Fil d'Ariane
La Russie et la Chine opposent leur veto à une résolution américaine jugeant impératif un cessez-le-feu immédiat à Gaza
La Russie et la Chine ont opposé vendredi leur veto à un projet de résolution présenté par les Etats-Unis jugeant impératif un « cessez-le-feu immédiat et durable » à Gaza.
Le projet de résolution a reçu 11 votes pour, trois votes contre (Algérie, Chine, Russie) et une abstention (Guyana).
Le texte affirmait qu'il était « impératif » d'avoir « un cessez-le-feu immédiat et durable pour protéger les civils de tous les côtés », de faciliter l'acheminement de l'aide « essentielle » et de soutenir les pourparlers en cours entre Israël et les militants du Hamas pour mettre un terme durable aux hostilités, lié à la libération de tous les otages.
Le mot « impératif »
Un des aspects les plus importants est que le texte américain présenté vendredi au vote n’appelait pas à un cessez-le-feu immédiat et durable, mais affirmait plutôt que ce cessez-le-feu était impératif.
Après des semaines de négociations en coulisses entre les membres du Conseil de sécurité à New York, le projet de résolution américain marquait toutefois un changement de position par rapport à la dernière fois que les membres se sont réunis le 20 février, lorsque les États-Unis ont utilisé leur veto pour rejeter un projet de résolution présenté par l'Algérie qui exigeait un cessez-le-feu immédiat.
À l’époque, 13 pays étaient favorables au projet de résolution algérien, le Royaume-Uni s’abstenant. Les États-Unis avaient fondé leur opposition sur la nécessité de ne pas interférer avec les « négociations sensibles en cours » et avaient présenté un projet de résolution distincte condamnant le Hamas et qui œuvrerait en faveur d’un cessez-le-feu temporaire, basé sur la libération des otages.
Réactions des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine et de la France
Après le vote, ce vendredi, l'Ambassadrice américaine, Linda Thomas-Greenfield, a accusé la Russie d'avoir fait passer la politique avant les progrès. Elle a affirmé que la Russie et la Chine ne faisaient rien de significatif pour faire progresser la paix.
Avant le vote, elle avait estimé que le projet de résolution, s'il était voté, contribuerait à faire pression sur le Hamas pour qu'il accepte un accord sur la fin des combats et la libération des otages.
Avant le vote, l'Ambassadeur russe Vassily Nebenzia a déclaré que les États-Unis avaient promis à maintes reprises un accord pour mettre fin aux combats.
Selon lui, les États-Unis essayaient de « vendre un produit » au Conseil en utilisant le mot impératif dans leur résolution. « Cela ne suffit pas » et le Conseil doit « exiger un cessez-le-feu », a-t-il dit.
Il a déclaré qu'il n'y avait aucun appel à un cessez-le-feu dans le texte, accusant les dirigeants américains de « délibérément induire la communauté internationale en erreur ». Le projet est destiné aux électeurs américains, a-t-il dit, « pour leur jeter un os » avec un faux appel au cessez-le-feu.
Le Conseil accusé de traîner les pieds
L'Ambassadeur chinois Zhang Jun a déclaré que l'action la plus urgente que le Conseil devrait prendre est d'appeler à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, conformément aux souhaits de l'Assemblée générale des Nations Unies et du Secrétaire général de l'ONU.
Il a accusé le Conseil d'avoir traîné les pieds et perdu trop de temps à cet égard.
Il a noté le nouveau projet de résolution présenté par les 10 membres non permanents du Conseil qui circule actuellement : « Ce projet est clair sur la question du cessez-le-feu et est conforme à la bonne direction de l'action du Conseil et est d'une grande pertinence. La Chine soutient ce projet », a-t-il dit.
L'Ambassadeur français Nicolas de Rivière a déclaré que le Conseil de sécurité devait continuer d'agir face à la situation catastrophique à Gaza qui s'aggrave chaque jour. Après avoir voté pour le projet, il a appelé au respect intégral du droit international et à l'ouverture des points de passage vers Gaza pour les livraisons d'aide.
