Fil d'Ariane
Madagascar : l’ONU se concentre sur la coordination, la convergence et le changement pour sortir le pays des crises
Comment soutenir au mieux les populations lors des crises humanitaires avec des budgets d'aide limités et que faire pour aider ces mêmes populations à sortir du cycle de dépendance causé par les crises multiples et s'orienter vers un développement plus durable ?
Telles sont les questions que se posent les agences de l'ONU sur le terrain à Madagascar, alors que la nation insulaire fait face au changement climatique, aux énormes besoins humanitaires et au sous-développement persistant.
Gilles Chevalier, Représentant adjoint de l'UNICEF et chef des programmes, et Natasha van Rijn, Représentante résidente du Programme des Nations Unies pour le développement, expliquent comment les changements apportés à la façon dont ils travaillent contribuent à renforcer la résilience et le développement durable.
Gilles Chevalier : L'une des principales décisions que nous avons prises à l'UNICEF est de renforcer l'empreinte de notre personnel dans le sud de Madagascar, qui a été touché par la sécheresse due au changement climatique et au phénomène El Niño. La population de cette partie du pays est très vulnérable ; beaucoup souffrent de malnutrition et d'un manque d'accès aux services de base, il y a donc de nombreux besoins humanitaires.
Plusieurs agences humanitaires de l'ONU convergent pour contribuer à l'effort de réponse dans la région du Grand Sud. Ces acteurs cherchent également de manière systématique des moyens de prévenir et d'atténuer les effets dévastateurs du changement climatique dans le sud.
Natasha van Rijn : Les indicateurs de développement dans le sud, par exemple, pour la santé, l'éducation, la nutrition, l'infrastructure, l'approvisionnement en énergie, sont tous plus faibles que dans d'autres parties de l'île, et cela est central aussi bien pour la planification et les conversations qui doivent avoir lieu que pour la réponse humanitaire qui est actuellement en cours.
Les Nations Unies sont engagées à la fois dans des activités humanitaires et de développement. Une façon de différencier ces deux activités est de considérer que le travail humanitaire consiste à traiter les symptômes d'une maladie dans une situation d'urgence, tandis que le développement œuvre en faveur de la santé et du bien-être en s'attaquant aux problèmes structurels sous-jacents qui peuvent éventuellement déboucher sur une crise humanitaire.
Gilles Chevalier : Nous essayons, autant que faire se peut, d'éviter de travailler sur des interventions à petite échelle dans de nombreux endroits différents. Nous étudions plutôt les complémentarités possibles entre les interventions du système des Nations Unies et de ses partenaires. Nous avons sélectionné ce que nous appelons des « zones de convergence » sur la base de la vulnérabilité multidimensionnelle identifiée dans les différents districts. De cette manière, le système des Nations Unies peut réellement mettre en œuvre une intervention coordonnée de long terme.
Natasha van Rijn : Le fait d'investir plus massivement dans une zone géographique crée un environnement dans lequel d'autres acteurs peuvent capitaliser sur les investissements réalisés.
Dans ces zones de convergence, et de manière générale, il est vraiment important de souligner que les acteurs du développement et de l'aide humanitaire travaillent en partenariat. Nous apportons des compétences différentes en fonction de la problématique, qu'il s'agisse d'une expérience de longue date avec les partenaires nationaux ou de comment répondre rapidement à une crise émergente.
Bien sûr, il est important de reconnaître le rôle des homologues nationaux, du gouvernement, du secteur privé, de la société civile et des communautés, car ils sont au cœur du travail humanitaire et de développement.
Gilles Chevalier : Nous avons déjà constaté un changement très net dans l'approche des partenaires à l'égard des programmes dans les zones de convergence. Un grand nombre d'entre eux ne s'intéressent pas seulement à la survie des populations, mais se concentrent de plus en plus sur le renforcement de la résilience. Nous sommes heureux de noter que les partenaires financiers injectent des sommes de plus en plus importantes avec une perspective à long terme, reconnaissant l'importance de créer un impact durable. Cela n'est possible que si les systèmes sont renforcés au niveau local et que les solutions sont adaptées au contexte.
Natasha van Rijn : C'est ce que nous appelons le nexus entre l'humanitaire et le développement. Il s'agit d'aligner les efforts pour faire face aux risques, prévenir les pertes de développement et renforcer la résilience en temps de crise. La paix est le troisième aspect du nexus, avec le développement et la satisfaction des besoins humanitaires. Aucun de ces aspects ne peut être atteint sans les autres.
L'intervention du Fonds pour la consolidation de la paix des Nations Unies à Betroka, dans la région d'Anosy, dans le Grand Sud de Madagascar, une zone qui était en proie à l'insécurité en raison du vol de bétail, en est un bon exemple. Le travail du Fonds a contribué à stabiliser la situation locale et a permis aux agences humanitaires de fournir une aide de manière plus sûre et aux acteurs du développement d'entamer des discussions avec les autorités locales sur une série de questions telles que la gouvernance locale, le maintien de l'ordre et la relance de l'activité économique.
Gilles Chevalier : Il est essentiel que Madagascar reste au centre de l'attention, non seulement de nos partenaires gouvernementaux, mais aussi des donateurs. Globalement, Madagascar n'a pas été une priorité pendant longtemps, mais il est maintenant reconnu comme l'un des pays les plus touchés par le changement climatique dans le monde. En ce sens, Madagascar s'est fermement positionné sur la carte ces dernières années.
Natasha van Rijn : Si nous prenons le temps de regarder la situation à Madagascar dans toute sa complexité, alors nous avons la possibilité de répondre aux besoins dans toutes leurs dimensions multisectorielles. Malheureusement, les mécanismes de financement habituels ne s'y prêtent pas toujours, car ils ciblent des interventions humanitaires, de développement ou de consolidation de la paix.
C'est pourquoi le rôle de coordination des Nations Unies, et plus particulièrement du Bureau du Coordonnateur résident, est aussi important que l'application des approches nexus sur le terrain, car il rassemble tous les partenaires pour discuter de la manière la plus efficace de contribuer à la stabilité et à la prospérité à long terme de Madagascar.