Fil d'Ariane
Liberté de la presse : le chef de l’ONU choqué par le nombre de journalistes tués lors des opérations israéliennes à Gaza
Les Nations Unies ont célébré vendredi la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’occasion pour le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de se dire « choqué et consterné par le nombre de journalistes qui ont été tués lors des opérations militaires menées par Israël à Gaza ».
Les journalistes palestiniens couvrant Gaza ont été désignés jeudi lauréats du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano 2024, sur recommandation d'un jury international de professionnels des médias.
Au-delà de Gaza, il a observé que partout dans le monde, des professionnels des médias risquent leur vie pour tenter de nous informer sur tous les sujets, de la guerre à la démocratie.
« L’Organisation des Nations Unies salue le travail extrêmement précieux qu’accomplissent les journalistes et les professionnels des médias pour que le public soit informé et mobilisé », a dit le chef de l’ONU dans un message vidéo.
« Sans faits, nous ne pouvons lutter contre les informations fausses et trompeuses. Sans obligation de rendre des comptes, nous n’aurons pas de politiques solides. Sans liberté de la presse, nous n’aurons aucune liberté. La liberté de la presse n’est pas un choix, c’est une nécessité », a-t-il ajouté.
Des journalistes qui risquent leur vie
L’année 2023 a été une nouvelle année dévastatrice pour le journalisme. 71 journalistes et professionnels des médias ont été tués et seuls 13% des cas de meurtre ont fait l'objet d'une enquête. Et 320 journalistes et professionnels des médias ont été emprisonnés, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré.
Cette année, la Journée mondiale de la liberté de la presse est centrée sur le journalisme face à la crise environnementale.
Le Secrétaire général a noté que les journalistes et professionnels des médias ont un rôle clé à jouer en informant et en éduquant sur la situation d’urgence environnementale sans précédent à laquelle le monde est confronté.
« Les médias locaux, nationaux et internationaux peuvent placer la crise climatique, la perte de biodiversité et l’injustice environnementale sous les feux de l’actualité. Grâce à ce travail, les gens finissent par comprendre la situation critique que connaît notre planète, se mobilisent et ont les moyens d’agir en faveur du changement », a-t-il souligné. « Les professionnels des médias montrent également la dégradation de l’environnement. Et face au vandalisme environnemental, ils apportent des preuves qui permettent d’amener les responsables à rendre compte de leurs actes ».
Dans ce contexte, il a jugé qu’il n’était pas surprenant que « des personnes, des entreprises et des institutions puissantes ne reculent devant rien pour empêcher les journalistes de l’environnement de faire leur travail », notant que « le journalisme de l’environnement est une profession de plus en plus dangereuse ».
Menaces contre les journalistes couvrant l'environnement
Selon un nouveau rapport de l’UNESCO publié vendredi, plus de 70% des journalistes de 129 pays qui traitent des questions environnementales ont indiqué avoir été victimes de menaces, de pressions ou d’attaques.
D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), ces faits sont en lien avec leurs enquêtes sur des questions environnementales. Parmi eux, deux journalistes sur cinq disent avoir subi des violences physiques.
Dans le cadre de la publication de cette enquête, l’UNESCO a également révélé qu’au moins 749 journalistes et organes de presse traitant de questions environnementales ont été « la cible de meurtres, de violences physiques, de détentions et d’arrestations, de harcèlement en ligne ou d’attaques juridiques » au cours de la période 2009-2023.
Une augmentation de 42 % des cas a été relevée entre 2019 et 2023 par rapport à la période précédente (2014-2018), selon l'agence onusienne basée à Paris, relevant aussi que « la désinformation en ligne a considérablement augmenté au cours de cette période ».
« A travers le monde, les journalistes sur lesquels nous comptons pour enquêter à ce sujet et garantir l’accès à l’information sont confrontés à des risques inacceptables, et la désinformation sur le climat est omniprésente sur les réseaux sociaux », a déclaré dans un communiqué, Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO.
Dans ce climat de violence, au moins 44 journalistes traitant des questions environnementales ont été tués depuis 2009 dans quinze pays, dont trente en Asie-Pacifique et onze en Amérique latine ou dans les Caraïbes. Quelque 24 ont survécu à des tentatives de meurtre et seulement cinq assassinats ont donné lieu à des condamnations, soit « un taux d’impunité choquant de près de 90 % », insiste l’UNESCO.
Une hausse des agressions physiques
Quelque 85% des journalistes concernés disent avoir fait l’objet de menaces ou de pressions psychologiques, 60% ont été victimes de harcèlement en ligne, 41% d’agressions physiques et 24% ont déclaré avoir été attaqués sur le plan juridique.
Plus largement, l’Observatoire de l’UNESCO des journalistes assassinés révèle en outre que d’autres formes d’agressions physiques sont également répandues, avec 353 incidents recensés. Il constate également que ces agressions ont plus que doublé au cours des dernières années, passant de 85 entre 2014 et 2018 à 183 entre 2019 et 2023.
Outre les agressions physiques, près de la moitié des journalistes (45%) disent s’autocensurer par crainte de représailles, de voir leurs sources dévoilées, ou parce qu’ils sont conscients que leurs articles sont en conflit avec les intérêts de parties prenantes concernées. Les données montrent également que les femmes journalistes sont plus exposées que les hommes au harcèlement en ligne.
Or les journalistes environnementaux sont confrontés à des risques croissants car leur travail « recoupe souvent des activités économiques très rentables, telles que l’exploitation forestière illégale, le braconnage ou le déversement illégal de déchets », note l’UNESCO.
Une feuille de route contre la désinformation sur le climat
Face à ces chiffres alarmants, l’UNESCO appelle à un renforcement du soutien aux journalistes spécialisés dans les questions environnementales, car « sans informations scientifiques fiables sur la crise environnementale en cours, nous ne pourrons jamais espérer la surmonter », a déclaré la cheffe de l’UNESCO, Audrey Azoulay, ajoutant que « la désinformation liée au climat est omniprésente sur les réseaux sociaux ».
Ce rapport a été publié lors de la Conférence de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2024 organisée à Santiago du Chili du 2 au 4 mai 2024.
L’un des principaux résultats de la Conférence de la Journée mondiale de la liberté de la presse sera une feuille de route mondiale de l’UNESCO contre la désinformation sur le climat. Celle-ci identifie les rôles que les gouvernements, les médias, les universités et les chercheurs, la société civile et les plateformes numériques, peuvent jouer pour protéger les journalistes environnementaux.
Pour un journalisme indépendant, éthique et de qualité
De son côté, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a rappelé la nécessité « d’un journalisme indépendant, éthique et de qualité ».
« Sur la crise climatique – et sur toutes les crises – les journalistes sont les alliés ultimes en matière de droits humains. Parce que dans leur quête de faits, de preuves et de responsabilités, nous avons l’un de nos meilleurs espoirs de construire des sociétés fondées sur la vérité et la confiance », a-t-il affirmé.