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Russie : la disparition forcée de Navalny suscite de vives inquiétudes, selon une experte de l’ONU

La Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie, Mariana Katzarova, a fait part vendredi aux autorités russes de ses préoccupations concernant la disparition forcée d'Alexeï Navalny, figure de l'opposition russe de premier plan, dont on ignore où il se trouve depuis plus de 10 jours, notamment parce qu'il ne s'est pas présenté à une audience prévue vendredi dernier. 

« Je suis très préoccupée par le fait que les autorités russes ne divulguent pas le lieu où se trouve M. Navalny non d’information sur son état de santé pendant une période aussi prolongée, ce qui s'apparente à une disparition forcée », s’est-elle inquiétée.

Persistance des mauvais traitements

« J'ai appris que l'audience sur les violations des droits de l’homme en détention à l’encontre de M. Navalny, prévue vendredi, n'a pas eu lieu. Les avocats de M. Navalny, qui n'ont pas pu le rencontrer depuis le 6 décembre, ont été informés par le tribunal que leur client n'était plus détenu dans la région de Vladimir, sans fournir d'autres détails », a indiqué Mme Katzarova. 

L'experte s'est dit préoccupée par la persistance des mauvais traitements infligés à M. Navalny en détention et par le manque d'accès à des soins médicaux adéquats depuis le 17 janvier 2021, « ce qui a eu pour effet d'aggraver son état de santé et de mettre sa vie en péril ».

La famille et les avocats de M. Navalny ont envoyé des lettres à toutes les colonies pénitentiaires pour tenter de savoir où il se trouve. Ils ont reçu une première information selon laquelle il pourrait se trouver dans une colonie pénitentiaire d'Omsk, mais cette information a été rejetée par la suite. 

« Abus flagrant » du système judiciaire à des fins politiques

« On se prépare à le transférer dans une colonie pénitentiaire au régime plus sévère après qu'il a été condamné le 4 août 2023 à 19 ans supplémentaires pour des accusations d'« extrémisme » sans fondement », a déclaré la rapporteure spéciale, en avertissant que les détenus sont les plus vulnérables pendant le transport, ce qui entraîne des risques élevés de graves violations des droits de l'homme. 

« La persécution pénale implacable de M. Navalny a été largement condamnée au niveau international, ce qui témoigne d'un abus flagrant du système judiciaire à des fins politiques », a rappelé l’experte.

En outre, le 13 octobre 2023, trois des avocats de M. Navalny ont été arrêtés pour « extrémisme » et risquent à présent d'être eux-mêmes condamnés à une longue peine d'emprisonnement. 

Avec l'arrestation de ses avocats, les autorités russes ont tenté de priver M. Navalny de tout contact et de toute communication au-delà des limites de la prison, ainsi que de le priver de son droit à la défense, a par ailleurs dénoncé Mme Katzarova. 

« Ces mesures s'inscrivent dans un contexte de persécution persistante des avocats spécialisés dans la défense des droits de l'homme dans la Fédération de Russie, qui représentent des voix dissidentes, et d'utilisation dangereuse des accusations d' « extrémisme » dans des affaires motivées par des considérations politiques », a-t-elle souligné. 

Libération immédiate

« J'appelle les autorités russes à respecter leurs obligations internationales en matière de droits de l'homme. Le terme « extrémisme » n'a aucun fondement dans le droit international, et lorsqu'il déclenche la responsabilité pénale, il constitue une violation des droits de l'homme qui doit être condamnée », a déclaré l'experte indépendante de l'ONU. 

« M. Navalny et toutes les personnes détenues arbitrairement devraient être libérés immédiatement et bénéficier de recours et de réparations pour tous les préjudices subis, conformément aux obligations internationales en matière de droits de l'homme », a conclu la rapporteure spéciale.

 

 

NOTE

Les Experts indépendants et Rapporteurs spéciaux font partie de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde.

Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.