Fil d'Ariane
Haïti : la mission multinationale et la nécessité de rétablir les conditions de sécurité
La mise en place d'une mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti se rapproche, alors que ce pays des Caraïbes reste confronté à une crise de violence et d'insécurité causée par l'activité de gangs criminels bien implantés.
Selon les médias, l'infrastructure de la mission est en train d'être mise en place alors que des fournitures arrivent par avion dans la capitale Port-au-Prince.
Voici ce qu'il faut savoir sur la suite des événements :
Pourquoi une mission internationale de sécurité est-elle nécessaire ?
Haïti est en proie à une violence qui a atteint des niveaux sans précédent. Dans un discours prononcé le 22 avril devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, Maria Isabel Salvador, a déclaré qu'« il est impossible d'exagérer l'augmentation des activités des gangs à Port-au-Prince et au-delà, la détérioration de la situation des droits de l'homme et l'aggravation de la crise humanitaire », ajoutant qu'elle avait « constamment attiré l'attention sur l'exigence inexorable de rétablir les conditions de sécurité ».
En mars 2024, des gangs ont organisé des attaques coordonnées visant des infrastructures clés de l'État, notamment plusieurs postes de police et deux des principales prisons de Port-au-Prince, ainsi que des établissements d'enseignement et de santé et des sites religieux.
« Ces attaques, a souligné Mme Salvador, ont encore affaibli les institutions de l'État et aggravé les problèmes déjà critiques que pose le rétablissement de l'État de droit ».
Au cours des trois premiers mois de l'année, l'ONU a déclaré que 2.500 personnes, dont au moins 82 enfants, ont été tuées ou blessées à la suite des violences commises par les gangs.
Près de la moitié des victimes ont été touchées par des balles lors d'attaques violentes contre leur quartier ou d'affrontements entre les gangs et la police.
Au moins 438 personnes ont été enlevées contre rançon au cours de la même période.
Selon les Nations Unies, quelque 362.000 personnes - dont la moitié sont des enfants - ont été contraintes de fuir leur domicile parce qu'il était trop dangereux d'y rester.
Les violences sexuelles et les abus contre les femmes et les filles sont en augmentation, et des dizaines de milliers d'enfants ne peuvent pas aller à l'école en raison de l'insécurité.
Qui soutient l'aide à la sécurité ?
La police nationale haïtienne (PNH) n'est pas en mesure de contenir totalement la flambée de violence, et l'armée haïtienne est trop peu nombreuse et n'est que modestement équipée.
Tout le monde s'accorde à dire que l'aide de la communauté internationale est nécessaire pour soutenir la PNH dans ses efforts pour stabiliser la situation et permettre aux Haïtiens de vivre leur vie quotidienne sans craindre d'être victimes de la violence des gangs.
Dès octobre 2022, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a répondu à une demande de l'ancien Premier ministre haïtien Ariel Henry, exhortant les nations à se manifester.
Les Bahamas, le Bangladesh, la Barbade, le Belize, le Bénin, le Tchad, la Jamaïque et le Kenya ont officiellement notifié au Secrétaire général leur intention de fournir du personnel à la mission de soutien.
Le porte-parole de l'ONU a confirmé que d'autres pays avaient exprimé leur intérêt à soutenir la mission, mais que l'ONU n'avait pas encore reçu de notifications officielles à cet effet.
Pourquoi la mise en place de la mission a-t-elle pris autant de temps ?
Au départ, l'un des principaux points d'achoppement était de savoir quel pays se porterait candidat pour diriger une mission qui pourrait s'avérer très compliquée et risquée.
Les médias indiquent que les gangs exercent un contrôle sur environ 80% de la capitale. Un récent accord entre les gangs pour former un front uni contre la mission a encore compliqué la situation.
Le Kenya dirigera la mission. Des fonctionnaires kenyans se sont rendus en Haïti pour s'entretenir avec des dirigeants haïtiens et régionaux, entre autres, au sujet du mandat et de la portée de la mission.
Le Président kenyan, William Ruto, a déclaré à l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2023 que les Haïtiens « souffraient énormément de l'héritage amer de l'esclavage, du colonialisme, du sabotage et de la négligence », ajoutant que la gestion de la situation en Haïti était le « test ultime de la solidarité internationale et de l'action collective ».
De quel type d'opération s'agit-il ?
Il est important de noter que la mission de sécurité ne sera pas une opération de l'ONU.
Cependant, le Conseil de sécurité a autorisé la mission et a demandé au Secrétaire général de créer un fonds d'affectation spéciale pour canaliser les contributions volontaires à l'opération.
Fin avril, un porte-parole des Nations Unies a confirmé que 18 millions de dollars avaient été déposés dans le fonds par le Canada, la France et les États-Unis.
Que se passe-t-il ensuite et quelle est l'implication des Nations Unies ?
En approuvant la mission, le Conseil de sécurité a agi en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui autorise notamment le recours à la force après épuisement de toutes les autres mesures de maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Entre-temps, les Nations Unies continuent de soutenir Haïti sur plusieurs fronts.
Une mission politique, connue sous l'acronyme français BINUH et dirigée par Mme Salvador, continue de soutenir les efforts du gouvernement pour renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance, y compris l'État de droit.
Les agences de l'ONU fournissent une aide humanitaire aux Haïtiens touchés par la violence et l'insécurité, mais aussi par des catastrophes naturelles telles que le tremblement de terre d'août 2021.
Le Service aérien humanitaire des Nations Unies (UNHAS) transporte actuellement des travailleurs humanitaires, du matériel essentiel et de l'aide vitale vers Haïti et à travers l’intérieur du pays. Parallèlement, les Nations Unies continuent d'aider les autorités à renforcer le développement socio-économique.