Fil d'Ariane
ENTRETIEN : « Au Sahel, le terrorisme est la cause principale des souffrances de la population »
Surmonter le défi du terrorisme doit être la priorité des pays de la région du Sahel si l’on veut y améliorer la situation humanitaire et répondre aux souffrances des populations affectées, estime l’envoyé de l’ONU dans la région.
Dans un entretien accordé à ONU Info alors qu’il se trouvait à New York pour faire le point de la situation dans la région devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Leonardo Santos Simão, estime que l’ONU peut aider les pays à combattre le terrorisme.
Alors que la Mission des Nations Unies au Mali, la MINUSMA, a achevé son mandat le 31 décembre 2023, à la demande des autorités de transition maliennes, Leonardo Santos Simão revient sur les relations de l’ONU avec le Mali, mais aussi sur le dialogue et la coopération avec le Burkina Faso, le Niger et la Guinée.
L’entretien a été édité pour des raisons de clarté et de longueur.
ONU Info : La Mission des Nations Unies au Mali, la MINUSMA, a récemment achevé son mandat. Quel est le rôle maintenant du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest sur le Sahel (UNOWAS) dans le cadre de la promotion de la paix et de la sécurité au Mali ?
Leonardo Santos Simão : C'est vrai que la mission de la MINUSMA est terminée, mais pas la mission des Nations Unies pour soutenir le pays. Le Mali est un membre des Nations Unies qui traverse une situation très difficile. Pour cette raison, il bénéficie d’un soutien indéfectible des Nations Unies. Il y a le soutien humanitaire mais il y a aussi les questions politiques auxquelles il faut faire face. Nous sommes encore en discussion avec le gouvernement malien parce qu'il faut respecter les choix du gouvernement malien. Comme membre des Nations Unies, le Mali a des obligations politiques. Il y a aussi les questions des droits humains, la question des femmes, de la jeunesse. Il y a pas mal de résolutions approuvées par les Nations Unies qui sont applicables au Mali. Donc nous sommes dans un processus de discuter avec le gouvernement comment aider le pays à mettre en œuvre toutes ces résolutions. Donc on peut dire que c'est un travail en cours.
ONU Info : Votre rôle est en train de changer avec le départ de la MINUSMA, est ce que vous avez prévu de vous rendre au Mali ?
Leonardo Santos Simão : Nous ne sommes pas MINISMA numéro 2. Nous avons notre mandat. C'est dans le cadre ce mandat qu’on va continuer à travailler avec le Mali de la même manière qu'on travaille avec d'autres pays. Donc ce n'est pas une réédition de la MINUSMA avec un autre nom. Il y a quelquefois des malentendus sur cela. Notre rôle est de soutenir les États membres à surmonter des difficultés, des difficultés économiques, sociales et d'autre nature. C'est dans ce cadre, dans cet esprit, qu'on va continuer à travailler avec le Mali.
ONU Info : Dans la région, il y a d'autres pays qui connaissent des transitions politiques, le Burkina Faso, le Niger, la Guinée. Où en sont le dialogue et la coopération de l'ONU avec ces pays ?
Leonardo Santos Simão : L’UNOWAS a toujours maintenu un dialogue, le contact avec ces pays. Le problème était un manque de dialogue ou l'interruption du dialogue entre chacun de ces pays et la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest). Le sommet de la CEDEAO de décembre passé a pris la décision de reprendre le dialogue avec chacun de ces pays. Donc cela va aider à améliorer l’ambiance politique, pas seulement dans les pays, mais aussi entre ces pays et la CEDEAO. Il y a un résultat qu’on peut célébrer aujourd'hui, c'est la libération du fils du Président Bazoum (du Niger) et de sa femme. Ça, c'est un résultat pratique, palpable, de cette reprise de dialogue entre la CEDEAO et dans ce cas avec le Niger.
ONU Info : Plus particulièrement le rôle de l'ONU dans ce dialogue ?
Leonardo Santos Simão : Notre rôle, quand les tensions étaient à un niveau très élevé, a consisté en encourager les uns et les autres à se parler dans le contexte que seulement le dialogue va amener les parties concernées à trouver une voie partagée pour la résolution des problèmes. Il y a un désaccord qui a été déjà établi entre la CEDEAO et chacun de ces pays, surtout le calendrier de la transition. Deux pays ont reporté cette mise en œuvre pour des raisons techniques et d'autres, mais la reprise du dialogue va trouver des solutions pratiques dans la perspective de la reprise de l’ordre constitutionnel.
ONU Info : De manière plus générale, la situation sécuritaire et humanitaire continue de se détériorer dans la région du Sahel. Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour inverser cette tendance ?
Leonardo Santos Simão : Nous avons fait un appel au Conseil de sécurité, et dans nos entretiens avec d'autres entités, sur la nécessité d'augmenter le soutien humanitaire dans la région. Il y a un besoin croissant de soutien humanitaire d'un côté. Mais on voit aussi qu'il y a une diminution des apports humanitaires. Il faut donc changer cette situation, particulièrement en ce qui concerne les femmes et les enfants. Mais la solution pour les questions humanitaires, c'est la lutte contre le terrorisme. C'est pour cette raison que nous avons partagé avec le Conseil que, à notre avis, la principale priorité pour la région, c'est le combat contre le terrorisme et parce que le terrorisme, c'est la cause principale de tous ces souffrances des populations de la région.
ONU Info : Dans ce domaine, qu'est-ce que l'ONU peut apporter ?
Leonardo Santos Simão : L'ONU peut continuer à mobiliser les États membres à faire leur contribution vers l'augmentation du soutien humanitaire dans les pays, Il faut que les États membres et d'autres organisations internationales aident les pays à surmonter ce défi majeur.
ONU Info : Concernant la situation en Guinée-Bissau, quelles sont les mesures immédiates pour résoudre la crise actuelle et quels sont les messages que l'ONU transmet aux acteurs politiques en Guinée-Bissau ?
Leonardo Santos Simão : En Guinée-Bissau, il y avait un Parlement élu l'année passée et qui a été dissout par le Président. Donc il faut trouver les moyens, les formes de rétablir une légalité constitutionnelle dans le pays. La Guinée-Bissau est membre des Nations Unies, est membre de la CEDEAO, est membre de la l’Union africaine. Et dans tous ces pays, il y a un accord sur l’organisation politique des États. Donc il faut reprendre cette légalité constitutionnelle en Guinée-Bissau.