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La poursuite du conflit et de la violence risque de faire du Soudan la pire crise alimentaire au monde

Au Soudan, après 11 mois de conflit, l’insécurité alimentaire qui touche 18 millions de personnes, a atteint le niveau 4, le niveau de faim le plus grave jamais enregistré dans le pays. Trois hauts responsables de l’ONU ont dénoncé le manque de ressources, de financement et d’accès et la poursuite du conflit pour les opérations de secours d’urgence.  

« La propagation du conflit dans de nombreuses régions du Soudan sape la sécurité alimentaire », a affirmé mercredi au Conseil de sécurité, le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Maurizio Martina.

Il a noté qu’au cours de la récente saison des récoltes, qui s'étend d'octobre à février et est généralement une période de l'année où la nourriture est la plus disponible au Soudan, 18 millions de personnes souffraient d’une insécurité alimentaire aiguë. « C’est le niveau de faim le plus grave jamais enregistré au Soudan pendant la saison des récoltes », a-t-il alerté. « L’insécurité alimentaire est au niveau 4, soit le niveau d’urgence, dans les régions du Kordofan, du Darfour et de Khartoum ». 

Un accès humanitaire pérenne doit être établi 

« La production de céréales est inférieure de 80% à son niveau habituel », a-t-il dit. Au Darfour, la production agricole est réduite à néant en raison du conflit. Il a donc demandé une solution pacifique négociée au conflit afin de permettre l’acheminement de l’aide et d’écarter le risque de famine. « Un accès humanitaire pérenne doit être établi », a-t-il exhorté. 

Pour la Directrice des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), « cette crise est provoquée par 11 mois de conflit brutal qui a déplacé 6,5 millions de personnes à l'intérieur du pays et poussé à l’exil 1,8 million d'autres dans les pays voisins ». ​ 

« Si le conflit se poursuit, le Soudan va devenir la pire crise alimentaire au monde », a prévenu Edem Wosornu. ​

« Plus de 730.000 personnes souffrent actuellement de malnutrition aiguë sévère. Un enfant meurt toutes les deux heures dans le camp de Zamzam, au Darfour septentrional. Le manque d'établissements de santé fonctionnels exacerbe encore le risque de maladies évitables pour les enfants souffrant de malnutrition », a-t-elle énuméré. ​

Le Conseil de sécurité se réunit sur la protection des civils dans les conflits armés
UN Photo/Eskinder Debebe
Le Conseil de sécurité se réunit sur la protection des civils dans les conflits armés

Prendre des engagements concrets

« L'accès humanitaire aux populations les plus vulnérables dans les États de Khartoum, du Darfour, du Kordofan et de Gazira, est gravement entravé », a encore dénoncé Mme Wosornu. « La communauté internationale doit prendre des mesures immédiates pour faire face à l'aggravation de la crise de l'insécurité alimentaire au Soudan. » 

Il faut respecter le droit international humanitaire, augmenter le financement de l'opération humanitaire, faire pression pour un cessez-le-feu immédiat et une résolution pacifique du conflit, et prendre des engagements concrets pour soutenir l'opération de secours lors de la prochaine conférence de haut niveau à Paris. ​ 

« À l'heure actuelle, moins de 5% des 2,7 milliards de dollars nécessaires à l'appel humanitaire pour le Soudan ont été reçus », a fait savoir la haute responsable qui a exhorté à répondre à cet appel urgent.

Le PAM distribue une aide d'urgence aux personnes qui cherchent refuge dans l'école d'Osma Degna à Port-Soudan, après que le conflit a gagné l'État de Gazira.
© WFP/Abubaker Garelnabei
Le PAM distribue une aide d'urgence aux personnes qui cherchent refuge dans l'école d'Osma Degna à Port-Soudan, après que le conflit a gagné l'État de Gazira.

Les cinq défis à relever

Le Directeur des opérations du Programme alimentaire mondial (PAM) a fait par des cinq défis auquel il est confronté au Soudan à commencer par « le manque d'accès ». « À l'heure actuelle, 90% des personnes qui ont un besoin urgent d'une aide alimentaire vitale, sont prises au piège dans des zones inaccessibles aux agences humanitaires, notamment Khartoum, les États de Gazira, de Kordofan et du Darfour ». 

« Il y a aussi l’ingérence des parties belligérantes et la violence qui sapent les efforts du PAM visant à atteindre les civils dans le besoin. Les parties belligérantes interfèrent avec l'acheminement de l'aide », a ajouté Carl Skau. 

« En outre, les obstacles bureaucratiques réduisent encore l'espace dont disposent les humanitaires pour opérer au Soudan », a-t-il protesté. « Par ailleurs, l'opération de secours d'urgence du PAM est gravement entravée par le manque de ressources qui limite sa capacité à intensifier ses opérations et à fournir une assistance à un plus grand nombre de personnes ». 

« Le PAM a également besoin d'un accès au-delà des lignes de conflit pour intensifier ses opérations de manière efficace et rentable », a indiqué son Directeur des opérations. 

Il a demandé l’ouverture d'autres points de passage frontaliers pour que l'aide puisse atteindre la grande région du Darfour notamment. « En cette période de soudure qui arrive en mai, il existe un risque élevé d'atteindre le niveau 5 de l'insécurité alimentaire », a prévenu M. Skau. Pour lui, « ce sera alors la catastrophe ». Il a enfin déploré le manque de financement pour les opérations du PAM qui se traduit par une réduction des rations pour ceux qui reçoivent de l'aide et qui laisse des millions de personnes souffrir de la famine.