Fil d'Ariane
Aucune preuve pour l’instant confirmant certaines allégations d’Israël contre l’UNRWA (rapport Colonna)
Les autorités israéliennes n'ont pour l'instant fourni aucune preuve après avoir affirmé il y a trois mois qu'un nombre important d'employés de l'agence des Nations Unies chargée des réfugiés palestiniens (UNRWA) étaient membres d'organisations terroristes, selon le rapport final du groupe d'examen indépendant dirigé par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna.
« Israël a déclaré publiquement qu’un nombre significatif d’employés de l’UNRWA étaient membres d’organisations terroristes. Cependant, Israël n'a pas encore fourni de preuves à l'appui de cela », selon le rapport final de 54 pages, intitulé « Examen indépendant des mécanismes et procédures visant à garantir l'adhésion de l'UNRWA au principe humanitaire de neutralité ».
Le Secrétaire général de l'ONU, qui a reçu le rapport final samedi, a nommé le groupe d'examen indépendant quelques jours après qu'Israël a rendu public ses allégations contre l'UNRWA, qui emploie 30.000 personnes et sert 5,9 millions de réfugiés palestiniens en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban, en Syrie et à Gaza.
Le rapport final très attendu révèle que l'UNRWA, créée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1949, dispose d'outils complets pour garantir qu'elle reste impartiale dans son travail et fournit régulièrement à Israël des listes d'employés. Il note que « le gouvernement israélien n'a informé l'UNRWA d’aucune préoccupation concernant des employés de l’UNRWA sur la base des listes du personnel depuis 2011 ».
Les règles « les plus élaborées » du système des Nations Unies
« L'ensemble des règles ainsi que les mécanismes et procédures en place [à l'UNRWA] sont les plus élaborés au sein du système des Nations Unies, précisément parce qu'il est très difficile de travailler dans un environnement aussi complexe et sensible », a déclaré Mme Colonna aux journalistes lors de la conférence de presse lundi au siège de l'ONU après la publication du rapport. « Ce qui doit être amélioré le sera. Je suis convaincue que la mise en œuvre de ces mesures aidera l’UNRWA à remplir son mandat ».
Encourageant vivement « la communauté internationale à travailler aux côtés de l'agence afin qu'elle puisse accomplir sa mission et surmonter les défis lorsqu'ils se présentent », elle a déclaré c'était « le but de l'examen ».
Au cours de son examen des mécanismes existants, qui a duré neuf semaines, le groupe a mené plus de 200 entretiens, rencontré les autorités israéliennes et palestiniennes et contacté directement 47 pays et organisations, présentant un ensemble de 50 recommandations sur des questions allant de l'éducation aux nouveaux processus de sélection lors du recrutement du personnel.
Nouveau plan d'action de l'ONU
Les recommandations du rapport incluent la création d’une « unité d’enquêtes de neutralité » centralisée, le déploiement d’un code d’éthique mis à jour et la formation associée à tout le personnel, et l’identification et la mise en œuvre de moyens supplémentaires pour sélectionner les candidats de l’UNRWA à un stade précoce du processus de recrutement.
Le rapport suggère également d'explorer la possibilité d'une surveillance par une tierce partie pour les projets sensibles et d'établir un cadre avec les bailleurs de fonds intéressés pour garantir la transparence.
Dans un communiqué publié lundi, le porte-parole du Secrétaire général de l'ONU a déclaré que le chef de l'ONU acceptait les recommandations contenues dans le rapport de Mme Colonna. Il a convenu avec le Commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, que l'UNRWA, avec le soutien du Secrétaire général, établira un plan d'action pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport final.
Les allégations ont entravé financièrement l’UNRWA
Selon le rapport final du groupe d’examen, les allégations d’Israël contre l’UNRWA ont déclenché la suspension du financement d’un montant d’environ 450 millions de dollars.
L’impact direct des allégations israéliennes a rapidement entravé la capacité de l’UNRWA à poursuivre son travail. Fonctionnant uniquement grâce à des dons volontaires, l'UNRWA a vu d'importants bailleurs de fonds, dont les États-Unis, annuler ou suspendre leurs fonds.
En avril, Washington a interdit le financement de l’UNRWA jusqu’en 2025 au moins, mais d’autres bailleurs de fonds ont promis un financement supplémentaire ou rétabli leurs dons.
Le nouveau rapport recommande d’augmenter la fréquence et de renforcer la transparence des communications de l’UNRWA avec les donateurs sur sa situation financière et sur les allégations et violations de neutralité. Le groupe d'examen a suggéré des mises à jour régulières et des « séances d'information sur l'intégrité » pour les bailleurs de fonds intéressés à soutenir l'UNRWA sur l'intégrité et les questions connexes.
