Fil d'Ariane
Le chef de l’ONU fait le lien entre conflits et retards de développement
Neuf des 10 pays ayant les indices de développement humain les plus faibles au monde ont connu des conflits ou des violences pendant la décennie écoulée, a relevé le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, ce lundi devant le Conseil de sécurité.
« Plus un pays est proche d’un conflit, plus il s’éloigne d’un développement durable et inclusif », a-t-il raisonné devant les délégations du Conseil réunies pour une session dédiée à la promotion d’une paix durable par le développement commun.
Le chef de l’ONU a observé que les inégalités et l’absence de perspectives, d’emplois décents et de liberté, pouvaient « engendrer la colère et soulever le spectre de la violence et de l’instabilité ». Or aucun échec n’est pire que l’impossibilité de prévenir un conflit, et les acquis du développement sont souvent les premières victimes de la guerre, a‑t‑il fait remarquer.
M. Guterres a aussi noté que la faiblesse des institutions et la corruption augmentaient le risque de conflits, tout comme le chaos climatique et la dégradation de l’environnement amplifiaient les crises.
La criminalité organisée, l’extrémisme violent et les groupes terroristes trouvent un terreau fertile dans ces environnements, effilochant le tissu social, accentuant davantage les insécurités et affaiblissant une gouvernance effective, alors qu’au contraire, « le développement humain éclaire la voie de l’espoir et favorise la prévention, la sécurité et la paix », ce qui implique que l’avancée de la paix et la progression d’un développement durable et inclusif vont de pair.
Urgence et ambition
Alors que 85% des cibles liées aux objectifs de développement durable « ne sont pas en bonne voie », M. Guterres a exhorté à « agir de façon beaucoup plus urgente et ambitieuse ».
Mettant en avant le « Nouvel Agenda pour la paix » de l’ONU, qui présente une vision pour prévenir les conflits, pérenniser la paix et promouvoir le développement pour toutes et tous, M. Guterres s’est félicité de l’adoption, en septembre dernier, de la Déclaration politique issue du Sommet sur les objectifs de développement durable et de l’engagement commun pris par les États Membres de mettre en œuvre « des mesures audacieuses, ambitieuses, régulières, justes et transformatrices, ancrées dans la solidarité internationale, et une coopération efficace à tous les niveaux ».
Le chef de l’ONU a aussi incité à « abandonner la logique de la concurrence à somme nulle », vouée à l’échec selon lui, pour un réengagement dans la voie de la coopération et pour trouver le courage de faire des compromis.
Réguler davantage la finance internationale
La pauvreté à elle seule n’explique pas la violence, a réagi Dilma Rousseff, qui préside la Nouvelle Banque de développement - la banque des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais elle a ajouté toutefois que l’exclusion sociale, politique et économique peut alimenter les conflits.
Soulignant la nécessité d’un développement technologiquement inclusif et dénonçant la concentration croissante des richesses entre les mains d’une minorité, l'ancienne Présidente du Brésil a plaidé pour une plus forte régulation de la finance internationale, les mesures réglementaires préconisées après la crise financière de 2008-2009 n’ayant pas réussi à empêcher l’apparition de nouvelles bulles spéculatives.
Pointant aussi la nécessité d’un consensus entre les pays développés et les pays en développement, elle a relevé que de nombreux pays n’ont pas atteint la troisième révolution industrielle et technologique et souligné combien le fossé technologique et la fracture numérique créent des inégalités.
Financer le développement en ponctionnant les dépenses militaires
Les guerres dévastant actuellement d’immenses parties du globe peuvent paraître insolubles alors qu’en réalité, un seul accord pleinement appliqué du Conseil de sécurité pourrait suffire à y mettre un terme, a pour sa part observé le Président du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations Unies et Directeur du Centre pour le développement durable de l’Université de Columbia, Jeffrey Sachs.
Un tel accord devrait, selon lui, viser à ce que les membres permanents du Conseil s’attaquent aux facteurs socioéconomiques sous-jacents des guerres en Ukraine, au Moyen-Orient, en Syrie et au Sahel. L’universitaire a plaidé pour la création d’un nouveau fonds pour la paix et la sécurité afin d’aider l’Ukraine et les autres zones en guerre à entrevoir une reconstruction à long terme et le retour du développement.
Pour casser la logique des violences et des coups d’État à répétition, M. Sachs a plaidé pour la création d’un fonds pour la paix et le développement financé sur les dépenses militaires des membres permanents du Conseil de sécurité.
« En consacrant 10% de ces dépenses, le fonds pourrait allouer 60 milliards de dollars par an à la stabilité économique dans les régions en proie aux guerres », a-t-il affirmé, voyant dans cette approche le meilleur rempart au terrorisme et à l’extrême pauvreté endémique.