Fil d'Ariane
La bande de Gaza est au bord d’une « catastrophe sanitaire »
Alors que les hostilités dans la bande de Gaza durent depuis plus de quatre mois et ont entraîné plus de 1,7 million déplacés, l’enclave palestinienne est au bord d’une « catastrophe de santé publique », ont alerté des agences humanitaires, qui ont réitéré leurs appels en faveur d’un « cessez-le-feu immédiat et durable ».
Malgré les avertissements répétés concernant les effets de l’eau contaminée et des mauvaises conditions d’hygiène, des obstacles ont persisté, entraînant des difficultés majeures dans la réponse humanitaire.
Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ainsi que les groupes sectoriels de la santé, de l’eau et de l’assainissement, la majorité de la population de Gaza n’a pas accès à l’eau potable, les services d’assainissement sont totalement inefficaces et les avertissements répétés n’ont pas permis d’éviter une catastrophe en matière de santé publique.
En outre, le dernier Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), publié en décembre 2023, note que plus de 90% de la population gazaouie est confrontée à un niveau élevé d’insécurité alimentaire aiguë.
Plus de 220.000 cas de diarrhée aqueuse aiguë
Les épidémies actuelles de maladies diarrhéiques et d’hépatite A, entre autres, sont perçus comme des indicateurs de l’état de santé « dramatique », affecté par « les conditions désastreuses de l’eau et de l’assainissement qui touchent tout le monde dans la bande de Gaza ». Plus de 312.000 cas d’infections respiratoires aiguës et plus 222.000 cas de diarrhée aqueuse aiguë (dont 118.000 enfants de moins de 5 ans), selon un décompte effectué entre le 16 octobre 2023 et le 13 février 2024 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Sur la même période, près de 75.000 cas de gale et de poux, près de 50.000 cas d’éruptions cutanées ont été signalés, dépassant de loin l’incidence des années précédentes. « Les cas signalés jusqu’à présent ne donnent qu’un aperçu limité de l’ampleur de la catastrophe sanitaire », précisent les agences humanitaires, relevant que ces « épidémies de maladies infectieuses masquent l’ampleur de la situation d’urgence ».
Au moins 90% des enfants de moins de cinq ans à Gaza sont touchés par une ou plusieurs maladies infectieuses, selon un autre rapport de l’UNICEF, de l’OMS et du Programme alimentaire mondial (PAM). Au cours des deux semaines précédant cette évaluation, 70% d’entre eux ont souffert de diarrhée, soit 23 fois plus par rapport à la situation de référence de 2022.
«La bande de Gaza est sur le point d’assister à une explosion du nombre de décès évitables d’enfants, ce qui pourrait aggraver le niveau déjà insoutenable de décès d’enfants à Gaza », a déclaré Ted Chaiban, responsable adjoint de l’action humanitaire au sein de l’UNICEF.
« Combinaison mortelle »
Cette propagation des maladies intervient dans un contexte de pénuries d’eau dans l’enclave palestinienne. Seule une des trois canalisations de Mekorot en provenance d’Israël est actuellement opérationnel, Bani-Saeed ne fonctionnant qu’à près de la moitié de sa capacité totale. Dans le même temps, celles d’Al Mentar et Bani Suhaila ne sont plus opérationnelles depuis octobre et décembre 2023 respectivement.
De plus, seules deux des trois principales usines de dessalement de l’eau sont partiellement opérationnelles, à savoir l’usine de dessalement de la région du centre et l’usine de dessalement de la région du sud. L’usine de la région Nord n’est plus opérationnelle depuis octobre 2023. Tous les systèmes de traitement des eaux usées sont actuellement hors service.
Une telle situation a de graves répercussions sur la vie des 1,7 million de personnes déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza. Or malgré les alertes répétés des agences humanitaires concernant les effets catastrophiques de l’eau contaminée et des mauvaises conditions d’hygiène, des obstacles tels que les restrictions de mouvement, le manque de sécurité et les contraintes liées à l’importation ont persisté, ce qui a entraîné des difficultés majeures dans la réponse humanitaire.
Pour les agences humanitaires, la réponse à la crise de santé publique actuelle nécessite un renforcement majeur des capacités en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH). « Une action urgente impliquant de multiples parties prenantes et partenaires à tous les niveaux est nécessaire pour empêcher l’aggravation de la catastrophe de santé publique en cours », ont-elles dit.
Risque d’explosion du nombre de décès d’enfants à Gaza
Il s’agit de « remettre immédiatement en service l’adduction d’eau Mekorot dans le nord de la bande de Gaza, mais aussi prévoir suffisamment de carburant pour le fonctionnement des infrastructures essentielles d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Les agences humanitaire plaident aussi pour un « cessez-le-feu immédiat et durable » afin de permettre la fourniture sans entrave de l’aide à travers et à l’intérieur de la bande de Gaza, y compris dans le nord.
Lundi, des agences de l’ONU ont averti qu’un manque de nourriture alarmant, une malnutrition galopante et une propagation rapide des maladies pourraient entraîner une « explosion » du nombre de décès d’enfants dans la bande de Gaza.
Plus de 15% des enfants de moins de deux ans, soit un sur six, souffrent de ‘malnutrition aiguë dans le nord de Gaza, presque totalement privée d’aide humanitaire. « Les données ayant été recueillies en janvier, la situation risque d’être encore plus grave aujourd’hui », selon ce rapport de l’UNICEF, de l’OMS et du PAM.
Dans le sud de la bande de Gaza, 5% des enfants de moins de deux ans souffraient de malnutrition aiguë, selon l’évaluation. Un tel déclin de la situation nutritionnelle d’une population en trois mois est sans précédent dans le monde’, ont détaillé les agences humanitaires onusiennes.
Transfert de patients en situation critique hors de l’hôpital Nasser
Par ailleurs, l’OMS indique avoir mené deux missions de sauvetage pour transférer 32 patients critiques, dont deux enfants, du complexe médical Nasser dans le sud de Gaza les 18 et 19 février, alors que les hostilités et les restrictions d’accès se poursuivent. Ces missions à haut risque ont été menées en étroite collaboration avec le Croissant-Rouge palestinien et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).
Le 17 février, une mission dirigée par l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et comprenant du personnel de l’OMS a livré 24.000 litres de carburant et des quantités limitées de nourriture et d’eau à l’hôpital, après n’avoir pas pu l’atteindre le 16 février en raison de l’état impitoyable des routes, notamment un fossé profond, boueux et infranchissable situé à 50 mètres de l’hôpital.
Ces missions de sauvetage interviennent alors que l’hôpital Nasser n’a ni électricité ni eau courante, et les déchets médicaux et les ordures créent un terrain propice aux maladies. « Le personnel de l’OMS a déclaré que la destruction autour de l’hôpital était "indescriptible". La zone était entourée de bâtiments brûlés et détruits, d’épaisses couches de débris, sans aucun tronçon de route intact », a affirmé Tarik Jasarevic, porte-parole de l’OMS.
On estime à 130 le nombre de patients malades ou blessés et à au moins 15 le nombre de médecins et d’infirmières encore présents à l’intérieur de l’hôpital. L’unité de soins intensifs ne fonctionnant plus, le personnel de l’OMS a transféré le seul patient restant dans une autre partie du complexe où d’autres patients reçoivent des soins de base.