Fil d'Ariane
A Gaza, des conditions « choquantes et insoutenables », dit un responsable de l’ONU au Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité s’est réuni jeudi au siège de l'ONU à New York pour discuter à nouveau de la situation dans la bande de Gaza, ravagée par des mois de guerre incessante, et des tensions qui s'étendent à l'ensemble de la région du Moyen-Orient.
Tor Wennesland, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, a déclaré aux ambassadeurs qu'« il n'y a toujours pas de fin en vue » alors que la guerre approche de ses 140 jours.
« Le traumatisme des personnes touchées par les horreurs déclenchées le 7 octobre n’a pas de fin. Il n'y a pas de fin aux souffrances et au désespoir de la population de Gaza. Pas de fin aux troubles régionaux », a-t-il dit.
M. Wennesland s'est rendu à Gaza cette semaine et a décrit la situation humanitaire là-bas comme choquante, insoutenable et désespérée.
Situation humanitaire
Les Palestiniens déplacés à l’intérieur de l’enclave sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau, d’abris et de médicaments, tandis que les maladies transmissibles augmentent fortement, que les conditions d’hygiène sont insalubres et qu’il y a un « effondrement quasi total » de l’ordre public.
Il a ajouté que son Coordonnateur humanitaire a un plan pour fournir l'essentiel – nourriture, abris, médicaments et eau/assainissement – mais que la capacité de l'ONU à le faire dépend de mouvements humanitaires coordonnés, d'une déconfliction efficace avec les parties et des approbations israéliennes pour les équipements de communication essentiels et les véhicules blindés – « qui offrent les conditions minimales permettant au personnel de travailler en toute sécurité ».
« Maintenir Gaza sous perfusion prive non seulement une population désespérée d’un soutien vital, mais cela provoque un chaos encore plus grand qui entrave encore davantage l’acheminement de l’aide humanitaire », a-t-il ajouté.
Le dialogue, pas la violence
Avertissant que l'ampleur de l'urgence pourrait rapidement devenir incontrôlable, M. Wennesland a appelé à une réponse collective, coordonnée et globale non seulement pour résoudre la crise immédiate dans la bande de Gaza, mais aussi pour aider à restaurer un horizon politique pour les Palestiniens et les Israéliens.
« Pour ce faire, nous avons besoin de toute urgence d'un accord pour parvenir à un cessez-le-feu humanitaire et à la libération des otages », a-t-il souligné, ajoutant également la nécessité de créer un espace de dialogue sur la violence.
« En fin de compte, la seule solution à long terme pour Gaza est politique », a déclaré M. Wennesland.
« Tout en tenant compte des préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, il doit y avoir une voie claire vers la restauration d’une gouvernance palestinienne unique et efficace dans l’ensemble des TPO (territoires palestiniens occupés), y compris à Gaza », a-t-il ajouté.
Parallèlement, le soutien international au renforcement et à la réforme de l’Autorité palestinienne afin d’améliorer la légitimité nationale et internationale sera crucial.
Pour créer ces conditions, M. Wennesland a appelé à un cadre politique assorti d’un calendrier pour mettre fin à l’occupation et négocier une solution à deux États. « Ces efforts doivent s’unir et s’accélérer si nous voulons sortir de ce cauchemar et emprunter une trajectoire qui puisse offrir aux Palestiniens et aux Israéliens la chance d’une paix durable », a-t-il conclu.
Le veto coûte des vies, prévient MSF
Christopher Lockyear, Secrétaire général de Médecins Sans Frontières (MSF), a également informé le Conseil.
Craignant de nouvelles attaques meurtrières israéliennes, il s’est dit « consterné » par l’utilisation répétée par les États-Unis de leur droit de veto pour entraver les efforts visant à adopter la résolution la plus évidente : celle exigeant un cessez-le-feu immédiat.
« Nous vivons dans la peur d'une invasion terrestre » à Rafah, a-t-il dit.
Qualifiant le nouveau projet de résolution proposé par Washington de « au mieux trompeur », il a déclaré que le Conseil devrait rejeter toute résolution « qui entrave davantage les efforts humanitaires sur le terrain et conduit ce Conseil à approuver tacitement la poursuite de la violence et les atrocités de masse à Gaza ».
Attaques constantes contre les soins de santé
« Les attaques contre les soins de santé sont une attaque contre l’humanité », a-t-il dit, notant que même si Israël prétend que le Hamas opère dans les hôpitaux, « nous n’avons vu aucune preuve indépendante vérifiée de cela ».
Il y a à peine 48 heures, des bombardements et des tirs israéliens ont tué et blessé des membres du personnel de MSF et leurs familles à Khan Younis, malgré la notification aux parties belligérantes de l'endroit, qui était marqué d'un drapeau de MSF, a-t-il expliqué.
« Ce type d'attaques est soit intentionnel, soit révélateur d'une incompétence irresponsable », a-t-il déclaré, ajoutant que ses collègues à Gaza craignent, alors qu'il s'adresse au Conseil aujourd'hui, d'être punis demain.
« Les lois et les principes dont nous dépendons collectivement pour permettre l’aide humanitaire sont désormais érodés au point de perdre tout leur sens », a-t-il ajouté.
La réponse humanitaire est « une illusion »
Face aux meurtres et aux mutilations des travailleurs humanitaires, « la réponse humanitaire à Gaza aujourd’hui est une illusion », a-t-il affirmé, ajoutant que les efforts visant à fournir de l’aide sont « aléatoires, opportunistes et totalement inadéquats ».
« Comment pouvons-nous fournir une aide vitale dans un environnement où la distinction entre civils et combattants est ignorée ? » a-t-il demandé, ajoutant que ses équipes sont épuisées. « Les appels à davantage d’aide humanitaire ont résonné dans cette salle, mais à Gaza, nous en avons de moins en moins chaque jour – moins d’espace, moins de médicaments, moins de nourriture, moins d’eau, moins de sécurité ».
Citant un nouveau projet de résolution en cours de négociation présenté par les États-Unis, il a déclaré que les habitants de Gaza « ont besoin d'un cessez-le-feu, non pas lorsque cela est ‘réalisable’, mais maintenant ». « Ils ont besoin d’un cessez-le-feu durable, et non d’une ‘période de calme temporaire’. Tout ce qui ne va pas dans ce sens constitue une négligence grave ».