Fil d'Ariane
« Chaque jour, les Haïtiens font face aux risques d’être tués, kidnappés, ou violés », déplore l’ONU
Les Haïtiens vivent un période très douloureuse, a affirmé vendredi la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général au Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et Coordonnatrice résidente, Ulrika Richardson, au terme d’une semaine de plaidoyer en Europe.
Les Haïtiens estiment vivre aujourd’hui la situation la plus difficile de l’histoire moderne, a indiqué Mme Richardson, qui a tenu une conférence de presse à Genève et est intervenue au micro d’ONU Info.
« Chaque jour, les Haïtiens font face aux risques d’être tués, kidnappés, ou violés. Quand ils traversent la rue, ils ont la peur de leur vie », a-t-elle expliqué.
Les femmes et enfants principales victimes des violences
Cette situation de violence extrême est la conséquence des activités des 300 gangs, actifs principalement dans la capitale, qui font régner un climat de terreur, a précisé la Coordonnatrice de l’ONU en Haiti.
Selon les informations récentes du BINUH, près de 80% de la région de la capitale Port-au-Prince est soit sous l'influence de gangs armés, soit directement contrôlée par eux.
« Ces gangs sont très armés, et forment des coalitions entre eux avec une certaine stratégie et un savoir faire qui rend la situation très complexe », a déploré Mme Richardson.
Les femmes et les enfants sont les principales victimes des violences. Les gangs recrutent des mineurs pour leurs opérations, notamment comme informateurs ou comme gardiens des personnes kidnappées, a-t-elle expliqué.
Les groupes armés ont aussi recours au viol brutal et collectif contre les femmes comme arme de guerre. Une étude menée à Cité-Soleil, une commune de plus de 240.000 habitants, sur l'incidence des violences sexuelles et sexistes, publiée en mai dernier, a ainsi révélé que 80% des femmes et des filles interrogées avaient subi une ou plusieurs formes de violences sexuelles et sexistes.
200.000 personnes déplacées
Les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme confirment la recrudescence des violences. Cette année, jusqu’à aujourd’hui, plus de 8.000 personnes ont été tuées, blessées ou enlevées, dépassant de loin le nombre de victimes de toute l'année 2022.
Les capacités de l’Etat étant limitées, ces victimes ne peuvent pas compter sur la justice haïtienne qui est très « affaiblie », ce qui signifie que la plupart de ces crimes restent impunis, a regretté Ulrika Richardson.
Selon les dernières estimations de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), près de 200.000 personnes ont été déplacées en raison de la violence au cours de l'année écoulée, dont plus de 143.000 dans la seule région de Port-au-Prince.
Outre la question sécuritaire, le BINUH craint aussi que l’ensemble du système de santé haïtien soit au bord de l'effondrement. Les établissements de santé luttent aujourd’hui pour rester ouverts en raison d'un manque de financement et d'un exode du personnel qualifié.
Réaction de solidarité
Par ailleurs, l'éducation de millions d'enfants est menacée. Pour des milliers d'élèves, 2023 marque la 4e année consécutive d'interruption de l'année scolaire en raison de la COVID-19 et du blocage des salaires, a déploré Mme Richardson devant les journalistes à Genève.
Cette semaine la Représentante spéciale adjointe est passée par Bruxelles, Berlin et Genève pour s’assurer du soutien de la communauté internationale afin qu’elle continue à soutenir Haïti.
Elle a indiqué que les réponses qu’elle a reçues ont été « très positives ». « Les pays confirment et reconfirment leur intention de rester engagés en Haïti. Il y a une préoccupation qui provoque une réaction de solidarité », s’est-elle félicitée.
« Avec des investissements appropriés et durables, nous pouvons permettre à Haïti d'être à nouveau un symbole de liberté, de dignité et de prospérité pour le monde », a conclu Mme Richardson.
Déploiement d’une force multinationale d’appui la sécurité
Pour relever le défi sécuritaire, à la demande du gouvernement haïtien, le Conseil de sécurité a autorisé le 2 octobre dernier le déploiement d’une force multinationale d’appui la sécurité – non-onusienne - qui viendra en renfort de la police haïtienne pour tenter de diminuer la violence et neutraliser les gangs. Le gouvernement kenyan a déjà annoncé la venue d’environ 1.000 policiers tandis que le Sénégal, le Burundi et des pays d’Amérique latine ont exprimé leur intention, eux-aussi, d’envoyer des contingents.
En fin de journée jeudi, le Secrétaire général des Nations Unies, par l'intermédiaire de son porte-parole, a indiqué qu’il « attend avec intérêt la poursuite des préparatifs en vue du déploiement urgent d'un soutien sécuritaire à la police nationale d'Haïti, par le biais d'une mission multinationale d'appui à la sécurité, tel qu'autorisée par la résolution 2699 (2023) ».
António Guterres a affirmé qu’il était préoccupé « par les progrès limités du dialogue inter-haïtien vers une solution politique durable et inclusive pour restaurer les institutions démocratiques du pays ».
Le chef de l’ONU a exprimé son plein soutien aux efforts du Groupe de personnalités éminentes de la CARICOM (Communauté des Caraïbes) et du BINUH pour faciliter des solutions durables et appropriées par les acteurs nationaux à la crise politique en Haïti.
Le Secrétaire général a souligné l'importance d'un accord sur la restauration des institutions démocratiques – prévoyant des élections crédibles, participatives et inclusives – pour parvenir à un État de droit et à une sécurité durable. Il appelle l'ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Haïti à se rassembler et à parvenir en priorité à un large consensus.