Fil d'Ariane
Soudan : abus horribles commis par les belligérants, notamment des frappes sur des civils en fuite
Les forces militaires rivales qui s'affrontent depuis des mois au Soudan ont commis des exactions qui peuvent être assimilées à des crimes de guerre, notamment des attaques aveugles contre des sites civils tels que des hôpitaux, des marchés et même des camps de déplacés, a indiqué vendredi le Bureau des droits de l’homme de l’ONU.
Alors que les combats s’étendent à de nouvelles régions du pays, le conflit armé au Soudan a entraîné la mort de milliers de civils, le déplacement de millions de personnes, le pillage de biens et la conscription d’enfants. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), des violations et des abus horribles ont été commis par les belligérants.
Le rapport détaille de multiples attaques aveugles menées par les Forces armées soudanaises (FAR) et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) dans des zones densément peuplées, y compris des sites abritant des personnes déplacées - en particulier dans la capitale Khartoum, ainsi que dans le Kordofan et le Darfour - au cours des combats entre avril et décembre 2023.
Des abus assimilables à des « crimes de guerre »
« Depuis près d’un an, les récits en provenance du Soudan font état de morts, de souffrances et de désespoir, alors que le conflit insensé et les violations des droits de l’homme se poursuivent sans qu’aucune fin ne soit en vue », a déclaré dans un communiqué Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
Selon le HCDH, certaines de ces violations pourraient être assimilées à des « crimes de guerre ». Les services du Haut-Commissaire Türk réclament des « enquêtes rapides, transparentes, indépendantes et impartiales » sur toutes les allégations de violations et d’abus des droits de l’homme internationaux et de violations du droit humanitaire international. « Les armes doivent se taire et les civils doivent être protégés », a-t-il dit, ajoutant que les responsables doivent être traduits en justice.
Le rapport des Nations Unies couvre la période d’avril à décembre et s’appuie sur des entretiens avec plus de 300 victimes et témoins, ainsi que sur l’analyse de photographies, de vidéos et d’images satellite.
Le document indique que les personnes fuyant pour sauver leur vie ou déplacées par les violences ont parfois été victimes d’attaques à l’arme explosive. Il montre que les deux parties au conflit ont utilisé des armes explosives à large rayon d’action, telles que des missiles tirés par des avions de chasse, des drones, des armes antiaériennes et des obus d’artillerie dans des zones densément peuplées.
Des violations à caractère ethnique
Lors d’un incident, des dizaines de personnes déplacées ont été tuées lorsque leur camp à Zalingei, au Darfour, a été bombardé par les Forces de soutien rapide (RSF) entre le 14 et le 17 septembre, selon le rapport. Une vingtaine de civils, principalement des femmes et des enfants, ont été tués le 22 août par des obus qui auraient été tirés par les forces armées soudanaises alors qu’ils s’abritaient sous un pont, détaille le document.
Des preuves vidéo crédibles montrent également cette semaine que plusieurs étudiants voyageant par la route dans l’État du Kordofan du Nord pourraient avoir été tués par des hommes en uniforme des Forces armées soudanaises (FAR) dans la ville d’El-Obeïd. La vidéo publiée sur les médias sociaux le 15 février montre des troupes défilant avec des têtes décapitées dans la rue tout en scandant des insultes ethniques.
Le rapport indique également que les Forces armées soudanaises (FAR) ont adopté une stratégie militaire consistant à utiliser des boucliers humains. Il décrit des incidents dans la capitale Khartoum, où des dizaines de personnes ont été arrêtées et placées à l’extérieur, près des postes militaires des forces soudanaises, afin d’éviter les frappes aériennes.
Outre les nombreux morts notés à Khartoum dont l’explosion dans une gare routière d’Omdurman ayant fait au moins 10 morts parmi les civils, les Forces armées soudanaises (FAR) et leurs milices arabes alliées ont mené une dizaine d’attaques contre des civils à El-Geneina, la capitale du Darfour occidental, tuant des milliers de personnes, dont la plupart appartenaient à la communauté ethnique africaine Masalit.
Des cas de viols et d'enrôlement d’enfants
Les Forces de soutien rapide (RSF) et leurs alliés ont également tué dans la ville de Morni et à Ardamata, où au moins 87 corps ont été enterrés dans une fosse commune. Au Darfour, des milliers de personnes ont été ainsi tuées lors d’attaques des forces de sécurité, dont certaines étaient motivées par des considérations ethniques.
Par ailleurs, les enquêteurs de l’ONU ont jusqu’à présent recensé des cas de violence sexuelle touchant 118 personnes. De nombreux viols ont été commis par des membres des forces de sécurité soudanaises. Selon l’ONU, une femme a été détenue dans un bâtiment et a subi des viols collectifs répétés sur une période de 35 jours.
Le rapport fait également état du recrutement d’enfants soldats par les deux parties au conflit. Les communautés ethniques « africaines », notamment les Fur, les Masalit et les Zaghawa, auraient également répondu aux campagnes de recrutement des Forces armées soudanaises, selon le rapport.
D’un autre côté, des enfants ont également été recrutés par les paramilitaires des Forces de soutien rapide dans les tribus arabes du Darfour et du Kordofan.