Fil d'Ariane
Inquiète de l’escalade des tensions à El Fasher, au Darfour, l’ONU appelle à la retenue
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, appelle à la retenue les acteurs armés à El Fasher, dans le Nord-Darfour, au Soudan, où « des informations de plus en plus alarmantes font état d’une escalade dramatique des tensions », a dit vendredi son porte-parole dans une note à la presse.
« Les Forces de soutien rapide (paramilitaires) seraient en train d’encercler El Fasher, ce qui suggère qu’une attaque coordonnée contre la ville pourrait être imminente. Simultanément, les forces armées soudanaises semblent se positionner », a précisé le porte-parole. « Une attaque contre la ville aurait des conséquences dévastatrices pour la population civile. Cette escalade des tensions se produit dans une région déjà au bord de la famine ».
Apaiser les tensions
« Le Secrétaire général réitère son appel à toutes les parties à s'abstenir de tout combat dans la région d'El Fasher. L'Envoyé personnel du Secrétaire général, Ramtane Lamamra, s'engage avec les parties pour apaiser les tensions à El Fasher », a ajouté le porte-parole, Stéphane Dujarric.
De son côté, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a indiqué vendredi que les affrontements entre l’armée soudanaise et les paramilitaires ont tué au moins 43 civils à El Fasher depuis le 14 avril, date à laquelle les Forces de soutien rapide ont commencé à pénétrer dans la ville.
« Le Haut-Commissaire Volker Türk est gravement préoccupé par l’escalade de la violence dans et autour de la ville d’El Fasher, au Darfour Nord, où des dizaines de personnes ont été tuées au cours des deux dernières semaines, suite à l’intensification des hostilités entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide », a déclaré lors d’un point de presse Seif Magango, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).
Crainte de nouvelles violences à caractère ethnique
El Fasher avait été jusqu’ici épargnée par les combats et était la dernière grande ville du Darfour échappant au contrôle des Forces de soutien rapide du général Mohamed « Hemedti » Daglo.
Selon le HCDH, des rapports indiquent que les deux parties ont lancé des attaques indiscriminées en utilisant des armes explosives à large rayon d’action, telles que des obus de mortier et des roquettes tirées par des avions de chasse, dans des quartiers résidentiels.
« Les civils sont pris au piège dans la ville, la seule du Darfour encore aux mains des Forces armées soudanaises, et craignent d’être tués s’ils tentent de fuir », a ajouté M. Magango.
Cette situation désastreuse est aggravée par une grave pénurie de fournitures essentielles, car les livraisons de biens commerciaux et d’aide humanitaire ont été fortement entravées par les combats, et les camions de livraison ne peuvent pas traverser librement le territoire contrôlé par les forces armées soudanaises.
Depuis le début du mois d’avril, les Forces de soutien rapide ont mené plusieurs attaques de grande envergure contre les villages de l’ouest d’El Fasher, principalement habités par la communauté ethnique africaine Zaghawa. Les Forces de soutien rapide ont incendié certains de ces villages, notamment Durma, Umoshosh, Sarafaya et Ozbani.
Ces attaques font craindre de nouvelles violences à caractère ethnique au Darfour, y compris des massacres. L’année dernière, les combats et les attaques entre les Rizeigat et les Masalit africains dans l’ouest du Darfour ont fait des centaines de morts et de blessés parmi les civils, et des milliers de personnes ont été déplacées.
El Fasher fait office de hub humanitaire pour le Darfour
Les agences humanitaires des Nations Unies ont prévenu qu’une extension des troubles à El Fasher, seule capitale des cinq États du Darfour à ne pas être aux mains des Forces de soutien rapide, serait catastrophique pour les centaines de milliers de réfugiés qui s’y trouvent dans des conditions déjà très précaires.
El Fasher fait office de hub humanitaire pour le Darfour, région où vivent environ un quart des 48 millions d’habitants du Soudan.
Le Haut-Commissaire appelle donc à une « désescalade immédiate » de cette situation catastrophique et à la fin du conflit qui ravage le pays depuis plus d’un an. Il demande également l’ouverture d’une enquête sur toutes les allégations de violations. Il exhorte les deux parties au conflit et leurs alliés à accorder aux civils un passage sûr vers d’autres zones, à assurer la protection des civils et des biens de caractère civil et à faciliter un accès humanitaire sûr et sans entrave.
Les deux parties en guerre au Soudan sont généralement accusées d’avoir pris pour cible des civils et des travailleurs humanitaires, bombardé des zones résidentielles.
Le nouveau conflit au Soudan, qui a débuté le 15 avril 2023 entre l’armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide, a fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de plus de 8,7 millions de personnes.
Le fléau des violences sexuelles
La communauté internationale doit prendre des mesures immédiates pour mettre fin à la vague de violences sexuelles perpétrées contre les femmes et les filles au Soudan, ont déclaré jeudi deux hautes responsables de l'ONU.
La Représentante spéciale sur la violence sexuelle dans les conflits, Pramila Patten, et la Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, Joyce Msuya, ont souligné que plus d'un an après le début de la bataille pour le contrôle du pays entre factions armées rivales, les « actes barbares » commis « font écho aux horreurs observées au Darfour il y a deux décennies ».
Elles ont exhorté les membres du Conseil de sécurité à envoyer « un message sans équivoque : en vertu du droit international humanitaire, les civils au Soudan doivent être protégés et ne doivent jamais être soumis à des actes de violence sexuelle, qui constituent crimes de guerre ».
Ces rapports inquiétants montrent à quel point les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée.
Des millions de personnes en danger
Des allégations de viol, de mariages forcés, d'esclavage sexuel et de traite de femmes et de filles – en particulier à Khartoum, au Darfour et au Kordofan – continuent d'être enregistrées, mettant en danger des millions de civils qui fuient les zones de conflit à la recherche d'un abri, au Soudan et dans les pays voisins.
Mme Patten et Mme Msuya ont souligné que la véritable ampleur de la crise reste invisible, « en raison d’une grave sous-déclaration due à la stigmatisation, à la peur des représailles et au manque de confiance dans les institutions nationales ».
Sans davantage de soutien financier et politique pour les intervenants de première ligne, l’accès aux services vitaux ne fera que continuer à se rétrécir, préviennent-elles.