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Soudan : le chef des droits de l’homme de l’ONU horrifié par l’escalade des violences au Darfour

Alors que les combats au Soudan impactent terriblement des millions de civils et que la famine menace de nombreuses localités, le chef des droits de l’homme de l’ONU s’est dit, vendredi, horrifié par l’escalade de la violence à El Fasher, au Darfour, où les hostilités entre les forces armées soudanaises et les paramilitaires des forces de soutien rapide ont des effets dévastateurs sur les civils. 

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), au moins 58 civils auraient été tués et 213 autres blessés à El Fasher depuis l’escalade des combats dans cette ville du Nord-Darfour la semaine dernière.

Le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies indique que le Haut-Commissaire Volker Türk a téléphoné mardi au général de corps d’armée Abdel Fattah Al-Burhan, commandant des forces armées soudanaises, et au général Mohamed Hamdan Dagalo, qui dirige les forces rivales des paramilitaires.

La famine se rapproche

M. Türk les a exhortés à agir immédiatement - et publiquement - pour désamorcer la situation. « Il a averti aux deux commandants que les combats à El-Fasher, où plus de 1,8 million de résidents et de personnes déplacées sont actuellement encerclés et exposés à un risque imminent de famine, auraient un impact catastrophique sur les civils et aggraveraient le conflit intercommunautaire, avec des conséquences humanitaires désastreuses », a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du HCDH. 

La dernière fois que le Haut-Commissaire s’est entretenu directement, en personne, avec les deux commandants, c’était en novembre 2022, lors d’une visite officielle au Soudan.

Cette alerte du Chef des droits de l’homme de l’ONU intervient alors qu’après treize mois de guerre au Soudan, la moitié de la population de ce pays du nord-est de l’Afrique a besoin d’une aide humanitaire, soit 25 millions de personnes. 

« La famine se rapproche. Les maladies se rapprochent. Les combats se rapprochent des civils, en particulier au Darfour », a rappelé , en liaison téléphonique depuis Port-Soudan, le Dr Shible Sahbani, Représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Soudan, lors d’un point de presse à Genève. 

Des enfants marchent vers leur abri dans un camp de personnes déplacées près d'El Fasher, la capitale du Nord Darfour, au Soudan (photo d'archives).
© UNICEF/Shehzad Noorani
Des enfants marchent vers leur abri dans un camp de personnes déplacées près d'El Fasher, la capitale du Nord Darfour, au Soudan (photo d'archives).

 Faim aiguë

Selon l’OMS, la famine menace, en particulier certaines parties du Darfour et à Khartoum, où plus d’un tiers de la population souffre d’une faim aiguë. Le nombre d’enfants de moins de cinq ans et de femmes enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition aiguë a augmenté de 22 %, passant de 3,9 millions de personnes en 2023 à 4,9 millions en 2024.

Se faisant l’écho des inquiétudes suscitées par cette situation catastrophique, le Bureau de coordination de l’aide des Nations unies (OCHA) a averti que les maladies se rapprochaient et que les gens « regardaient la famine en face ». Or le plan d’intervention des Nations unies de de 2,7 milliards de dollars visant à atteindre 15 millions de personnes parmi les plus touchées, est largement sous-financé.

« Aujourd’hui, les humanitaires n’ont reçu que 12 % du total et, sans une injection immédiate de fonds, les équipes d’aide « ne seront pas en mesure d’augmenter leurs effectifs à temps pour éviter la famine et prévenir de nouvelles privations », a prévenu Jens Laerke, porte-parole de l’OCHA.

Propagation du choléra et la rougeole

Comme pour appuyer cette mise en garde, l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS) prévient que « si nous n’agissons pas maintenant, la crise soudanaise deviendra incontrôlable ».  D’autant que plus d’un an de conflit incessant a entraîné le déplacement de près de 9 millions de personnes - 17 % de la population -, provoqué la famine et quasiment détruit le système de santé, selon l’OMS. 

« Près de 16.000 personnes sont mortes à cause de cette guerre, 33.000 ont été blessées. Mais le bilan de la guerre est probablement beaucoup plus lourd », a décrit le Dr Shible Sahbani, représentant de l’OMS au Soudan.

« La récente escalade de la violence au Darfour, et en particulier à Al Fashir, est alarmante et provoque davantage de morts et de blessés parmi les civils, l’accès aux structures de santé étant entravé par l’insécurité qui en découle ».

Sur le terrain, les épidémies comme le choléra, la rougeole, la dengue et le paludisme se propagent. Actuellement, les deux tiers des 18 États du Soudan connaissent des épidémies multiples. 

Des camions chargés d'aide humanitaire en route pour El Fasher, au Darfour.
UN Sudan/Toby Harward

Les humanitaires face à l’insécurité

« Avec l’approche de la saison des pluies, ce risque sera encore plus exacerbé, car les personnes vivant dans des abris de fortune seront davantage exposées aux éléments ». 

De plus, l’OMS est particulièrement préoccupée par l’absence de traitement pour les personnes souffrant de maladies chroniques, telles que le diabète ou les maladies cardiaques. « Même avant l’escalade du conflit, les maladies non transmissibles représentaient plus de 50 % de la mortalité au Soudan ».

Or sur le terrain, les attaques contre le personnel de santé et les travailleurs humanitaires aggravent le manque d’accès aux services de santé et mettent gravement en danger les patients, le personnel de santé, le personnel humanitaire et les biens humanitaires.  L’OMS a enregistré 62 attaques vérifiées contre des soins de santé.

« L’insécurité et les obstacles bureaucratiques continuent d’entraver l’accès à l’aide humanitaire, entraînant de longues attentes pour l’acheminement des fournitures et du personnel là où ils sont nécessaires de toute urgence ».

L’afflux de réfugiés du Soudan et de la RDC en Ouganda

De son côté, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) note que la politique d’ouverture de l’Ouganda aux réfugiés est mise à rude épreuve par les arrivées en provenance du Soudan et de la RD Congo. L’Ouganda accueille un nombre croissant d’arrivées de Soudanais - plus de 33.000 personnes, dont 19.000 sont arrivées à Kampala depuis le début de l’année 2024 - cherchant à se mettre à l’abri d’une guerre qui fait rage depuis plus d’un an. 

« La plupart des arrivants soudanais sont originaires de Khartoum et nombre d’entre eux ont un niveau d’éducation universitaire », a déclaré Matthew Crentsil, porte-parole du HCR.

En comptant les Soudanais, ce sont en moyenne 2.500 personnes qui arrivent en Ouganda chaque semaine, principalement en provenance de la République démocratique du Congo et du Sud-Soudan, essentiellement en raison des conflits en cours et des problèmes liés au climat. 

L’Ouganda accueille le plus grand nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile en Afrique, avec près de 1,7 million de personnes, principalement originaires du Sud-Soudan et de la RDC. 

Le plan de réponse de l’Ouganda aux besoins des réfugiés, qui demande 858 millions de dollars, n’a reçu que 13 % des fonds nécessaires.