Fil d'Ariane
Hong Kong : une experte de l'ONU met en garde contre l'admission de preuves obtenues sous la torture
La Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la torture a averti mercredi contre l’admission de preuves dans l’affaire Jimmy Lai qui auraient été obtenues sous la torture et a appelé à enquêter sur ces allégations « avant que toute preuve ne soit admise dans la présente procédure ».
« Je suis profondément préoccupée par le fait que les éléments de preuve qui devraient être présentés contre Jimmy Lai dans un avenir proche pourraient avoir été obtenus par la torture ou d'autres traitements illégaux », a déclaré Alice Jill Edwards dans un communiqué publié mercredi.
La Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a écrit aux autorités chinoises afin qu’elles répondent aux allégations selon lesquelles la déposition d'un témoin clé de l'accusation dans le procès du propriétaire et rédacteur en chef d'un journal, Jimmy Lai, aurait été obtenue sous la torture.
Le recours à la chaise tigrée
Ce témoin aurait été soumis à la torture pendant sa détention à la prison de Shenzhen, en Chine continentale, en 2020-2021.
Le recours à la torture et à d'autres techniques coercitives, y compris l'utilisation de chaises fixes de contention (« chaises tigrées »), pour obtenir des aveux a été bien documenté en Chine continentale, indique Mme Edwards.
« Une enquête sur ces allégations doit être menée immédiatement, avant que toute preuve ne soit admise dans la présente procédure », a insisté l'experte.
L'article 15 de la Convention contre la torture - que la Chine a ratifiée - stipule que « toute déclaration obtenue par la torture ne peut être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n'est dans une procédure engagée contre l'auteur présumé de la torture », a-t-elle rappelé.
Appel à une enquête
Elle a souligné que « l'interdiction absolue de s'appuyer sur des preuves obtenues par la torture ou d'autres mauvais traitements dans le cadre d'une procédure est une protection fondamentale ».
« J'ai demandé instamment au gouvernement chinois d'entreprendre une enquête sur ces allégations. J'ai également rappelé à la Chine son devoir d'enquêter sur toutes les allégations de torture, de poursuivre ou d'extrader les suspects, de punir les responsables et d'offrir des voies de recours aux victimes », a affirmé la Rapporteure spéciale.
Risque de peine de prison à vie
Jimmy Lai, fondateur du journal Apple Daily, qui a été fermé en 2021, milite depuis des décennies pour la liberté d'expression, la liberté de la presse et l'espace démocratique dans la Région autonome spéciale (RAS) de Hong Kong.
Il a été arrêté en août 2020 et inculpé de sédition et de collusion avec l'étranger en vertu de la loi sur la sécurité nationale. Les accusations portent sur les déclarations publiques qu'il a faites au sujet de l'impact négatif de cette législation sur les droits et libertés fondamentaux dans la région.
S'il est reconnu coupable, Jimmy Lai risque la prison à vie. Le 22 janvier 2024, plusieurs experts de l'ONU, dont la Rapporteure spéciale sur la torture, ont appelé les autorités de la RAS de Hong Kong à abandonner toutes les charges retenues contre M. Lai et à le libérer immédiatement.
Le procès de Jimmy Lai est le deuxième intenté en vertu de la loi controversée sur la sécurité nationale. Il fait suite au procès, l'année dernière, de 47 militants pro-démocratie, qui attendent toujours un verdict.
NOTE
Les Rapporteurs spéciaux et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les titulaires de mandat des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l'homme pour traiter soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation. Ils servent à titre individuel et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail.