfour à ne pas être à leurs mains. 

Selon les partenaires de santé, au moins 700 civils ont été blessés et 85 personnes ont été tuées au cours des affrontements armés depuis le 10 mai. La recrudescence des combats et de l’insécurité vient s’ajouter aux difficultés d’accès déjà anciennes, dues aux perturbations des mouvements humanitaires transfrontaliers et de la ligne de démarcation. 

Selon l’OCHA, l’accès humanitaire à El Fasher a été sévèrement limité suite à l’interruption de la route d’approvisionnement Kosti depuis la mi-décembre 2023. Plus d’une douzaine de camions transportant de l’aide pour plus de 120.000 personnes tentent d’atteindre El Fasher depuis plus d’un mois.

Routes bloquées ou dangereuses

Les principales routes de sortie d’El Fasher sont soit bloquées, soit soumises à d’importants obstacles à la circulation, soit dangereuses en raison de la présence et des activités des parties au conflit et des groupes armés. Jusqu’à présent, en 2024, seuls 39 camions ont atteint El Fasher via la ligne de démarcation et la frontière. Ces camions ont transporté des fournitures sanitaires, nutritionnelles et alimentaires pour environ 186.000 personnes.

Depuis le 20 mai, au moins 1 250 personnes (250 ménages) ont été déplacées, selon les rapports de l’OIM. En raison des perturbations des communications et des difficultés d’accès, ces chiffres sont sous-estimés et sont susceptibles d’augmenter. 

Alors qu’une partie des déplacements à partir d’El Fasher sur les routes du sud en direction de Zamzam, Abu Zeriga, Dar El Salam et Nyala serait en cours, d’autres rapports indiquent que les personnes qui voyagent sont soumises à des contrôles aux postes de contrôle.

Des femmes réfugiées soudanaises dans le camp d'Adre, au Tchad.
HCR
Des femmes réfugiées soudanaises dans le camp d'Adre, au Tchad.

5.000 réfugiés convergent dans l’est du Tchad chaque semaine

D’autres Soudanais continuent de fuir dans les pays voisins. Plus de 8,8 millions de personnes ont fui leur domicile depuis la mi-avril 2023 dont deux millions de réfugiés.

Environ 45 % des réfugiés soudanais, soit près de 600.000 personnes, sont accueillis au Tchad. Environ 170.000 ressortissants tchadiens sont également rentrés du Soudan depuis le début des violences en avril 2023. L’écrasante majorité est constituée de femmes et d’enfants : environ 88% des réfugiés et 93% des rapatriés. 

« Chaque semaine, environ 5.000 nouveaux arrivants continuent d’affluer, convergeant vers 32 points d’entrée dans l’est du Tchad. Avec les nouvelles attaques imminentes prévues au Darfour, ce nombre pourrait encore augmenter », a affirmé depuis N'Djamena, la Dre Blanche Anya, Représentante de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Tchad.

Plus qu’une dizaine de jours de fournitures pour un hôpital

L'OMS s’inquiète du sort des établissements sanitaires. Par exemple, l’hôpital sud d’El Fasher - le seul hôpital fonctionnel de l’État - il ne reste qu’une dizaine de jours de fournitures et il est urgent de réapprovisionner l’hôpital.

D’une manière générale, le système de santé au Soudan « s’effondre », en particulier dans les zones difficiles d’accès. Selon l’OMS, les établissements de santé sont détruits, pillés ou confrontés à de graves pénuries de personnel, de médicaments, de vaccins, d’équipements et de fournitures. 

Seuls 30 à 20 % des établissements de santé sont encore fonctionnels, et encore, à un niveau minimal. Les fournitures médicales dans le pays ne répondent qu’à 25 % des besoins. L’entrepôt de l’OMS dans l’État d’Al Gezirah est inaccessible depuis décembre 2023.

Malnutrition aiguë sévère dans les camps au Tchad

« Certains États, comme le Darfour, n’ont pas reçu de fournitures médicales depuis un an. Les personnes souffrant de diabète, d’hypertension, de cancer ou d’insuffisance rénale risquent de connaître des complications ou de mourir en raison de l’absence de traitement », a déclaré lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève, Christian Lindmeier, porte-parole de l’OMS.

Alors que le Soudan voisin est dévasté par le conflit, le Tchad est au centre de la crise des réfugiés qui en résulte et de son profond impact sur la santé. Selon l’OMS, les défis sanitaires dans les camps de réfugiés sont immenses. 

Chaque semaine, 1.500 à 2.000 cas de malnutrition aiguë sévère sont enregistrés. « Alors que la perspective d’une famine au Soudan s’accroît, nous verrons ses répercussions sur l’état de santé des nouveaux réfugiés arrivant au Tchad », a affirmé la Dre Blanche Anya, Représentante de l’OMS au Tchad.

Depuis le début de la crise, 320 décès ont été signalés parmi les réfugiés et les populations hôtes tchadiennes. Selon l’OMS, la majorité de ces décès, soit 184, concerne des enfants souffrant de malnutrition.

Des enfants marchent vers leur abri dans un camp de personnes déplacées près d'El Fasher, la capitale du Nord Darfour, au Soudan (photo d'archives).
© UNICEF/Shehzad Noorani
Des enfants marchent vers leur abri dans un camp de personnes déplacées près d'El Fasher, la capitale du Nord Darfour, au Soudan (photo d'archives).

Des épidémies de dengue, de rougeole et d’hépatite E

« La malnutrition des enfants est très répandue. Combinée à la rougeole et à d’autres épidémies, ainsi qu’à la surpopulation dans des camps manquant de ressources, cette situation constitue une grave urgence sanitaire permanente », a ajouté la Dre Anya,

À la malnutrition s’ajoutent les épidémies de dengue, de rougeole ou de varicelle. Le paludisme, les infections respiratoires aiguës et les maladies diarrhéiques sont en augmentation constante d’une semaine à l’autre.

L’épidémie d’hépatite E dans les camps de réfugiés est particulièrement préoccupante. À la fin du mois d’avril, 2092 cas et 7 décès avaient été signalés. La tendance générale est à la baisse, mais les agences humanitaires poursuivent la surveillance, d’autant que les mauvaises conditions de vie, l’insuffisance des infrastructures de soins de santé, le manque d’assainissement et d’eau propre créent des conditions idéales pour la propagation du virus.

Plus largement, le système de santé du Tchad, déjà fragile, est soumis à une pression énorme. À l’approche de la saison des pluies, la situation sanitaire s’aggravera et l’accès aux populations touchées deviendra plus difficile.