Fil d'Ariane
Gaza : quelque 30.000 personnes fuient quotidiennement Rafah – OCHA
Depuis qu’Israël a commencé à faire avancer ses troupes vers l’est de Rafah et à intensifier ses attaques sur la ville lundi dernier, quelque 110.000 Palestiniens ont fui cette partie de l’enclave palestinienne en quête de sécurité, ont indiqué vendredi des agences des Nations Unies.
Alors que la ville de Rafah est menacée d’un assaut à grande échelle par l’armée israélienne, ces Gazaouis se dirigent généralement vers des zones qu’ils jugent moins dangereuses sur l’étroit territoire palestinien. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), quelque 30.000 personnes fuient la ville chaque jour .
« La plupart de ces gens ont déjà dû se déplacer à 5 ou 6 reprises » depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, a déclaré depuis Rafah, Georgios Petropoulos, le Chef du bureau d’OCHA à Gaza, lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève.
Jeudi, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) estimait sur le réseau social X à 80.000 le nombre de personnes ayant fui Rafah « depuis que les forces israéliennes ont intensifié leurs opérations le 6 mai ».
« Partout où vous regardez, des familles fuient »
Alors que les bombardements des forces israéliennes s’intensifient à Rafah et « un nuage de fumée noire persiste au sud de Gaza suite aux bombardements intensifiés toute la nuit et tôt le matin », les déplacés ne savent pas parfois où se réfugier. Selon l’UNRWA, où qu’ils aillent, ces Gazaouis sont confrontés à la menace permanente des attaques israéliennes.
Sur le terrain, les Gazaouis qui ont déjà été déplacés le sont à nouveau, se déplaçant vers l’ouest Rafah ou ailleurs. « Mais le danger est également là », prévient l’UNRWA.
« Aucun endroit de la bande de Gaza n’est sûr et les conditions de vie sont atroces », a alerté sur le réseau social X, l’UNRWA, appelant une nouvelle fois à un « cessez-le-feu immédiat ».
Les dernières images de Rafah fournies par l’UNRWA montrent un flux constant de personnes quittant l’est de la ville avec des voitures, des motos et des charrettes à ânes chargées de leurs biens, en réponse aux ordres d’évacuation de l’armée israélienne. Comme pour mieux montrer les mouvements de populations, une porte-parole de l’UNRWA a décrit comment Rafah est en train de se vider de ses habitants.
« Hier (jeudi) après-midi, à l’ouest de Rafah, cette zone située près de la barrière frontalière égyptienne était saturée d’abris de fortune, mais elle est aujourd’hui visiblement plus vide », a détaillé Louise Wateridge, relevant que « partout où vous regardez, des familles fuient ». Selon l’UNRWA, les familles ont ainsi continué à faire leurs bagages et à se déplacer tout au long de la soirée, rendant les routes « encombrées ».
Un niveau d’urgence « sans précédent »
Face à ces mouvements de population, les humanitaires estiment que la situation actuelle à Gaza a atteint « un niveau d’urgence sans précédent ». D’autant que la fermeture du point de passage de Rafah a coupé l’accès au carburant pour les activités humanitaires et a limité le mouvement du personnel et l’entrée d’articles humanitaires essentiels.
Dans ces conditions, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’UNRWA seront à court de nourriture à distribuer dans les prochains jours. L’entrepôt principal du PAM est inaccessible et aucune aide n’est arrivée de Rafah depuis deux jours.
« Quatre boulangers de la ville de Gaza sont encore opérationnels et disposent de suffisamment de combustible et de stocks pour produire du pain pendant environ une semaine », a détaillé Georgios Petropoulos, rappelant qu’au 10 mai, sur les 12 boulangeries soutenues par les partenaires humanitaires dans le sud de Gaza, huit ont cessé leurs activités en raison du manque de carburant et de stocks.
Les quatre qui fonctionnent encore à Deir al Balah et Rafah seront également à court de stocks et de carburant d’ici lundi si la situation humanitaire ne s’améliore pas.
D’une manière générale, la baisse des stocks de nourriture et de carburant pourrait contraindre les opérations d’aide à s’arrêter en quelques jours dans la bande de Gaza, les principaux points de passage restant fermés.
L’équation du manque de carburant
Pour les humanitaires, les opérations humanitaires ne peuvent se dérouler sans carburant. L’indisponibilité du carburant affectera tous les secteurs vitaux. Cette suspension pourrait contraindre les hôpitaux à fermer et entraîner une aggravation de la malnutrition, ont averti les agences onusiennes.
Au cours des prochaines 24 heures, cinq hôpitaux gérés par le ministère palestinien de la santé et 28 ambulances (14 du Croissant-Rouge palestinien et 14 du ministère de la santé) devraient manquer de carburant.
C’est le cas aussi des 17 centres de soins de santé primaires gérés par l’UNRWA et d’autres partenaires, des cinq hôpitaux de campagne ainsi que des dix cliniques mobiles qui fournissent des vaccins, des soins de traumatologie et des services de lutte contre la malnutrition, ou des 23 installations médicales à Al Mawasi.
De son côté, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) note que pendant cinq jours, aucun carburant et pratiquement aucune aide humanitaire n’ont pénétré dans la bande de Gaza.
Des humanitaires « au bout du rouleau »
« Nous sommes au bout du rouleau », a affirmé Hamish Young, Coordinateur principal de l’UNICEF pour les situations d’urgence dans la Bande de Gaza, relevant que « le manque de carburant pourrait paralyser les opérations humanitaires ».
Sans carburant, les services de maternité de l’hôpital émirati ne peuvent pas fonctionner, alors qu’environ 80 bébés y naissent chaque jour. Les femmes enceintes n’ont aucune possibilité d’accoucher en toute sécurité.
« Comme nous l’avons vu dans d’autres parties de Gaza au cours des sept derniers mois, lorsque les hôpitaux manquent de carburant, les équipements vitaux tels que les ventilateurs et les couveuses cessent de fonctionner », a ajouté Hamish Young.
Par ailleurs, les familles manquent d’installations sanitaires, d’eau potable et d’abris. Selon l’Unicef, les gens fabriquent des toilettes improvisées en creusant des trous dans le sol autour des groupes de tentes. « La défécation à l’air libre est en augmentation », a averti M. Young.
« Les personnes déplacées sont encore plus exposées aux maladies, aux infections, à la malnutrition, à la déshydratation et à d’autres problèmes de protection et de santé ».
Plus largement et face aux besoins croissants à Rafah, l’aide humanitaire est obligée de « racler les fonds de tiroir ». « Aujourd’hui, j’ai vu quelqu’un essayer de déplacer ses latrines à l’arrière d’une charrette tirée par un âne - cela vous donne une idée du désespoir des gens. Les dunes d’Al-Mawasi étaient déjà bordées d’abris, mais il est désormais difficile de se frayer un chemin entre la masse de tentes et de bâches », a conclu le responsable de l’UNICEF.