Fil d'Ariane
Toute tentative visant à modifier la composition démographique de Gaza doit être rejetée, affirme l’ONU
Exprimant son inquiétude concernant les récentes déclarations de ministres israéliens encourageant le transfert massif de civils de Gaza vers des pays tiers, le chef de l’humanitaire de l’ONU a souligné vendredi que toute tentative visant à modifier la composition démographique de Gaza doit être fermement rejetée.
Martin Griffiths s’exprimait lors d’une réunion du Conseil de sécurité consacrée aux inquiétudes sur le déplacement forcé de Palestiniens à Gaza, à la demande de l’Algérie, nouvel Etat membre du Conseil.
Le Coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, a déclaré aux membres du Conseil de sécurité que ce qui se déroule en Israël et à Gaza est une guerre menée « sans presque aucun égard » pour l'impact sur les civils. Les opérations militaires incessantes se poursuivent à Gaza, faisant des dizaines de milliers de morts et de blessés – en majorité des femmes et des enfants.
« Nous pouvons le constater dans le déplacement forcé de 1,9 million de civils, soit un chiffre stupéfiant de 85% de la population totale, traumatisés et contraints de fuir encore et encore sous la pluie de bombes et de missiles, et nous pouvons le constater dans les conditions épouvantables qui règnent sur le terrain : les abris débordent, la nourriture et l’eau s’épuisent, avec un risque de famine qui s’accroît de jour en jour », a-t-il déclaré.
Un système de santé dévasté
Il a noté que le système de santé était dévasté, alors que l'hiver apporte un froid glacial qui exacerbe la lutte pour la survie. Il est donc d'autant plus déplorable que des installations essentielles à la survie de la population civile soient la cible d'attaques incessantes, a-t-il déclaré.
Les ordres d'évacuation sont incessants. À mesure que les opérations terrestres israéliennes se déplacent vers le sud de Gaza, les bombardements aériens se sont intensifiés dans les zones où il était demandé aux civils de se réinstaller pour leur sécurité.
De plus en plus de personnes sont entassées sur une parcelle de terre de plus en plus petite, pour se retrouver confrontées à davantage de violence et de privations, à des logements inadéquats et à une quasi-absence des services les plus élémentaires.
« Il n’y a aucun endroit sûr à Gaza », a déclaré le chef de l'humanitaire de l'ONU. « Une vie humaine digne est quasiment impossible ».
Il a poursuivi en affirmant que les efforts visant à envoyer des convois humanitaires vers le Nord se sont heurtés à des retards, à des refus et à l'imposition de conditions impossibles.
« Fournir une aide humanitaire à Gaza est presque impossible », a-t-il affirmé.
Crainte concernant les projets de transfert massif
Dans ces circonstances, la propagation des hostilités plus au sud augmenterait considérablement la pression en faveur du déplacement massif de personnes vers les pays voisins, a-t-il déclaré.
« Je tiens à souligner que toute personne déplacée de Gaza doit être autorisée à rentrer, comme l'exige le droit international », a-t-il déclaré, exprimant sa profonde inquiétude face aux récentes déclarations de ministres israéliens concernant les projets visant à encourager le transfert massif de civils de Gaza vers des pays tiers, actuellement appelé « délocalisation volontaire ».
Toute tentative visant à modifier la composition démographique de Gaza doit être fermement rejetée, a déclaré Martin Griffiths.
Alors que Gaza est l’épicentre de cette crise, il a appelé à ne pas oublier les 1.200 personnes tuées, les milliers de blessés et les centaines de victimes lors de l’attaque brutale du Hamas et d’autres groupes armés contre Israël le 7 octobre, ainsi que les récits de violences sexuelles odieuses ».
Plus de 100.000 personnes ont été déplacées en Israël à la suite de l'attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas et d'autres groupes armés et en raison des tirs de roquettes continus provenant de groupes armés à Gaza et au Liban.
Un transfert forcé serait un crime de guerre
De son côté, Ilze Brands Kehris, Sous-Secrétaire générale des Nations Unies aux droits de l'homme, a mentionné le déplacement initié le 12 octobre lorsque les autorités israéliennes ont ordonné aux Palestiniens au nord de Wadi Gaza de se déplacer vers le sud.
Même si Israël prétendait que c'était pour des raisons de sécurité, Mme Kehris a fait part de ses inquiétudes quant au respect du droit international, suggérant de potentiels crimes de guerre.
« De telles évacuations forcées, qui ne remplissent pas les conditions nécessaires à la légalité, constituent donc potentiellement un transfert forcé, un crime de guerre », a-t-elle dit. « En fait, ces ordres ont souvent prêté à confusion, exigeant que les civils se déplacent vers des 'zones humanitaires' ou des 'abris connus', bien que de nombreuses zones de ce type aient été par la suite visées par des frappes lors d'opérations militaires israéliennes et l'absence de toute capacité dans les refuges pour accueillir plus de personnes ».
Mme Kehris a en outre informé les ambassadeurs d’une augmentation « dramatique » de la violence de la part des colons israéliens et du personnel de sécurité israélien en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et des déclarations de certains membres des dirigeants israéliens appelant à la réinstallation permanente des Palestiniens à l’étranger.
De telles déclarations ont « renforcé les craintes que les Palestiniens soient délibérément forcés de quitter Gaza et ne puissent pas y retourner… cela ne doit pas être autorisé », a-t-elle déclaré.
Besoin d'une solution durable
En conclusion, Mme Kehris a souligné la nécessité immédiate d'un cessez-le-feu et de la libération inconditionnelle des otages, étapes cruciales vers une solution durable.
« Nous devons également nous tourner vers la suite. Cette violence actuelle s'inscrit dans le contexte de décennies de violations des droits de l'homme », a-t-elle dit, ajoutant que pour toute solution durable à la crise, il faut s'attaquer aux causes profondes sous-jacentes, notamment « la reddition des comptes pour les violations commises le 7 octobre et depuis, et pendant plusieurs années auparavant ».
« Garantir la justice et garantir que les droits de tous les peuples – tant palestinien qu’israélien – soient respectés et protégés est la seule base sur laquelle une paix durable peut être construite », a-t-elle affirmé