Il a dit que la France restait opposée à une incursion israélienne à Rafah et a souligné la nécessité urgente d’acheminer une aide abondante et indispensable à l’enclave. Soulignant l'importance de parvenir à une solution à deux États (Israël et Palestine), il a déclaré que la France proposerait une initiative au Conseil à cet égard.
Maladie et faim au nord de Gaza
Alors que les bombardements se poursuivent dans la bande de Gaza, des agences humanitaires de l’ONU ont fait état de « niveaux choquants de maladie et de faim », après avoir visité un hôpital dans le nord de l’enclave palestinienne.
Jamie McGoldrick, le plus haut responsable de l’aide des Nations Unies dans le territoire palestinien occupé, s’est rendu jeudi à l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia, où les enfants souffrant de la faim la plus grave et la plus menaçante sont traités dans un nouveau centre spécialisé de nutrition soutenu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« Sans un traitement rapide, ces enfants courent un risque imminent de mort », a déclaré le Bureau de coordination de l’aide des Nations Unies (OCHA), en appelant toutes les parties au conflit à respecter les lois de la guerre et le droit humanitaire international. « Les civils et les infrastructures dont ils dépendent - y compris les hôpitaux - doivent être protégés ».
Inquiétudes sur le sort de l’hôpital Al Shifa
Du carburant et des fournitures médicales ont été livrés à l’hôpital Kamal Adwan, « mais l’aide n’arrive qu’au compte-gouttes », a déclaré l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). « La nourriture doit atteindre le nord MAINTENANT pour éviter la famine », a-t-elle dit dans un message sur X.
Ces derniers développements interviennent alors que les rapports des médias indiquent que les raids militaires sur l’hôpital Al Shifa, dans la ville de Gaza, se poursuivaient pour le cinquième jour consécutif. Al Shifa, qui est le plus grand centre de santé de Gaza, n’a que récemment rétabli des services « minimaux », a détaillé l’OCHA, ajoutant que « les hostilités dans et autour de l’établissement sanitaire » ont mis en danger les patients, les équipes médicales et les traitements.
« Les populations de Gaza, en particulier dans le nord, sont confrontées à des niveaux choquants de maladie et de faim. Nos partenaires humanitaires et nous-mêmes continuons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour répondre aux besoins accablants de la population civile », a insisté l'OCHA.
Dans une vidéo diffusée sur X, le chef du bureau auxiliaire d’OCHA à Gaza, Georgios Petropoulos, a souligné les difficultés d’accès au nord de Gaza des convois de vivres ou de fournitures médicales, en raison des contraintes qui pèsent sur l’acheminement de l’aide.
Difficultés d’accès à l’aide
Pour atteindre le nord depuis le sud, les équipes humanitaires doivent passer par les points de contrôle militaires israéliens qui coupent la bande de Gaza en deux.
« L’un des plus gros problèmes que nous rencontrons à Gaza est l’impossibilité d’aller du nord au sud de la bande de Gaza », a déclaré M. Petropoulos, décrivant comment, lors d’une récente mission, il a trouvé un homme âgé de 75 à 80 ans, seul et « couvert de poussière », assis sur la route.
« Nous l’avons récupéré, nous lui avons donné de l’eau, nous l’avons mis à l’arrière de notre voiture et nous l’avons conduit sur quelques centaines de mètres jusqu’à ce que nous trouvions une famille dans la rue ». M. Petropoulos appelle tout le monde à respecter les civils qui tentent de fuir la guerre.
Faisant écho à ce message, l’OCHA a réitéré que les équipes d’aide continuent d’être « empêchées de façon répétée de faire leur travail, en particulier dans le nord assiégé ». La violence permanente, les bombardements incessants, l’effondrement de l’ordre civil et les difficultés d’accès continuent d’entraver la réponse humanitaire, a insisté le bureau de coordination de l’aide de l’ONU. « Alors que les hostilités en sont à leur sixième mois et que Gaza se rapproche de plus en plus de la famine, nous devons inonder Gaza d’aide ».