Aller au contenu principal

RDC : le chef des droits de l’homme de l’ONU inquiet d’un éventuel retrait précipité de la MONUSCO

A l’issue d’une visite de plusieurs jours en République démocratique du Congo, le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, s’est dit inquiet de la situation dans l’est du pays et de l’impact sur les civils que pourrait avoir un retrait précipité de la Mission des Nations Unies, la MONUSCO.

La MONUSCO est actuellement déployée dans trois provinces de l’est du pays, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri. Dans le cadre du retrait progressif de la mission onusienne de la RDC acté par le Conseil de sécurité en décembre, la MONUSCO a commencé son retrait du Sud-Kivu.

Une population épuisée

Tweet URL

Lors d’une conférence de presse dans la capitale congolaise Kinshasa, jeudi, M. Türk a souligné que dans les provinces de l’est de la RDC, « vit une population épuisée et profondément traumatisée, écrasée par des décennies de guerre et de conflit ».

Il a noté que dans la province du Nord-Kivu, le groupe armé M23 continue de semer la terreur, tuant et enlevant la population locale, et s’attaquant fréquemment aux défenseurs des droits humains, aux journalistes et aux leaders des communautés. Des enfants sont également recrutés de force dans ses rangs. Depuis octobre, 500.000 personnes ont été déplacées des zones contrôlées par le M23, ce qui porte le nombre total des personnes déplacées à près de 2,7 millions.

Dans la province de l’Ituri, outre les affrontements intercommunautaires entre les groupes armés CODECO et Zaïre, le groupe armé ADF (Forces démocratiques alliées) multiplie les attaques contre la population civile, entraînant plusieurs abus flagrants des droits humains et des violations graves du droit international humanitaire. À ce jour, la province compte quelque 1,8 million de personnes déplacées. « Les forces de sécurité nationales et les milices comme le Wazalendo commettent également des violations des droits humains qu'il faut prévenir », a souligné M. Türk.

Visite de camps de déplacés

Au cours de sa mission, le chef des droits de l’homme de l’ONU a visité des camps de personnes déplacées à Bunia, dans la province d'Ituri, et à Goma, dans la province du Nord-Kivu. Selon lui, bien que les conflits qui se déroulent dans ces deux provinces soient différents, « le résultat est tragiquement similaire ». « Les personnes présentes sur les deux sites m’ont décrit comment elles avaient fui les combats et qu’elles cherchaient désespérément de l'aide et du soutien », a-t-il dit.

Le nombre des victimes des violences sexuelles a considérablement augmenté dans les zones où se déroulent les combats, mais aussi dans les camps. Dans le camp de déplacés de Bulengo à Goma, ses interlocuteurs lui ont décrit comment les femmes étaient attaquées alors qu'elles allaient chercher du bois pour préparer les repas, et comment certaines femmes et filles étaient obligées de se vendre pour survivre.

Rôle de l'Etat

Dans ce contexte, Volker Türk a estimé qu’il était « impératif que l'État soit en mesure de jouer pleinement son rôle à l'Est, pour assurer non seulement la sécurité, mais aussi l'éducation, la santé et un système judiciaire efficace et équitable ».

« Les pays qui soutiennent les groupes armés ou qui ont une influence sur eux doivent assumer leurs responsabilités et veiller à ce que les combats cessent. Au Nord-Kivu, tout rôle joué par le Rwanda dans le soutien au M23 doit cesser et une solution doit être trouvée de toute urgence. Il en va de même pour tout pays qui soutient des groupes armés actifs en RDC », a-t-il ajouté, notant que l'une des causes profondes de bon nombre de ces conflits est l'exploitation des ressources naturelles.

Il a souligné que la préoccupation immédiate des populations touchées par le conflit est leur sécurité. « Les autorités congolaises et la communauté internationale doivent continuer à travailler en partenariat pour éviter un vide de protection qui mettrait davantage en danger les civils », a-t-il dit.

Inquiétudes

Volker Türk a dit avoir « de réelles inquiétudes quant à ce qui pourrait arriver aux civils en cas de retrait précipité de la MONUSCO ». Il a noté que « les forces nationales et d'autres forces régionales et internationales jouent un rôle essentiel à cet égard » et qu’au cours de ses réunions, il avait exhorté la mission de la Communauté de développement de l'Afrique australe en RDC (SAMIDRC) à établir et à mettre en œuvre un cadre solide de conformité aux droits humains et au droit international humanitaire afin d'éviter qu’il y ait des victimes civiles et de conserver le soutien et la confiance de la population.

Selon lui, l'impunité et l'absence de responsabilité sont également des causes profondes du cycle interminable de la violence. Il a noté avec satisfaction que les autorités ont récemment pris des mesures pour que certains responsables de violations des droits humains et d'abus rendent compte de leurs actes.

« Cependant, il reste encore beaucoup à faire. La corruption au sein des institutions de l'État doit être efficacement combattue. L'administration de la justice doit être renforcée. Enfin, les premières mesures positives visant à mettre en place une justice transitionnelle pour traiter les crimes du passé, rendre justice aux victimes et favoriser une paix et un développement durables pour le pays doivent se traduire par des actions tangibles, cohérentes et concrètes. Pour ce faire, il est nécessaire de placer les victimes et les communautés concernées au centre du processus », a-t-il dit.