Fil d'Ariane
Les arrestations de femmes afghanes en raison du code vestimentaire doivent cesser, disent des experts
Des experts de l'ONU* ont exprimé vendredi leur profonde préoccupation face aux informations selon lesquelles de nombreuses femmes et filles en Afghanistan ont été arbitrairement détenues et soumises à des mauvais traitements depuis début janvier pour avoir prétendument violé le code vestimentaire des Talibans.
« Nous exhortons les Talibans à mettre fin à toute privation arbitraire de liberté visant les femmes et les filles sur la base du code vestimentaire strict qu'ils ont imposé, et à libérer immédiatement toutes celles qui pourraient encore être détenues », ont déclaré les experts de l'ONU dans un communiqué de presse conjoint.
Ils ont appelé les autorités de facto à respecter les obligations internationales de l’Afghanistan en matière de droits humains, notamment au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et à œuvrer en faveur du respect des principes des droits humains, de non-discrimination et de l’État de droit.
Les opérations ont initialement commencé dans l’ouest de la capitale Kaboul, une zone peuplée majoritairement de Hazara, mais se sont rapidement étendues à d’autres parties de la ville, principalement des zones peuplées de Tadjiks, et à d’autres provinces, notamment Bamiyan, Baghlan, Balkh, Daykundi et Kunduz. Des arrestations et des détentions ont eu lieu dans des lieux publics, notamment des centres commerciaux, des écoles et des marchés de rue.
« Mauvais hijab »
Des femmes et des filles ont été emmenées de force dans des véhicules de police et accusées de porter un « mauvais hijab » et détenues au secret, les Talibans ayant apparemment affirmé qu'elles portaient des vêtements colorés et serrés contre leurs instructions. En mai 2022, ils ont ordonné à toutes les femmes d’observer un « hijab approprié », de préférence en portant un chadari (un vêtement noir ample couvrant le corps et le visage) en public et ont chargé leurs proches masculins de faire respecter l’interdiction sous peine de punition.
« Des femmes et des filles auraient été détenues dans des espaces surpeuplés dans les commissariats de police, ne recevant qu'un seul repas par jour, et certaines d'entre elles auraient été soumises à des violences physiques, à des menaces et à des intimidations », ont indiqué les experts. « Elles n’ont pas bénéficié d’une représentation légale, ni d’un accès à la justice ou à une réparation ».
Ils ont noté que la libération des femmes et des filles dépendait de la condition que les membres masculins de la famille et les anciens de la communauté fournissent des assurances, souvent par écrit, qu'elles respecteraient le code vestimentaire prescrit à l'avenir.
« En plus de punir les femmes pour ce qu’elles portent, attribuer aux hommes la responsabilité de ce qu’elles portent viole le libre arbitre des femmes et perpétue un système institutionnalisé de discrimination et de contrôle sur les femmes et les filles, et diminue encore davantage leur place dans la société », ont déclaré les experts.
Violation des droits humains
Ils ont noté que si certaines femmes et filles ont été libérées après quelques heures, d'autres ont été détenues pendant des jours ou des semaines et, en raison du manque de transparence et d'accès à la justice, on ne sait pas combien d'entre elles sont toujours détenues, peut-être au secret.
« Cette vague actuelle de privation de liberté restreint encore davantage les libertés d'expression et de mouvement déjà sévèrement limitées des femmes et des filles, et viole leurs droits humains et leur capacité d'agir », ont dit les experts.
Ils ont constaté que la situation des femmes et des filles s’est considérablement détériorée depuis l’arrivée au pouvoir des Talibans en août 2021, avec des restrictions croissantes en matière d’éducation, d’emploi, d’expression, d’association, de vie privée, de mouvement, d’action et de participation à la vie publique. « Ceux qui ont imposé cette discrimination généralisée et systématique devraient être tenus responsables de leurs actes », ont-ils déclaré.
*Les experts : Richard Bennett, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan ; Reem Alsalem ; Rapporteure spéciale sur la violence contre les femmes et les filles ; Dorothy Estrada Tanck (Présidente), Claudia Flores, Ivana Krstić, Haina Lu, Mme Laura Nyirinkindi, Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles ; Ana Peláez Narváez, (Présidente), Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) ; Bandana Rana (Présidente du Groupe de travail de la CEDAW sur l'Afghanistan), Priya Gopalan (Présidente-Rapporteuse), Matthew Gillett (Vice-président chargé des communications), Miriam Estrada-Castillo, Mumba Malila, Groupe de travail sur la détention arbitraire.
NOTE
Les Rapporteurs spéciaux et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les titulaires de mandat des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l'homme pour traiter soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation. Ils servent à titre individuel et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail.