Fil d'Ariane
Gaza : des experts de l'ONU condamnent le rôle de l’IA dans les destructions causées par l’armée israélienne
Alors que le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a réitéré lundi son appel à « un maximum de retenue » au Moyen-Orient suite à l'attaque de drones et de missiles iraniens contre Israël, des experts indépendants des droits de l'homme ont déclaré que l'utilisation présumée de l'intelligence artificielle sur des cibles à Gaza par l'armée israélienne avait un impact sans précédent sur les civils, les logements et les services.
« Six mois après le début de l'offensive militaire actuelle, davantage de logements et d'infrastructures civiles ont été détruits à Gaza en pourcentage par rapport à n'importe quel autre conflit de mémoire », ont déclaré ces experts, dont Francesca Albanese, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967.
Dans un communiqué conjoint, les experts estiment que 60 à 70% de tous les logements à Gaza, et jusqu'à 84% des logements dans le nord de Gaza, ont été soit entièrement détruits, soit partiellement endommagés.
Destruction généralisée
Cette « destruction systématique et généralisée » constitue un crime contre l'humanité, ont insisté les experts indépendants – qui ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent aucun salaire pour leur travail – avant de pointer « de nombreux crimes de guerre et actes de génocide », allégués par Mme Albanese dans son rapport au Conseil des droits de l’homme.
« Alors que des responsables israéliens se joignent aux appels pour que les Palestiniens quittent Gaza et pour 'reprendre Gaza' afin de construire à nouveau des colonies, et avec l'enthousiasme manifeste exprimé par d'anciens responsables du gouvernement américain pour des propriétés 'en bord de mer à Gaza', il ne fait guère de doute que l'intention d'Israël va au-delà des objectifs de la défaite militaire du Hamas », affirment les experts.
Les dégâts causés à la bande de Gaza sont estimés à 18,5 milliards de dollars, soit 97% de l'économie totale de Gaza et de la Cisjordanie. Plus de 70% de cette estimation concerne le remplacement des logements, tandis que 19% supplémentaires correspondent au coût des infrastructures civiles, notamment l'eau et l'assainissement, l'électricité et les routes.
« Les maisons ont disparu, et avec cela, les souvenirs, les espoirs et les aspirations des Palestiniens et leur capacité à réaliser d'autres droits, y compris leurs droits à la terre, à la nourriture, à l'eau, à l'assainissement, à la santé, à la sécurité et à la vie privée (en particulier des femmes et des filles), à l’éducation, au développement, à un environnement sain et à l’autodétermination », ont dit les experts.
Outre Mme Albanese, les autres experts sont Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable, Reem Alsalem, Rapporteure spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, et Michael Fakhri, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation.
Retour au nord
Ce week-end, à l'intérieur de Gaza, des milliers de personnes auraient tenté de regagner leurs domiciles, au nord de l'enclave.
Des images montraient des gens de tous âges se pressant le long de la route côtière au nord, la majorité à pied, d’autres sur des charrettes tirées par des ânes.
Selon les médias, les chars israéliens ont bloqué la route, obligeant les Palestiniens à faire demi-tour.
D'autres rapports indiquent que les bombardements israéliens se sont poursuivis lundi à travers l'enclave, le camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza, ayant également été touché, faisant cinq morts et des dizaines de blessés.
Les dernières données des autorités sanitaires de Gaza indiquent que plus de 33.200 personnes ont été tuées dans l’enclave depuis le 7 octobre, en majorité des femmes et des enfants. Les attaques menées par le Hamas en Israël ont coûté la vie à plus de 1.250 personnes et plus de 250 personnes ont été prises en otages.
Relance de la production de pain
De son côté, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a annoncé dimanche avoir aidé à relancer la production de pain dans la ville de Gaza, après avoir fourni du carburant et réparé les machines à pain d’une boulangerie.
Avant le début des bombardements israéliens constants en réponse aux attaques sanglantes du Hamas le 7 octobre en Israël, la bande de Gaza comptait environ 140 boulangeries industrielles.
Dans un message sur X, le PAM a déclaré avoir livré du carburant à une boulangerie fermée depuis des mois, contribuant ainsi à la situation humanitaire désespérée dans le nord de l'enclave, où les habitants de Gaza ont été « largement coupés » de l'aide.
« Le PAM continuera de fournir de la farine de blé et d'autres ressources afin que le pain soit disponible – mais cette quantité ne durera que quatre jours », a déclaré l'agence onusienne, dans un nouvel appel en faveur d'un « accès sûr, durable et accru pour prévenir la famine ».
Incertitude concernant Rafah
Et dans un contexte d’incertitude persistante quant à savoir si les forces israéliennes vont attaquer Rafah, le chef de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a mis en garde contre la création d’une nouvelle crise de déplacement.
« Une autre crise de réfugiés de Gaza vers l'Egypte - je peux vous assurer que j'ai été moi-même à la tête de l'UNRWA - je parle en connaissance de cause - rendrait impossible la résolution de la question des réfugiés palestiniens et, par conséquent, du conflit israélo-palestinien », a déclaré M. Grandi, faisant référence à l'agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens.
« Nous devons donc tout faire avec ferveur pour que cela n’arrive pas. Et c’est pourquoi nous avons constamment déclaré que la priorité était d’avoir accès à l’intérieur de Gaza, car c’est la seule façon d’empêcher que cela se produise », a-t-il ajouté.