Fil d'Ariane
L'érosion drastique des droits des femmes en Afghanistan se poursuit
Les femmes afghanes craignent d'être arrêtées, harcelées et punies à chaque fois qu'un nouveau décret taliban est annoncé, selon un nouveau rapport multi-agences des Nations Unies publié vendredi et basé sur une enquête approfondie auprès des femmes à travers le pays.
L'application de la loi par la police a augmenté le harcèlement dans les espaces publics et a encore limité la capacité des femmes à quitter leur domicile, selon les témoignages de 745 femmes afghanes ayant participé à la dernière enquête d'ONU Femmes, de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).
Ces informations font suite à des rapports récents sur l'application arbitraire et sévère du décret sur le hijab, en particulier à Kaboul, ont indiqué les agences - qui ont commencé à publier des consultations trimestrielles avec diverses femmes afghanes un an après la prise du pouvoir par les Talibans en août 2021.
Seulement 1% des femmes afghanes indiquent qu'elles ont une « bonne » ou une « pleine » influence sur la prise de décision au niveau de la communauté
Depuis lors, les autorités de facto ont introduit plus de 50 décrets qui restreignent directement les droits et la dignité des femmes, indique le rapport de vendredi.
Les consultations ont eu lieu entre le 27 janvier et le 8 février. ONU Femmes, l'OIM et la MANUA ont recueilli des avis en ligne et en personne - là où il était possible de le faire en toute sécurité - et par le biais de sessions de groupe et de télé-sondages individuels. Les agences ont pu joindre des femmes dans les 34 provinces de l'Afghanistan.
Les participantes ont été invitées à donner leur avis sur la période allant d'octobre à décembre 2023.
Les craintes s'intensifient
Les résultats montrent que les femmes craignent d'être arrêtées et de subir la stigmatisation et la honte à long terme associées à leur mise en garde à vue, indique le rapport.
En outre, plus de la moitié des femmes (57%) ne se sentent pas en sécurité lorsqu'elles quittent la maison sans un mahram, un tuteur masculin. Les risques pour leur sécurité et leur niveau d'anxiété augmentent chaque fois qu'un nouveau décret les visant spécifiquement est annoncé.
Seulement 1% des femmes ont indiqué qu'elles avaient une « bonne » ou une « pleine » influence sur la prise de décision au niveau de la communauté, ce qui représente une baisse importante par rapport aux 17% enregistrés en janvier 2023.
Perte importante d'influence
L'absence d'espaces publics sûrs permettant aux femmes de se réunir et de partager leurs points de vue et leurs expériences, de créer des communautés et de s'engager sur des questions qu'elles jugent importantes, les prive de la possibilité de participer au processus décisionnel ou de l'influencer, selon le rapport.
L'influence « bonne » ou « totale » que les femmes déclarent exercer sur les décisions du ménage a considérablement diminué, passant de 90% en janvier 2023 à seulement 32% en janvier dernier.
Les femmes ont continué à faire le lien entre leur manque de droits, de perspectives d'éducation et d'emploi et le déclin de leur influence à la maison, selon le rapport.
Impact sur les garçons
Les femmes ont également souligné l'impact intergénérationnel et sexospécifique des restrictions imposées par les autorités de facto et des changements d'attitude sociale conservatrice à l'égard des enfants qui les accompagnent.
Certaines personnes interrogées ont déclaré que les garçons semblaient intérioriser la subordination sociale et politique de leurs mères et de leurs sœurs, renforçant ainsi l'idée qu'elles devaient rester à la maison dans une position de servitude.
Parallèlement, la perception qu'ont les filles de leurs perspectives d'avenir modifie leurs valeurs et leur compréhension de leur avenir et de leur potentiel, selon les conclusions de l'enquête.
Trente-deux pour cent des personnes interrogées ont déclaré que la reconnaissance internationale des autorités de facto ne devrait intervenir qu'après l'annulation de toutes les restrictions, tandis que 25% d'entre elles ont déclaré qu'elle devrait suivre l'annulation de certaines interdictions spécifiques et 28% ont déclaré que la reconnaissance ne devrait pas intervenir du tout, quelles que soient les circonstances.
En juillet 2023, une question similaire a révélé que 96% des femmes soutenaient que la reconnaissance ne devrait intervenir qu'après l'amélioration des droits des femmes ou qu'elle ne devrait pas intervenir du tout.
La meilleure façon d'aller de l'avant
Certaines personnes interrogées ont exprimé leur profonde déception à l'égard de certains États membres des Nations Unies qui, dans leurs efforts pour engager le dialogue avec les Talibans, négligent la gravité de ce qui constitue une crise sans précédent des droits des femmes et les violations du droit international qui y sont associées, sur la base des traités ratifiés par les précédents gouvernements afghans.
L’idée de lier l'aide internationale à de meilleures conditions pour les femmes et d'offrir aux femmes la possibilité de s'entretenir directement avec les Talibans, a a été citée par certaines personnes interrogées en tant que moyen pour la communauté internationale d'améliorer leur situation.