Fil d'Ariane
Gaza : les nouvelles restrictions d'Israël à l’UNRWA sont « une mauvaise décision » (Coordonnateur de l’ONU)
Les restrictions actuelles d’Israël et sa nouvelle interdiction des livraisons d’aide par la plus grande agence des Nations Unies sur le terrain dans la bande de Gaza ont déjà de graves conséquences, a averti le Coordonnateur intérimaire de l’ONU dans le territoire palestinien occupé.
Dans la foulée de l'annonce faite dimanche par Israël qu'il n'approuverait plus les expéditions d'aide vers le nord de Gaza par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l'UNRWA, le Coordonnateur de l'ONU, Jamie McGoldrick, a mis en garde contre les pénuries alimentaires catastrophiques actuelles et la faim croissante dans l'enclave, tout en proposant des solutions rapides pour éviter une famine imminente.
« Toute interruption d’un approvisionnement alimentaire déjà très fragile est une mauvaise décision », a-t-il déclaré à ONU Info.
« Nous avons constaté une diminution de 70% de la capacité des gens à subvenir à leurs besoins », a-t-il dit, soulignant que le rapport du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) publié la semaine dernière montrait une famine imminente et une détérioration des taux de malnutrition en particulier dans le nord de l’enclave.
La situation s'aggrave dans le nord
Avant la guerre, environ 700 camions livraient chaque jour des biens commerciaux et humanitaires à Gaza pour répondre aux besoins des 2,3 millions d'habitants, mais aujourd'hui, 250 camions d'aide entrent à Gaza « dans les bons jours », et dans le nord, la situation est pire, a souligné le Coordonnateur de l'ONU.
« Nous avons de la chance de pouvoir faire arriver entre 10 et 15 camions à tout moment sur une période de deux jours », a-t-il dit. « Nous avons eu des conversations avec Israël pour voir si nous pouvons trouver un moyen de contourner cette situation et pour voir si nous pouvons acheminer les camions dont nous avons besoin chaque jour vers Gaza ».
Entre-temps, le flux de l'aide entrant dans l'enclave est géré par les principaux acteurs humanitaires – le Programme alimentaire mondial (PAM), l'organisation non gouvernementale World Central Kitchen et l'UNRWA – aux côtés de groupes tels que le Catholic Relief Services, a-t-il expliqué, mais il en faut bien davantage pour satisfaire une population qui a de plus en plus faim de jour en jour.
« Nous pouvons satisfaire tous les besoins »
Le système israélien d’inspection ne peut gérer qu’un maximum de 250 camions par jour, et pour l’instant, seuls les points de passage de Rafah et Kerem Shalom sont opérationnels. À moins que davantage de couloirs ne soient ouverts, de la Jordanie au port d’Ashdod, « nous n’arriverons jamais à atteindre les 700 camions » nécessaires quotidiennement à Gaza.
« Nous pouvons satisfaire tous les besoins qui y sont requis, mais cela signifie qu’Israël doit autoriser l’ouverture de ces [points d’entrée], et qu’il doit également autoriser des heures de travail plus longues à Kerem Shalom », a déclaré M. Goldrick.
Mais pour l’instant, la situation « ne semble pas aller dans la bonne direction », a-t-il estimé, notant que le rapport de l’IPC sur la famine indique que l’approvisionnement actuel ne fonctionne pas.
« Nous n’en fournissons pas suffisamment pour franchir le cap », a-t-il déclaré. « Nous devons faire davantage pour y parvenir ».
Conditions choquantes
Un volume d’aide suffisant est désormais nécessaire, a-t-il dit.
Depuis le début de ses visites hebdomadaires à Gaza en décembre, dont deux dans le nord, il a déclaré que les conditions étaient « absolument choquantes ».
« J’ai vu directement l’impact du manque de nourriture sur les enfants de l’hôpital Kamal Adwan » dans le nord de Gaza, a-t-il souligné à propos de sa visite de la semaine dernière, notant que l’établissement avait enregistré et signalé 20 décès d’enfants dus à la malnutrition. « Je suis allée au service des enfants et c’est absolument choquant de voir ce qu’il y a là ».
Chaque enfant souffre de carences nutritionnelles, certains avec des complications telles que l'hépatite A ou des infections intestinales, et il n'y a pas assez de couveuses pour les nouveau-nés dans le besoin, a-t-il expliqué, ajoutant que certains jeunes patients sont transférés vers le sud pour y être soignés.
« L'un des enfants que j'ai vu là-bas, parce que la mère souffrait tellement de malnutrition, est né deux jours plus tôt et ne pesait qu'environ 1,2 kg », se souvient-il, affirmant que les conditions indiquent clairement que l'insécurité alimentaire et la malnutrition « commencent à frapper très durement cette population ».
A Genève, un porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a également demandé à Israël d’annuler sa décision interdisant les livraisons de nourriture au nord de la bande de Gaza, estimant que les habitants de cette région étaient confrontés à une « mort cruelle par la faim ».
« La décision doit être annulée. Vous ne pouvez pas prétendre adhérer à ces dispositions internationales en bloquant les convois de nourriture de l’UNRWA », a déclaré Jens Laerke, porte-parole de l’OCHA, lors d’une conférence de presse.
Poursuite des hostilités
Les hostilités à Gaza se sont poursuivies mardi entre les combattants du Hamas et les forces israéliennes malgré l’appel au cessez-le-feu immédiat pour le reste du Ramadan lancé lundi par le Conseil de sécurité.
S’exprimant depuis Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), James Elder, a indiqué que, selon les autorités sanitaires de Gaza, 13.750 enfants ont été tués lors des frappes aériennes et des bombardements israéliens lancés en réponse aux attaques terroristes menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre.
Citant des rapports faisant état d’un « nombre à deux chiffres d’enfants tués pendant la nuit », M. Elder a noté que cela s’était produit « quelques heures seulement après l’adoption de la résolution (du Conseil de sécurité) ».
Khan Younis rasée
Selon l'OCHA, d’intenses bombardements et opérations terrestres israéliens ainsi que de violents combats entre les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens continuent d’être signalés dans une grande partie de la bande de Gaza, notamment dans la zone d’Al Rimal près de l’hôpital Al Shifa dans la ville de Gaza, dans le centre de Khan Younès et dans les environs des hôpitaux Al Amal et Nasser.
« Cela a entraîné de nouvelles victimes civiles, des déplacements et la destruction de maisons et d’autres infrastructures civiles », a dit l’OCHA.
Selon l’UNICEF, la ville de Khan Younis, dans le sud de Gaza, « n’existe presque plus ». Le porte-parole de l’UNICEF décrit ainsi « un anéantissement total », avec des bombardements israéliens constants qui ont laissé un nombre inconnu d’enfants et de familles ensevelis sous les décombres de leurs maisons.
« Depuis 20 ans que je travaille pour les Nations Unies, je n’ai jamais vu une telle dévastation. C’est le chaos, la ruine, les débris et les décombres dans toutes les directions, partout où je regarde », a détaillé M. Elder.
L’hôpital Nasser de Khan Younis – « un endroit si important pour les enfants souffrant des blessures de la guerre » - n’est même plus opérationnel, a indiqué le porte-parole de l’UNICEF, ajoutant qu’un tiers seulement des hôpitaux de Gaza sont « partiellement fonctionnels » à l’heure actuelle.
Le nord en crise
Plus au nord, où une mission d’aide du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies a assuré le passage de 96 camions transportant des fournitures de secours lundi - pour la première fois en cinq jours - M. Elder a décrit avoir vu des gens faire « ce signal universel de la main à la bouche, demandant et cherchant désespérément de la nourriture ».
Citant une analyse de l’insécurité alimentaire publiée récemment et mettant en garde contre une famine imminente, il a rappelé qu’un enfant de moins de deux ans sur trois souffrait aujourd’hui de malnutrition aiguë. Avant le conflit, moins d’un enfant de moins de cinq ans sur 100 souffrait déjà de malnutrition dans l’enclave palestinienne.
« Cela témoigne d’une privation totale, de la dévastation de choses dont les enfants dépendent - l’eau et les systèmes de santé - mais aussi de ce que les chiffres révèlent, à savoir un manque mortel d’aide alimentaire et nutritionnelle qui n’arrive toujours pas dans le nord du pays ».
Crise sanitaire
Se faisant l’écho des profondes inquiétudes suscitées par les scènes désespérées qui se déroulent à Gaza, un porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tarik Jasarevic, a indiqué que la plupart des patients de l’hôpital Al Amal, dans le sud de la bande de Gaza, avaient quitté l’établissement.
Les médias ont indiqué qu’un ordre d’évacuation de l’établissement avait été émis par l’armée israélienne, dans un contexte d’hostilités intenses dans l’ouest de Khan Younis. La situation serait également désastreuse à l’hôpital Al Shifa, dans le nord de Gaza, qui a également été la cible d’un raid militaire israélien, mais l’OMS n’y a pas accès, a déclaré M. Jasarevic.
« Les travailleurs de la santé meurent, les hôpitaux sont assiégés, les gens cherchent à s’abriter dans ces endroits et si vous ne pouvez pas vous abriter dans un hôpital, où pouvez-vous aller ? », s’interroge le porte-parole de l’OMS.