Fil d'Ariane
Un investissement massif est nécessaire pour sauver les objectifs de développement durable, selon l’ONU
Seules une augmentation massive des financements et une réforme de l’architecture financière internationale peuvent sauver les objectifs de développement durable (ODD), a prévenu l’ONU dans un nouveau rapport publié mardi.
Le Rapport sur le financement du développement durable 2024 : Le financement du développement à la croisée des chemins affirme que les défis de financement sont au cœur de la crise mondiale du développement durable – alors que le fardeau de la dette et les coûts d’emprunt exorbitants empêchent les pays en développement de répondre à la confluence des crises auxquelles ils sont confrontés.
Le rapport indique que des mesures urgentes sont nécessaires pour mobiliser des financements à grande échelle afin de combler le déficit de financement du développement, désormais estimé à 4.200 milliards de dollars par an, contre 2.500 milliards de dollars avant la pandémie de Covid-19. Parallèlement, les tensions géopolitiques croissantes, les catastrophes climatiques et la crise mondiale du coût de la vie ont frappé des milliards de personnes, freinant les progrès en matière de soins de santé, d’éducation et d’autres objectifs de développement.
Le temps presse
« Ce rapport est une nouvelle preuve du chemin qu'il nous reste encore à parcourir et de la rapidité avec laquelle nous devons agir pour réaliser le Programme de développement durable à l'horizon 2030 », a déclaré la Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Amina J. Mohammed. « Nous sommes vraiment à la croisée des chemins et le temps presse. Les dirigeants doivent aller au-delà de la simple rhétorique et tenir leurs promesses. Sans un financement adéquat, les objectifs de 2030 ne pourront être atteints ».
Alors qu’il ne reste que six ans pour atteindre les ODD, les acquis durement acquis en matière de développement sont en train d’être annulés, en particulier dans les pays les plus pauvres. Si la tendance actuelle se poursuit, l’ONU estime que près de 600 millions de personnes continueront de vivre dans l’extrême pauvreté en 2030 et au-delà, dont plus de la moitié sont des femmes.
« Nous traversons une crise de développement durable, à laquelle les inégalités, l'inflation, la dette, les conflits et les catastrophes climatiques ont tous contribué », a affirmé Li Junhua, Secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires économiques et sociales. « Des ressources sont nécessaires pour résoudre ce problème, et l’argent est là. Des milliards de dollars sont perdus chaque année à cause de l’évasion et de la fraude fiscales, et les subventions aux combustibles fossiles se chiffrent en milliers de milliards. À l’échelle mondiale, l’argent ne manque pas ; il s’agit plutôt d’un manque de volonté et d’engagement ».
Selon le rapport, le fardeau de la dette et la hausse des coûts d’emprunt contribuent largement à la crise. Selon les estimations, le service de la dette des pays les moins avancés atteindra 40 milliards de dollars par an entre 2023 et 2025, soit une hausse de plus de 50% par rapport aux 26 milliards de dollars de 2022. Les catastrophes climatiques plus graves et plus fréquentes sont responsables de plus de la moitié de la hausse de la dette dans les pays vulnérables. Les pays les plus pauvres consacrent désormais 12% de leurs revenus au paiement des intérêts, soit quatre fois plus qu'il y a dix ans. Environ 40% de la population mondiale vit dans des pays où les gouvernements dépensent davantage en intérêts qu’en éducation ou en santé.
Engagements pas respectés
Alors que les investissements dans les secteurs des ODD avaient augmenté régulièrement au début des années 2000, les principales sources de financement du développement ralentissent désormais. Par exemple, la croissance des revenus intérieurs est au point mort depuis 2010, en particulier dans les Pays les moins avancés (PMA) et autres pays à faible revenu, en partie à cause de l’évasion et de la fraude fiscales. Les taux d’imposition des sociétés sont en baisse, les taux d’imposition moyens mondiaux passant de 28,2% en 2000 à 21,1% en 2023, en raison de la mondialisation et de la concurrence fiscale.
Pendant ce temps, l’aide publique au développement (APD) des pays de l’OCDE et les engagements en matière de financement climatique ne sont pas respectés. Alors que l’APD a atteint un niveau record en 2022, atteignant 211 milliards de dollars, contre 185,9 milliards de dollars en 2021, une grande partie de la croissance provient de l’aide aux réfugiés vivant dans les pays donateurs, et le montant total est insuffisant pour le développement. Seuls quatre pays ont atteint l’objectif d’aide de l’ONU de 0,7% du Revenu national brut (RNB) en 2022.
Le rapport conclut que le système financier international, créé lors de la Conférence de Bretton Woods en 1944, n'est plus adapté à ses objectifs. Il propose un nouveau système cohérent mieux équipé pour répondre aux crises, qui augmente les investissements dans les ODD, notamment grâce à des banques de développement multilatérales plus fortes, et améliore le filet de sécurité mondial pour tous les pays.
Le rapport considère le Sommet des Nations Unies sur le futur en septembre 2024 comme une opportunité cruciale de changer de cap. Il souligne que la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement de juin 2025 est le moment critique pour les pays de s'engager à combler le déficit de financement du développement et d'investir dans la réalisation des ODD.
« Sans coopération mondiale, sans financement ciblé et, surtout, sans volonté politique, le monde ne parviendra pas à atteindre les ODD », a déclaré le Vice-Secrétaire général Amina Mohammed.
Le rapport est un produit conjoint du Groupe de travail inter-institutions sur le financement du développement, qui comprend plus de 60 agences des Nations Unies et organisations internationales.