Fil d'Ariane
La situation dans l’Est de la RDC est alarmante et il y a un risque d’embrasement régional
L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs a dressé mercredi devant le Conseil de sécurité un tableau alarmant de la situation dans l’Est de la RDC, marquée par les tensions persistantes entre ce pays et le Rwanda, avec un risque d’embrasement régional.
« Les tensions entre la RDC et le Rwanda non seulement persistent, mais elles se sont également exacerbées avec les affrontements répétés entre le Mouvement du 23 mars (M23) et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) », a observé l’envoyé de l’ONU, Huang Xia, dans un exposé devant les membres du Conseil.
Il s’est dit préoccupé par « la gravité de la situation, marquée notamment par l’intensification du conflit et la détérioration inquiétante de la situation humanitaire dans l’Est de la RDC ». « A cela s’ajoute la persistance de la rhétorique de confrontation entre la RDC et le Rwanda sur fond d’accusations réciproques de plans de déstabilisation et la flambée des discours de haine », a-t-il ajouté.
M. Xia a noté que, par ailleurs, les tensions entre le Burundi et le Rwanda, liées étroitement à la situation dans l’Est de la RDC, aggravent encore la situation préoccupante et compromettent les progrès significatifs enregistrés depuis 2020 dans les relations entre ces deux pays.
Accroître les efforts de désescalade
Dans ce contexte « alarmant », l’envoyé de l’ONU juge qu’il faut « accroître de toute urgence » les efforts pour la désescalade et l’apaisement des tensions, « afin d’éviter un embrasement régional » et que cela passe « inévitablement par un dialogue franc et sincère entre les parties concernées ».
Il a salué les efforts politiques et diplomatiques de plusieurs dirigeants africains et de partenaires internationaux pour trouver une solution à cette crise.
Selon lui, les acteurs de la région disposent d’instruments et de mécanismes appropriés pour parvenir à une désescalade effective des tensions.
Rôle des femmes
M. Xia a rappelé que les femmes ont « une contribution capitale à apporter » et, selon lui, « elles doivent prendre toute leur place aux discussions de paix et aux propositions de solutions qui seront formulées, tant elles sont concernées au premier plan par la crise ».
L’envoyé de l’ONU a observé que la persistance des conflits dans la région souligne la nécessité de poursuivre les efforts visant à résoudre les causes profondes de manière durable, notant les efforts déployés pour la revitalisation de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
« Il est évident que pour parvenir à une paix durable dans la région, il faudra que les efforts en cours pour la revitalisation de l’Accord-cadre portent leur fruit. Les pays signataires, en tant que principaux concernés, n’ont d’autres choix que de mettre en œuvre chacun et l’ensemble des engagements pris au titre de cet Accord. Mais il est certain que le contexte de crise actuel rend les choses plus difficiles », a-t-il dit.
Dans ce contexte, il a encouragé le Conseil de sécurité « à continuer d’exhorter les pays de la région à ne ménager aucun effort pour la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre ».
Immensité de la crise
La Sous-Secrétaire générale des Nations Unies pour les affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, Joyce Msuya, a également tiré la sonnette d’alarme concernant la situation en République démocratique du Congo, « le pays qui compte le plus grand nombre de personnes dans le besoin au monde ».
« J'ai été frappée, lors de ma visite en février de l'année dernière, par l'ampleur et la profondeur de cette immense crise. Depuis, la crise s’est encore aggravée », a-t-elle expliqué aux membres du Conseil de sécurité, dans un exposé au nom du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, Martin Griffiths.
Elle a rappelé que la RDC est le pays le plus touché par l’insécurité alimentaire au monde, avec près d’un Congolais sur quatre – soit 23,4 millions de personnes – en proie à une faim aiguë. Le pays est également confronté à des déplacements massifs de population. Plus de 7,2 millions de personnes sont désormais déplacées à l’intérieur du pays. Entre décembre 2023 et mars 2024, ce chiffre a augmenté de 700.000 personnes.
Inquiétude concernant le retrait de la MONUSCO
Mme Msuya a souligné la situation particulièrement difficile dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l'Ituri.
« Dans les trois provinces, la présence de bases de la MONUSCO (Mission des Nations Unies en RDC) assurait jusqu'à présent une certaine protection aux civils. Elle joue également un rôle essentiel en facilitant l’accès humanitaire. Dans un contexte d’intensification de la violence, les organisations humanitaires sont profondément préoccupées par l’impact potentiel du retrait en cours de la MONUSCO », a-t-elle déclaré.
La haute responsable a également insisté sur l’impact particulièrement préoccupant de la crise sur les femmes et les enfants. L’Est de la RDC est aujourd’hui l’un des endroits les plus dangereux au monde pour une femme ou une fille et le conflit a entraîné une augmentation significative des dangers pour les enfants.
Elle a souligné que la communauté humanitaire a intensifié ses efforts face à l’escalade de la situation mais que ces efforts sont gravement limités par un financement insuffisant. Jusqu’à présent, seuls 16% des 2,6 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide à 8,7 millions de personnes dans le besoin en RDC en 2024 ont été octroyés.
La population de la RDC « a besoin de notre soutien », a conclu Joyce Msuya. « Des mesures urgentes doivent être prises pour résoudre le conflit et éviter une nouvelle détérioration de la situation en RDC et dans toute la région ».