Ecoles de l’UNRWA
L'agence des Nations Unies remplit son obligation d'assurer la neutralité de ses 1.000 installations, y compris des écoles, des centres de santé et des entrepôts, selon le rapport, qui indique également que « les problèmes de sécurité et de capacité peuvent entraver » les mécanismes de diligence raisonnable existants.
Le groupe d'examen a déclaré que l'UNRWA « s'est constamment efforcé d'assurer la neutralité de l'éducation », car l’agence dispense un enseignement élémentaire et préparatoire à 500.000 élèves dans 706 écoles avec 20.000 enseignants, y compris à Gaza, où actuellement tous les enfants ne sont pas scolarisés suite aux attaques qui ont détruit le système éducatif de l'enclave dans le cadre du conflit en cours.
Allégations de manuels antisémites
Examinant « les critiques soutenues, principalement de la part d’Israël », concernant la présence présumée de discours de haine, d’incitation à la violence et d’antisémitisme dans le matériel éducatif de l’Autorité palestinienne, le groupe d’examen a examiné trois évaluations et études internationales majeures.
Le nouveau rapport montre que deux de ces études ont identifié des préjugés et des contenus non conformes, mais n'ont pas fourni de preuves de références antisémites. Une troisième étude, le rapport Eckert, a identifié deux exemples affichant un contenu antisémite, mais a noté que l'un avait déjà été supprimé et l'autre considérablement modifié.
À ce titre, le rapport recommande plusieurs actions, notamment la révision du contenu de tous les manuels scolaires avec les pays hôtes, Israël et l'Autorité palestinienne.
L’UNRWA reste une « planche de salut » essentielle
Le rapport indique qu’en « l'absence d'une solution politique entre Israël et les Palestiniens, l'UNRWA reste un acteur essentiel dans la fourniture d'une aide humanitaire vitale et de services sociaux essentiels, en particulier dans les domaines de la santé et de l'éducation, aux réfugiés palestiniens à Gaza, en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Cisjordanie » et est « irremplaçable et indispensable au développement humain et économique des Palestiniens ».
« En outre, nombreux sont ceux qui considèrent l'UNRWA comme une planche de salut humanitaire », selon le rapport.
Le chef de l'ONU a déclaré lundi qu'il comptait sur la communauté des bailleurs de fonds, les pays hôtes et le personnel pour coopérer pleinement à la mise en œuvre des recommandations finales du nouveau rapport, a déclaré son porte-parole.
« À l’avenir, le Secrétaire général appelle toutes les parties prenantes à soutenir activement l’UNRWA, car c’est une planche de salut pour les réfugiés palestiniens dans la région », a-t-il ajouté.
D'autres hauts responsables de l'ONU ont exprimé leur ferme soutien à l'agence, appelant les bailleurs de fonds à annuler les coupes budgétaires et à permettre à l'UNRWA d'accomplir son travail, en particulier à Gaza.
Fin mars, Israël a annoncé qu'il rejetterait les demandes de l'UNRWA visant à fournir de l'aide au nord de Gaza, où une famine sévit alors que les autorités israéliennes continuent de bloquer ou de retarder considérablement les expéditions d'aide vitale, selon des responsables de l'ONU, qui ont lancé un appel la semaine dernière pour un financement d'urgence.
Première de deux enquêtes
Outre ses allégations accusant un nombre significatif d'employés de l’UNRWA d'être membres d'organisations terroristes, Israël a accusé une douzaine de membres de l'UNRWA d'être impliqués dans les attaques sanglantes du Hamas du 7 octobre en Israël. L'UNRWA a immédiatement licencié les employés en question et demandé une enquête rapide et impartiale.
Le rapport Colonna ne concerne pas les allégations contre cette douzaine d’employés. « Il s’agit d’une mission distincte et cela ne fait pas partie de notre mandat », a dit Mme Colonna.
Quelques jours après les allégations israéliennes, le Secrétaire général a nommé le groupe d'examen indépendant, dirigé par Mme Colonna et incluant l'Institut Raoul Wallenberg en Suède, l'Institut Michelsen en Norvège et l'Institut danois des droits de l'homme, pour enquêter sur le processus suivi par l'UNRWA pour garantir la neutralité de ses activités.
Dans le même temps, le chef de l’ONU a ordonné au plus haut organisme de contrôle de l’ONU, le Bureau des services de contrôle interne (BSCI), d’enquêter sur la véracité des affirmations d’Israël contre les 12 membres du personnel de l’UNRWA.
Dès le début, les enquêteurs du BSCI ont contacté les États Membres concernés, se sont rendus au siège de l’UNRWA en Jordanie et ont examiné les premières informations reçues par l’agence des autorités israéliennes et de diverses sources, y compris celles diffusées par les médias et d’autres médias publics.
Cette enquête est en cours.