Fil d'Ariane
Le temps presse pour prévenir la famine au Darfour alors que la violence s'intensifie à El Fasher, selon le PAM
Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a prévenu vendredi que le temps presse pour prévenir la famine au Darfour, alors que l'intensification des affrontements à El Fasher, la capitale du Nord Darfour, au Soudan, entrave les efforts visant à fournir une aide alimentaire vitale à la région.
Les civils d’El Fasher et de la région élargie du Darfour sont déjà confrontés à des niveaux de faim dévastateurs, mais les livraisons d’aide alimentaire ont été intermittentes en raison des combats et des obstacles bureaucratiques interminables. La dernière escalade de violence autour d’El Fasher a interrompu les convois d’aide en provenance du poste frontière tchadien de Tiné.
Besoin d’un accès sans restriction
Pendant ce temps, les restrictions imposées par les autorités de Port-Soudan empêchent le PAM d'acheminer l'aide via Adré, le seul autre corridor transfrontalier viable depuis le Tchad. L’itinéraire peut desservir le Darfour occidental et d’autres endroits du Darfour central, méridional et oriental. Ces contraintes d'accès compromettent les projets visant à fournir une assistance vitale à plus de 700.000 personnes avant la saison des pluies, lorsque de nombreuses routes du Darfour deviennent impraticables, a souligné le PAM dans un communiqué de presse.
« Nos appels en faveur d'un accès humanitaire aux points chauds du conflit au Soudan n'ont jamais été aussi critiques : le PAM a besoin de toute urgence d'un accès sans restriction et de garanties de sécurité pour fournir une assistance aux familles qui luttent pour leur survie dans un contexte de violence dévastatrice. Nous devons être en mesure d’utiliser le poste frontière d’Adré et d’acheminer l’aide à travers les lignes de front depuis Port-Soudan afin de pouvoir atteindre les populations dans toute la région du Darfour », a déclaré Michael Dunford, Directeur régional du PAM pour l’Afrique de l’Est.
Enfants mourant de malnutrition
La récente flambée de violence à El Fasher exacerbe les besoins humanitaires critiques au Darfour, où au moins 1,7 million de personnes connaissent déjà des niveaux de faim d'urgence (IPC4). El Fasher était un refuge relatif pour les familles, abritant de nombreux camps de personnes déplacées avant le conflit actuel. Pourtant, les conditions étaient déjà critiques avec des informations faisant état d’enfants mourant de malnutrition.
Aujourd’hui, beaucoup sont contraints de fuir El Fasher et ses environs – certains pour la deuxième ou la troisième fois – et deviennent de plus en plus vulnérables. En plus de l'impact de l'escalade de la violence, le PAM craint que la faim augmente considérablement à mesure que la période de soudure entre les récoltes s'installe et que les gens manquent de nourriture.
« La situation est désastreuse. Les gens ont recours à la consommation d’herbes et de coquilles d’arachides. Si l'aide ne leur parvient pas rapidement, nous risquons d'assister à une famine et à des décès généralisés au Darfour et dans d'autres zones touchées par le conflit au Soudan », a dit Michael Dunford.
Au cours des six dernières semaines, le PAM a fourni une aide alimentaire et nutritionnelle d'urgence à plus de 300.000 personnes dans le Nord, l'Ouest et le Centre du Darfour en utilisant les postes frontières de Tiné et Adré et une route transversale depuis Port-Soudan. Ces avancées font suite à de longues négociations. Mais les progrès semblent avoir été de courte durée, toutes les routes étant désormais bloquées.
Pour sa part, la cheffe du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Catherine Russell, a prévenu qu’une attaque contre El Fasher mettrait en danger des centaines de milliers d’enfants.
« La menace d’une attaque militaire imminente contre El Fasher, une ville abritant au moins 500.000 personnes déplacées par les violences ailleurs dans le pays, risque de provoquer une escalade catastrophique, mettant en danger la vie et le bien-être de 750.000 enfants d’El Fasher, et potentiellement de millions d’autres. Nous appelons les parties au conflit à se retirer d’urgence d’une confrontation aussi dangereuse », a dit Mme Russell dans une déclaration à la presse publiée jeudi.
