Fil d'Ariane
La CIJ ordonne à la Syrie de prendre des mesures pour prévenir la torture
La Cour internationale de Justice (CIJ), l’organe judiciaire principal de l’ONU, a ordonné jeudi à la Syrie de prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir les actes de torture et autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Composée de quinze juges, élus pour un mandat de neuf ans, la CIJ, qui est installée à La Haye, aux Pays-Bas, a une double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les États et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui peuvent lui être soumises.
Mesures conservatoires
Dans son ordonnance de jeudi, qui a un caractère obligatoire, la Cour indique, par treize voix contre deux, les mesures conservatoires suivantes :
« La République arabe syrienne doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir les actes de torture et autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de veiller à ce qu’aucun de ses représentants, ni aucune organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle, son autorité ou son influence ne commette d’actes de torture ou d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
POUR : Mme Donoghue, présidente ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; CONTRE : M. Gevorgian, vice-président ; Mme Xue, juge ;
En outre, par treize voix contre deux, la CIJ affirme que « la République arabe syrienne doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation de tous les éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
POUR : Mme Donoghue, présidente ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; CONTRE : M. Gevorgian, vice-président ; Mme Xue, juge.
Requête soumise par le Canada et les Pays-Bas
La Cour internationale de Justice a rendu son ordonnance après que le Canada et les Pays-Bas ont déposé en juin une requête conjointe visant à engager une procédure contre la Syrie pour violations présumées de la Convention contre la torture.
Dans leur requête, le Canada et les Pays-Bas affirment que la « Syrie a commis d’innombrables violations du droit international, qui ont commencé en 2011 au moins, avec la répression violente de manifestations civiles, et se sont poursuivies lorsque la situation du pays a dégénéré en un conflit armé prolongé ». Ils avancent que parmi « ces violations figure le recours à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
En même temps que la requête, le Canada et les Pays-Bas ont déposé une demande en indication de mesures conservatoires pour « préserver et protéger les droits qui leur sont dus au titre de la convention contre la torture, que la Syrie continue de violer, et protéger la vie et l’intégrité physique et mentale des personnes qui, en Syrie, sont actuellement soumises à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou risquent de l’être ».
Une ordonnance « historique »
La Commission d'enquête des Nations Unies sur la Syrie a salué jeudi « l'ordonnance historique » rendue ce jeudi par la Cour internationale de Justice.
« Il s'agit d'une décision historique de la part du plus haut tribunal du monde visant à mettre un terme à la torture, aux disparitions forcées et aux décès dans les centres de détention syriens », a déclaré le Président de la Commission d’enquête, Paulo Pinheiro. « De telles violations sont l’une des caractéristiques du conflit syrien depuis 12 ans – et en constituent l’une des principales causes profondes ».
« Des millions de Syriens sont toujours à la recherche de leurs proches disparus », a dit Hanny Megally, membre de la Commission d’enquête. « Les mesures provisoires prononcées aujourd'hui sont conformes aux recommandations que notre Commission formule depuis plus d'une décennie. Il est grand temps que le gouvernement prenne ces mesures. Les détenus, les survivants et leurs familles ne méritent rien de moins ».