Fil d'Ariane
COP28 : l’UNESCO met en garde contre les risques éthiques de l'ingénierie climatique
A la veille de la Conférence des Nations Unies sur le climat, la COP28, l'UNESCO a publié mercredi son premier rapport sur l'éthique de l'ingénierie climatique, qui évalue les risques et les opportunités de ces nouvelles technologies de manipulation et de modification du climat et formule des recommandations concrètes en matière de recherche et de gouvernance.
Alors que le dérèglement climatique se poursuit à un rythme alarmant et que l'humanité ne parvient pas à atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2, l'ingénierie climatique - également appelée géo-ingénierie - suscite un intérêt grandissant.
Or, avertit l’UNESCO, à grande échelle, ces technologies représentent à la fois une immense promesse et des risques pour les écosystèmes de la planète.
« Face à l'urgence climatique, nous devons envisager toutes les options possibles, y compris l'ingénierie climatique. Mais sa mise en œuvre ne doit pas se faire au détriment des engagements de l’Accord de Paris, ni sans un cadre éthique clairement établi », a fait valoir la Sous-Directrice générale de l'UNESCO pour les Sciences sociales et humaines, Gabriela Ramos.
Le rapport de la Commission mondiale d'éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) de l'UNESCO propose ainsi une réflexion globale sur ces technologies et formule des recommandations quant à leur éventuelle utilisation.
Elimination du dioxyde de carbone et modification du rayonnement solaire
Les technologies de la géo-ingénierie sont très diverses en termes de coût et d’efficacité, selon l’UNESCO. Elle se classent en deux grandes catégories.
D’une part, l'élimination du dioxyde de carbone, consiste à extraire le carbone de l'atmosphère, en construisant par exemple des infrastructures industrielles de captage du carbone ou en faisant pousser davantage d'arbres pour absorber naturellement le CO2.
Par ailleurs, la modification du rayonnement solaire, consiste à renvoyer la lumière du soleil vers l'espace, en injectant par exemple des aérosols dans la stratosphère ou en peignant les toits de couleurs claires.
« L'ingénierie climatique peut être risquée, dans ses interactions avec le climat. Elle peut aussi, potentiellement, exacerber les risques existants et en créer de nouveaux », a mis en garde la Présidente de la Commission mondiale d'éthique des connaissances scientifiques et des technologies de l'UNESCO, Emma Ruttkamp-Bloem.
L'ingénierie climatique pourrait « compromettre les politiques climatiques existantes » et freiner le financement de mesures essentielles à la réduction des émissions de CO2 ainsi que les efforts d'adaptation au dérèglement climatique, souligne le rapport.
Le coût élevé du développement et du déploiement de ces technologies pourrait également aggraver les inégalités á l’échèle mondiale : les pays les plus riches seraient susceptibles d’utiliser ces technologies là où les pays les moins favorisés n'en auraient pas les capacités financières et pourraient en subir les conséquences, pointe l’UNESCO.
Les dispositifs de géo-ingénierie « pourraient également être utilisés à des fins militaires ou géopolitiques, ce qui nécessite un renforcement des efforts mondiaux pour leur gouvernance ».
Mieux identifier et réduire les incertitudes avant tout
Les experts soulignent également qu’en l’état actuel des connaissances, encore lacunaires, nous ne pouvons pas compter sur ces technologies pour apporter une contribution significative à la réalisation des objectifs climatiques.
Faute de recul, l’évaluation de l’impact de ces technologies sur le climat demeure partielle. Elles pourraient par exemple provoquer des réactions en chaîne et comporter des risques considérables pour les humains, les océans, les températures et la biodiversité.
Créer une dépendance vis-à-vis des technologies d’ingénierie climatique pose aussi la question de savoir quand et comment ces technologies seront progressivement supprimées, ainsi que l’impact de leur suppression.
Par conséquent, tout programme de recherche sur l'ingénierie climatique doit, avant tout, mieux identifier et réduire les incertitudes liées aux actions sur le climat.
« Avant de développer ces nouvelles technologies, nous devons pleinement mesurer leurs conséquences et leurs implications éthiques. Tout débat sur l'ingénierie climatique doit être à la fois éthique et politique, reflétant les intérêts divergents des différentes régions et communautés du monde », a déclaré Mme Ruttkamp-Bloem.
Les recommandations de l'UNESCO
Le rapport formule plusieurs recommandations en matière de recherche et de gouvernance, y compris les suivantes :
Les États ont une obligation légale de protection. Ils doivent donc se doter d’une législation réglementant ces nouvelles formes d’actions sur le climat.
La recherche scientifique sur l'ingénierie climatique doit s’appuyer sur des normes éthiques claires et conformes au droit international.
Les pays doivent tenir compte de l'impact transfrontalier de leurs décisions en matière d’ingénierie climatique.
Le défi de gouvernance que représente la mise en œuvre de l’ingénierie climatique à l'échelle mondiale nécessite une collaboration ouverte et responsable entre tous les pays, ainsi qu'un système de suivi et de contrôle permanent.
Les communautés marginalisées les plus exposées au dérèglement climatique et à ses conséquences, doivent être pleinement prises en compte et impliquées dans les procédures d’ingénierie climatique.
L’UNESCO compte présenter son rapport et ses conclusions à ses 194 États membres, afin que ce sujet crucial soit pris en compte dans les discussions intergouvernementales lors de la COP28.
L’UNESCO compte notamment œuvrer avec ses États membres à la mise en place d'un tel cadre éthique, a affirmé la Sous-Directrice générale de l'UNESCO pour les Sciences sociales et humaines, Gabriela Ramos..