Fil d'Ariane
Au Myanmar, la classe moyenne « disparaît » avec la recrudescence des combats
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a mis en garde jeudi contre la montée de la pauvreté et la « disparition » de la classe moyenne au Myanmar, dans un contexte d'aggravation de l'insécurité et du conflit.
Dans un nouveau rapport publié jeudi, le PNUD indique que la classe moyenne a diminué de moitié par rapport à la période précédant le coup d'État militaire de 2021, et que les trois quarts de la population du pays vivent dans la pauvreté ou sont « dangereusement proches » du seuil de pauvreté national.
« Les nouvelles données montrent que moins de 25% de la population du Myanmar parvient à s'assurer des revenus réguliers pour vivre au-dessus du seuil de pauvreté », a déclaré Achim Steiner, Administrateur du PNUD.
« Sans interventions immédiates pour fournir des transferts d'argent, la sécurité alimentaire et l'accès aux services de base, la vulnérabilité continuera d'augmenter et les impacts se feront sentir sur plusieurs générations », a-t-il souligné.
Selon les estimations du PNUD, 4 milliards de dollars par an sont nécessaires pour lutter contre l'explosion de la pauvreté, par le biais de transferts d'argent et d'autres moyens, afin d'aider les familles à se remettre de la récession en « L », alors que l'activité économique est en chute libre et qu'il y a peu de signes de reprise.
« Nous appelons toutes les parties prenantes - à l'intérieur et à l'extérieur du Myanmar - à agir et à empêcher les ménages vulnérables de sombrer dans une pauvreté et un désespoir irréversibles », a insisté M. Steiner.
Aucune dépense pour l'éducation
Ayant sondé plus de 12.000 ménages à travers le Myanmar, le rapport a également révélé que les familles et les ménages ont été contraints de recourir à divers mécanismes de survie, souvent non viables.
S'adressant aux journalistes au Siège des Nations Unies à New York, Kanni Wignaraja, Directrice régionale du PNUD pour l'Asie et le Pacifique, a expliqué la situation désastreuse.
« Pendant la pandémie de Covid-19, les dépenses d'éducation étaient maigres - 2 à 3% du revenu des ménages - et elles sont maintenant proches de zéro », a-t-elle déclaré, ajoutant que les familles retirent leurs enfants de l'école et ne sont pas en mesure de dépenser pour les soins de santé et d'autres services de base.
« Nous allons voir une génération entière qui souffre d'un déficit en matière d'apprentissage et de santé, ce qui est très effrayant », a-t-elle averti.
Situation régionale
Le rapport dresse également un tableau alarmant au niveau provincial.
Les États où le revenu par habitant est le plus faible sont Kayah, Chin et Sagaing - des régions en proie à de nombreux conflits entre les forces de la junte et des groupes d'opposants.
Outre l'augmentation des niveaux de pauvreté, les conflits ont également été marqués par la destruction des habitations, la restriction de l'accès aux terres agricoles et l'augmentation du nombre de personnes déplacées, autant de facteurs qui aggravent encore les difficultés.
Les personnes déplacées qui arrivent dans les centres urbains tels que Yangon et Mandalay, à la fois pour la sécurité et les services de base, n'ont plus aucun filet de sécurité, a dit Mme Wignaraja.
Prolifération du crime organisé
La Directrice régionale du PNUD a également souligné les défis posés par la montée en flèche de la criminalité dans ce pays d'Asie du Sud-Est.
Elle a cité les récentes conclusions de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) selon lesquelles le Myanmar est le plus grand producteur d'opium et la prolifération massive du crime organisé, en particulier les « centres d'escroquerie »
« Si ces activités économiques illégales - où beaucoup d'argent est en jeu - ne sont pas endiguées et si nous ne parvenons pas à relancer les efforts intensifs de médiation internationale et régionale pour mettre fin à la guerre en cours, l'histoire du Myanmar sera celle de la disparition de la classe moyenne », a déclaré Mme Wignaraja.