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En RDC, Julienne Lusenge veut créer « un monde harmonieux où les hommes et les femmes se respectent »

La militante congolaise Julienne Lusenge, une des lauréates du Prix des droits de l’homme de l’ONU 2023, aimerait créer dans son pays, la République démocratique du Congo, « un monde harmonieux où les hommes et les femmes se respectent ». 

Julienne Lusenge a été reconnue pour sa contribution aux droits humains des femmes dans son pays depuis plus de 30 ans. De la prévention et de la réduction de la violence sexuelle et sexiste au renforcement de la participation et du leadership des femmes dans la consolidation de la paix, l'engagement politique et la société civile, cette militante, qui a notamment dénoncé les viols comme arme de guerre, mène un combat sans relâche. 

Elle est Directrice exécutive du Fonds pour les femmes congolaises (FFC) et cofondatrice et présidente de l'ONG Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI), une organisation basée dans la province de l'Ituri pour promouvoir et défendre les droits des femmes et des filles. Elle est aussi membre du Conseil d’administration du Fonds volontaire des Nations Unies contre la torture.

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Etre la porte-parole des femmes congolaises 

« Dans un pays en conflit, ce n’est pas facile de promouvoir les droits et la justice et donc c’est ce travail pénible que nous menons avec les autres femmes qui a été reconnu par les Nations Unies. Ça nous donne encore plus d'énergie pour continuer à promouvoir les droits humains », a-t-elle expliqué dans un entretien avec Byobe Malenga, correspondant d’ONU Info kiswahili, basé à Kinshasa, en RDC. 

Interrogée sur ce qui l’a motivé à s’impliquer dans la défense des droits des femmes, elle raconte que quand elle était en reportage comme journaliste dans des villages, elle a vu des femmes « qui n'acceptaient pas les conditions dans lesquelles les coutumes les mettaient ». 

« Elles voulaient changer leur situation mais n'avaient pas la parole, n'avaient pas d’endroits où s'exprimer. Et donc je me suis dit : je dois être la porte-parole de ces femmes, parce que moi j'ai été éduquée par un père qui me donnait la possibilité de m'exprimer et qui écoutait mes opinions, mes arguments. Je dois faire quelque chose pour ces femmes, pour leur créer des espaces où elles peuvent s'exprimer, où elles peuvent se faire écouter », raconte-t-elle. 

Alphonsine Masika (à gauche) et Grace Kurate (à droite) sont les bénéficiaires d'un projet de la SOFEPADI.
UN/George Musubao
Alphonsine Masika (à gauche) et Grace Kurate (à droite) sont les bénéficiaires d'un projet de la SOFEPADI.

Changer les coutumes rétrogrades 

Elle a donc décidé de travailler avec ces femmes « pour changer les coutumes rétrogrades qui avilissent les femmes et pour lutter contre les violences, l'impunité du crime, des violences faites aux femmes ». Elle s’est battue « pour cette cause noble », car elle aimerait bien « arriver plus tard à créer un monde harmonieux en RDC où les hommes et les femmes se respectent et travaillent dans l'équité, dans l'égalité, pour le développement de notre pays ». 

Dans son combat, Julienne Lusenge fait de son mieux pour « être un modèle ». 

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« J'ai pris beaucoup de risques, j’ai mis ma famille en danger pour que les femmes puissent accéder à la justice au niveau national, mais aussi au niveau international », souligne la militante congolaise. « Ça m'a coûté beaucoup de choses. Ma famille a été menacée, moi-même j'ai été menacée. On a tout perdu. Notre maison a été pillée. Mais cela ne m'a pas arrêté parce que j'ai été soutenue par ma famille, mon mari et mes enfants qui me disaient quand je culpabilisais de voir comment on a perdu tout : ‘Non, tu fais un bon travail. Faciliter la justice pour les femmes, c'est un grand travail. Nous devons t’accompagner et nous te soutenons’ ». 

Sa famille lui a rappelé les femmes qui ont été battues, attaquées, agressées pour lutter contre l’impunité. « Il y a une des collègues qui a été découpée par des coups de machettes par les milices parce qu’on a travaillé avec elle pour lutter contre l'impunité des crimes graves, des violences sexuelles dans les conflits », souligne Julienne Lusenge.

Trouver des financements 

Selon elle, ce sont tous ces efforts des femmes qu’elle doit continuer à porter pour aller de l’avant. « C'est ce que je fais chaque jour, je dois trouver le financement pour que ces petites organisations qui travaillent dans les communautés puissent arriver à réaliser réellement la transformation qu'elles veulent apporter dans les communautés », dit-elle. 

Interrogée sur les réussites dont elle est fière, elle note en particulier les procès gagnés, « plus de 800 dossiers gagnés ». 

« Nous avons réussi à participer à l'élaboration des textes de loi. Nous avons réussi à travailler pour la paix pour restaurer la paix, former les femmes sur les résolutions des conflits. Nous avons réussi à former les jeunes filles », ajoute-t-elle. « Aujourd'hui elles parlent d'elles mêmes. Elles dénoncent les crimes des violences sexuelles. Elles savent ce qu’elles doivent faire s'il y a un tel acte qui est posé sur leur corps. Et elles vont aussi sensibiliser les autres jeunes filles ». 

Julienne Lusenge se félicite aussi du centre médical qui fonctionne à Bunia, dans la province de l’Ituri. Il n'a pas été facile à mettre en place. Il a fallu « mobiliser les ressources chaque jour pour faire soigner plus de 600 femmes qui nous arrivent par mois pour être soignées ». 

Elle met en avant le nombre d’enfants nés du viol qui ont été « accompagnés dès la grossesse, l'école maternelle, l'école primaire, l'école secondaire,... jusqu'à l'université ». « Et ces filles ont terminé. Elles ont aujourd'hui leur diplôme d’université », précise-t-elle. 

Malgré la reconnaissance internationale, elle dit garder les pieds sur terre. « Je reste Julienne, je reste maman Julienne, et je suis accessible », explique-t-elle, ajoutant qu’elle aide à mobiliser les ressources, pour des projets d’autres organisations. 

Prix décerné pour la 1ère fois en 1968 

Les lauréats du Prix des droits de l’homme de l’ONU 2023 ont été annoncés en juillet et une cérémonie est prévue au Siège des Nations Unies à New York dans le cadre des activités de commémoration de la Journée des droits de l'homme, le 10 décembre. 

Le Prix, créé par l'Assemblée générale en 1966, a été décerné pour la première fois en 1968. Il est décerné tous les cinq ans pour « des réalisations exceptionnelles dans le domaine des droits de l'homme ».