Fil d'Ariane
Gaza : « Le démantèlement systématique des soins de santé doit cesser », affirme l'OMS
Après six mois de combats brutaux entre les forces israéliennes et les militants palestiniens et avec le plus grand hôpital de Gaza en grande partie détruit et hors service, l'accès aux soins de santé à Gaza est désormais « totalement inadéquat », a déclaré l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à l’issue d’une mission conjointe d’évaluation à l'hôpital Al-Shifa, dans le nord de la bande de Gaza,
La mission multi-agence, menée par l'OMS le 5 avril, a examiné l'étendue des destructions suite à une offensive israélienne de plusieurs semaines visant à éradiquer les forces militantes qui opéraient prétendument à l'intérieur de l'établissement.
La mission très complexe a été menée en collaboration avec le directeur intérimaire de l'hôpital.
Avant cette mission, les efforts de l'OMS pour atteindre l'hôpital afin d'évacuer les patients et le personnel et d'effectuer une évaluation avaient été refusés, retardés ou entravés à six reprises entre le 25 mars et le 1er avril.
Al-Shifa, une coquille vide
Comme la plus grande partie du nord, l'hôpital Al-Shifa « n'est plus qu'une coquille vide après le dernier siège », a déclaré l'OMS, et il ne reste plus aucun patient dans l'établissement.
La plupart des bâtiments sont gravement endommagés ou détruits et la majorité des équipements sont inutilisables ou réduits en cendres
« La plupart des bâtiments sont gravement endommagés ou détruits et la majorité des équipements sont inutilisables ou réduits en cendres », a fait valoir l’OMS.
L'ampleur de la dévastation a rendu l'établissement totalement inutilisable, ce qui réduit encore l'accès aux soins de santé vitaux à Gaza, a souligné l’équipe de l’OMS.
« Le rétablissement d'une fonctionnalité même minimale à court terme semble peu plausible et nécessitera des efforts considérables pour évaluer et débarrasser le terrain des munitions non explosées afin de garantir la sécurité et l'accessibilité », a déclaré l'OMS.
Les bâtiments du service des urgences, de la chirurgie et de la maternité de l'hôpital ont été gravement endommagés par les explosifs et les incendies.
Au moins 115 lits dans ce qui était autrefois le service des urgences ont été brûlés et 14 couveuses dans l'unité de soins intensifs néonatals ont été détruites, parmi d'autres biens. Une évaluation approfondie par une équipe d'ingénieurs est nécessaire pour déterminer si ces bâtiments peuvent être rendus sûrs pour une utilisation future.
L'usine d'oxygène de l'hôpital a été détruite, laissant l'hôpital Kamal Adwan comme seule source de production d'oxygène médical dans le nord. Une évaluation plus complète est essentielle pour évaluer la fonctionnalité des équipements vitaux tels que les tomodensitomètres, les ventilateurs, les dispositifs de stérilisation et les équipements chirurgicaux.
Des tombes à fleur de sol
De nombreuses fosses à fleur de sol ont été creusées juste à l'extérieur du service des urgences et des bâtiments administratifs et chirurgicaux, a indiqué l'OMS.
« Dans la même zone, de nombreux cadavres étaient partiellement enterrés avec leurs membres visibles. Au cours de la visite, le personnel de l'OMS a vu au moins cinq corps partiellement recouverts sur le sol, exposés à la chaleur » avec « une odeur âcre de corps en décomposition qui envahissait l'enceinte de l'hôpital ».
« La sauvegarde de la dignité, même dans la mort, est un acte d'humanité indispensable », a ajouté l'agence.
Selon le directeur intérimaire de l'hôpital, les patients ont été détenus dans des conditions épouvantables pendant le siège. Ils ont souffert d'un manque cruel de nourriture, d'eau, de soins de santé, d'hygiène et d'assainissement, et ont été contraints de se déplacer d'un bâtiment à l'autre sous la menace des armes. Au moins 20 patients seraient décédés en raison du manque d'accès aux soins et des déplacements limités autorisés pour le personnel de santé.
Des retards inutiles malgré la déconfliction
Malgré la déconfliction, la mission de vendredi a subi des retards importants au point de contrôle militaire en route vers l'hôpital Al-Shifa.
Le même jour, une autre mission dirigée par l'OMS à destination des hôpitaux Al-Awda et Kamal Adwan, dans le nord de la bande de Gaza, pour livrer des fournitures médicales et du carburant, déployer des équipes médicales d'urgence et soutenir l'orientation des patients en situation critique, a subi des retards inutiles, y compris la détention d'un chauffeur de camion de ravitaillement qui faisait partie du convoi.
Entre la mi-octobre et la fin mars, plus de la moitié des missions de l'OMS ont été refusées, retardées, entravées ou reportées.
« Alors que les besoins en matière de santé augmentent, l'absence d'un système de déconfliction fonctionnel constitue un obstacle majeur à l'acheminement de l'aide humanitaire à l'échelle nécessaire », a déclaré l'agence sanitaire des Nations Unies.
La destruction de l'hôpital Al-Shifa et du complexe médical Nasser dans la ville de Khan Younis, au sud du pays, le mois dernier, « a brisé la colonne vertébrale d'un système de santé déjà mal en point ».
Le droit à la santé bafoué
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a réitéré ses appels « à la protection des patients, des travailleurs sanitaires et humanitaires, des infrastructures sanitaires et des civils ».
« Les hôpitaux ne doivent pas être militarisés, utilisés à mauvais escient ou attaqués », a fait valoir l’agence sanitaire.
Alors que l'OMS célèbre dimanche la Journée mondiale de la santé sur le thème « Ma santé, mon droit », ce droit fondamental est totalement hors de portée pour les civils de Gaza, a déclaré l'agence.
« L'accès aux soins de santé à Gaza est devenu totalement inadéquat et la capacité de l'OMS et de ses partenaires à apporter leur aide est constamment perturbée et entravée ».
Sur les 36 hôpitaux principaux qui desservaient plus de deux millions d'habitants de Gaza, seuls 10 restent à peu près fonctionnels, et les types de services qu'ils peuvent fournir sont très limités, a signalé l’OMS.
Une invasion de Rafah aurait « des conséquences sanitaires inimaginables »
Toute incursion militaire à Rafah, où près de 1,5 million de personnes sont réfugiées, ne pourrait qu'entraîner une perte supplémentaire de soins de santé et aurait des conséquences sanitaires inimaginables.
« Le démantèlement systématique des soins de santé doit cesser », a déclaré l'OMS.
L'agence sanitaire mondiale a également demandé l'ouverture de nouveaux points de passage terrestres, afin de permettre un accès plus sûr et plus direct à la bande de Gaza, signalant qu’Israël avait indiqué à la suite d'un appel avec la Maison Blanche en début de semaine qu'il était prêt à le faire.
« Alors que la famine menace, que les épidémies se propagent et que les lésions traumatiques augmentent, l'OMS appelle à un accès sans entrave de l'aide humanitaire à travers la bande de Gaza, ainsi qu'à un cessez-le-feu durable », a conclu l’OMS.