« Les enfants soudanais continuent de subir des violences inadmissibles, tandis que leurs parents et grands-parents portent encore les cicatrices des cycles de violence précédents. Nous ne pouvons pas permettre que cela continue à se produire », a-t-elle ajouté.
Mission du HCR à Omdurman
De son côté, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré être très préoccupée par les « niveaux choquants de violence » et les risques dévastateurs pour l’aide humanitaire.
Pour la première fois depuis le début du conflit, une équipe du HCR s’est rendue à Omdurman, dans l’Etat de Khartoum, une ville gravement touchée par le conflit.
« Sur place, le personnel du HCR a constaté les destructions 'massives' causées par la guerre, les besoins immenses et les niveaux élevés de souffrance au sein d’une population qui a été hors de portée des humanitaires pendant des mois », a déclaré lors d’un point de presse de l’ONU à Genève, Olga Sarrado Mur, porte-parole du HCR.
Violences sexuelles
Au cours de la mission de deux jours à Omdurman, qui accueille plus de 12.000 réfugiés et plus de 54.000 déplacés internes, les équipes du HCR ont constaté l’angoisse et la vulnérabilité de ces populations.
Les familles déplacées, y compris les Soudanais et les réfugiés qui se trouvaient au Soudan avant la guerre, ont fait part au HCR de leurs difficultés à se procurer suffisamment de nourriture en raison de la flambée des prix. « Cela fait craindre que les enfants ne souffrent de malnutrition », a ajouté Mme Sarrado Mur.
Dans le même temps, les enfants n’ont pas accès à l’école, ni à des endroits pour jouer. « Les enfants sont angoissés par les bruits des affrontements », a détaillé la porte-parole de l’agence onusienne.
Les gens ont également fait part de leurs inquiétudes quant à leur sécurité, signalant une augmentation des violences sexuelles ainsi qu’un soutien juridique limité. Beaucoup sont gravement traumatisés.
Les déplacés vivent dans des conditions de surpeuplement dans des sites de rassemblement situés principalement dans les écoles. Si deux hôpitaux restent ouverts, il n’y a pas assez de médicaments, en particulier pour les personnes souffrant de maladies chroniques. Les femmes enceintes n’ont pas accès aux soins prénataux.
Sur le terrain, le HCR continue d’opérer partout où il peut accéder en toute sécurité. A Khartoum, au Darfour et dans l’Etat de Kordofan, l’agence onusienne travaille avec des partenaires locaux et des réseaux de protection communautaires pour apporter l’aide là où elle le peut.
Le HCR est également présent dans les États de la mer Rouge, du Nord, du Nil blanc, du Nil bleu, de Gedaref et de Kassala, qui accueillent des centaines de milliers de réfugiés déjà présents dans le pays avant le conflit.
Des appels de fonds largement sous-financés
Près de 6,7 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du Soudan et la situation reste dangereuse et instable. Parmi les plus de 920.000 réfugiés au Soudan, principalement originaires du Soudan du Sud, d’Érythrée et d’Éthiopie, plus de 200.000 ont été déplacés à plusieurs reprises à l’intérieur du pays depuis le début de la guerre.
Dans le même temps, des milliers de personnes continuent de quitter le Soudan chaque jour en quête de sécurité dans les pays voisins. À ce jour, 1,8 million de personnes ont rejoint le Tchad, l’Égypte, le Soudan du Sud, l’Éthiopie et la République centrafricaine.
Alors que la situation humanitaire continue de s’aggraver, les ressources financières nécessaires pour répondre aux besoins au Soudan et dans les pays voisins sont dangereusement insuffisantes. À ce jour, le HCR n’a reçu que 10% des 2,6 milliards de dollars pour ses opérations au Soudan, et 8% du Plan régional d’intervention des réfugiés d’un montant de 1,4 milliard de dollars.