Fil d'Ariane
La conférence du désarmement doit être réformée de toute urgence, selon le chef de l’ONU
Alors que l’ombre nucléaire qui planait sur l’humanité au siècle dernier est revenue en force, la conférence du désarmement reste dans l’impasse et elle a même échoué, a regretté lundi à Genève le chef de l’ONU.
S’adressant aux 65 membres de la Conférence du désarmement, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a admis que depuis un certain temps, cet organe basé à Genève « ne fonctionne pas comme prévu ». « En fait, elle a échoué », a affirmé M. Guterres.
De fait, le principal forum mondial sur le désarmement nucléaire n’a rien produit de substantiel depuis le traité interdisant les essais nucléaires de 1996. Depuis plusieurs années, il est dans l’impasse. Or selon le chef de l’ONU, cet échec intervient alors que la confiance mondiale se désagrège. « Les clivages géopolitiques, la concurrence acharnée en matière d’armement et l’érosion des cadres ont conduit à une impasse totale ».
Un risque de fièvre nucléaire plus élevé que jamais
En effet, le monde assiste à une prolifération des armes légères et de petit calibre illicites et à l’utilisation d’engins explosifs dans les zones peuplées. Dans le même temps, les armées développent de « nouvelles applications terrifiantes des technologies nouvelles et émergentes, notamment l’intelligence artificielle et les systèmes d’armes autonomes ».
De plus, une course aux armements dans l’espace est passée de « la spéculation à la quasi-certitude - une perspective aux conséquences potentiellement catastrophiques ». L’échec de la Conférence du désarmement intervient alors que « le risque nucléaire a atteint un niveau de fièvre, plus élevé que jamais depuis les profondeurs de la Guerre froide ».
« Certains dirigeants laissent régulièrement entendre qu’ils sont tout à fait prêts à déclencher l’enfer nucléaire - une menace scandaleuse que le monde doit condamner avec clarté et force », a-t-il fait remarquer.
Par ailleurs, les normes vitales contre la prolifération, les essais et l’utilisation des armes nucléaires sont en train de s’éroder. En fait, la frustration d’une majorité d’États face à la lenteur du désarmement a conduit à la négociation du traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
Besoin que la conférence sur le désarmement fonctionne
Dans ces conditions, M. Guterres a réitéré son appel à accélérer la mise en œuvre de tous les engagements en matière de désarmement nucléaire, y compris dans le cadre du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, et à faire entrer en vigueur le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. « Le monde ne doit plus être pris en otage par ces engins de mort », a insisté le chef de l’ONU.
Dans le même temps, il a admis que quelque chose ne va pas si une conférence sur le désarmement n’aboutit à aucun désarmement significatif, année après année. Une façon de rappeler que l’humanité a besoin que la conférence sur le désarmement fonctionne.
« La paralysie et l’impasse qui la caractérisent aujourd’hui sont honteuses », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, relevant que « cette conférence (du désarmement) doit être réformée de toute urgence ».
Pourtant malgré l’impasse diplomatique actuelle, le principe central de cette conférence demeure toujours aussi essentiel. A ce sujet, il note que la diplomatie inclusive constitue l'outil de désarmement le plus efficace.
« Nous avons besoin de cette diplomatie aujourd’hui, et de toute urgence », a-t-il dit, rappelant aux Etats membres leur pouvoir de la mettre en œuvre et de transformer cet organe. En attendant, les Nations Unies continueront à faire tout leur possible pour soutenir ce processus de réforme et de changement.
Coopération pour un bénéfice mutuel
« Alors mettons-nous au travail. Œuvrons pour une Conférence du désarmement revitalisée, qui puisse jouer un rôle constructif dans l’édification d’un monde plus pacifique et plus stable », a répété le chef de l’ONU.
D’autant que dès le départ, cette conférence et celles qui l’ont précédée étaient censées être l’antidote au poison de la division et de la paralysie diplomatique qui bloquaient un désarmement significatif. Pendant de nombreuses années, ces organes ont joué un rôle essentiel dans la rédaction des accords qui constituent encore l’épine dorsale du programme mondial de désarmement.
M. Guterres a ainsi cité le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, les conventions sur les armes biologiques et chimiques, mais aussi le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. « Ces victoires pour la paix ont été obtenues de haute lutte », a-t-il fait remarquer.
Mais il ne s’agit pas de miracles car ces succès se sont produits parce que « les pays ont reconnu que la clé du désarmement se trouvait dans la coopération pour un bénéfice mutuel - et non dans la compétition pour une destruction mutuelle », a conclu le chef de l’ONU.