Fil d'Ariane
Gaza : le Conseil des droits de l’homme de l’ONU réclame un embargo sur les armes à destination d’Israël
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté vendredi une résolution dans laquelle il appelle Israël à rendre des comptes pour d’éventuels crimes de guerre commis à Gaza et réclame un embargo sur les armes à destination d’Israël.
La résolution a été adoptée par 28 voix pour, 6 contre et 13 abstentions. Les six pays ayant voté contre : États-Unis, Allemagne, Argentine, Paraguay, Bulgarie et Malawi. Le Conseil des droits de l'homme compte 47 membres.
Le texte a « exprimé sa profonde préoccupation face aux informations faisant état de graves violations des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, notamment d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité » et face « à la détermination de la Cour internationale de justice selon laquelle il existe un risque plausible de génocide ».
Embargo sur les armes
La résolution souligne « la nécessité de veiller à ce que les auteurs de toutes les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme rendent compte de leurs actes afin de mettre fin à l’impunité ».
Elle se déclare également « gravement préoccupée par les informations faisant état de graves violations des droits de l’homme et de graves infractions au droit international humanitaire, y compris d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans le territoire palestinien occupé ».
Le document exige qu’Israël « mette fin à son occupation » du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, tout en exigeant qu’Israël « lève immédiatement son blocus sur la bande de Gaza et toutes les autres formes de punition collective ».
De plus, le texte appelle « tous les Etats à cesser la vente, le transfert et la livraison d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires vers Israël… afin de prévenir de nouvelles violations du droit international humanitaire et des violations et abus des droits de l’homme ».
« Une nouvelle preuve d’un parti pris anti-israélien du Conseil »
Le Conseil des droits de l’homme « condamne l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’action par Israël dans les zones peuplées de Gaza » et l’utilisation de l’intelligence artificielle « pour aider à la prise de décision militaire susceptible de contribuer à des crimes internationaux ».
Ce texte a été rejeté par Israël, qualifiant la résolution de nouvelle preuve du prétendu parti pris anti-israélien du Conseil. « Selon cette résolution, les États ne devraient pas vendre d’armes à Israël, qui s’efforce de défendre sa population, mais ils continuent d’armer le Hamas », a déclaré Meirav Eilon Shahar, Représentante permanente d’Israël auprès des Nations Unies à Genève.
Meirav Eilon Shahar a accusé le Conseil d’avoir « longtemps abandonné le peuple israélien et longtemps défendu le Hamas ».
« Il ne peut même pas condamner le meurtre brutal de plus de 1 200 membres de mon peuple, l’enlèvement de plus de 240 personnes, y compris des enfants en bas âge, le viol, les mutilations et les abus sexuels de femmes, de filles et d’hommes israéliens », a déclaré la responsable israélienne à des journalistes en marge du Conseil.
Utilisation militaire de l’intelligence artificielle
Le document adopté par le Conseil condamne notamment l’utilisation par Israël d’armes explosives à large rayon d’action dans les zones peuplées de Gaza, en soulignant les « répercussions de ces armes sur les hôpitaux, les écoles, l’eau, l’électricité et les abris, qui touchent des millions de Palestiniens ».
La résolution dénonce également l’utilisation de l’intelligence artificielle pour faciliter la prise de décisions militaires dans les conflits, qui peut contribuer à des crimes internationaux.
Elle dénonce le ciblage de civils, y compris le 7 octobre 2023, et exige la libération immédiate de tous les otages restants, des personnes détenues arbitrairement et des victimes de disparitions forcées, ainsi que la garantie d’un accès humanitaire immédiat aux otages et aux détenus, conformément au droit international.
Bien qu’elle ne soit pas contraignante, la résolution a un poids moral important. Elle a été adoptée le dernier jour de la dernière session du Conseil, parallèlement aux résolutions plus traditionnelles relatives à la situation dans le territoire palestinien occupé (TPO) sur la responsabilité et la justice, le droit des Palestiniens à l’autodétermination, les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés et le Golan syrien occupé.
Au moins 7.000 palestiniens présumés morts sous les décombres
C’est dans ce contexte que le chef des droits de l’ONU a exprimé sa profonde tristesse face à la dévastation et au nombre de morts en Israël et à Gaza. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), plus de 33.000 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants, sont morts, 75.000 ou plus sont blessés et au moins 7.000 palestiniens sont présumés morts sous les décombres.
Plus de 1.200 personnes sont mortes en Israël et des centaines d’autres ont été blessées. Plus de 100 otages sont toujours en captivité. « D’immenses pans de Gaza ont été bombardés et réduits à l’état de ruines. La bande de Gaza a changé pour toujours », a déclaré un porte-parole du Haut-Commissariat, Jeremy Laurence, lors de la conférence de presse bihebdomadaire à Genève.
« Les violations du droit international commises depuis le 7 octobre en Israël et à Gaza, y compris les violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire par toutes les parties au conflit, ainsi que la destruction et les souffrances des civils à Gaza au cours des six derniers mois, sont sans précédent. Et le risque de nouveaux crimes atroces est élevé », a ajouté M. Laurence.
La porte-parole a souligné le choc mondial provoqué par l’assassinat par Israël des travailleurs de la World Central Kitchen, notant qu’à ce jour, près de 200 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont près de 180 membres du personnel de l’ONU.
Attaquer l’aide humanitaire peut constituer un crime de guerre
« Les frappes aériennes israéliennes qui ont tué le personnel de la World Central Kitchen soulignent les conditions horribles dans lesquelles les travailleurs humanitaires opèrent à Gaza. Israël a également tué des représentants des forces de l’ordre et d’autres personnes impliquées dans la sécurisation de l’acheminement de l’aide humanitaire, contribuant ainsi directement à l’effondrement de l’ordre civil et mettant encore plus en danger les travailleurs humanitaires et les personnes ayant besoin d’aide », a-t-il fait valoir.
Le droit international exige de toutes les parties qu’elles respectent et protègent le personnel d’aide humanitaire et qu’elles assurent sa sécurité et sa liberté de mouvement. Israël, en tant que puissance occupante, a l’obligation supplémentaire de veiller, dans toute la mesure du possible, à ce que les besoins fondamentaux de la population de Gaza soient satisfaits.
« Attaquer des personnes ou des objets participant à l’aide humanitaire peut constituer un crime de guerre. Comme le Haut-Commissaire l’a déclaré à plusieurs reprises, l’impunité doit cesser. Des enquêtes indépendantes, approfondies et efficaces sur toutes les violations présumées du droit international humanitaire et des droits de l’homme commises le 7 octobre et ultérieurement doivent être menées rapidement », a conclu le porte-parole du HCDH.