Fil d'Ariane
A Gaza, « aucun endroit n’est sûr », explique le chef de l’UNRWA au Conseil de sécurité
Après quatre tentatives infructueuses pour parvenir à un consensus sur une résolution sur Gaza, le Conseil de sécurité de l’ONU s'est à nouveau réuni lundi après-midi pour discuter de la crise en cours, dans un contexte d’intensification des opérations et des bombardements israéliens.
Cette réunion d’urgence a eu lieu à la demande des Émirats arabes unis, seul pays arabe parmi les 15 membres du Conseil, après qu’Israël a étendu ses opérations à Gaza au cours du weekend.
Le chef de l'agence des Nations Unies d'aide aux réfugiés de Palestine (UNRWA), Philippe Lazzarini, la cheffe du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Catherine Russell, et une haute responsable du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), Lisa Doughten (au nom du chef des secours Martin Griffiths), ont informé les ambassadeurs de la situation dans l'enclave palestinienne.
« Aucun endroit n’est sûr »
Philippe Lazzarini a déclaré que le niveau de destruction à travers Gaza « est sans précédent ».
Bien que les autorités israéliennes aient ordonné à la moitié de la population de Gaza d'évacuer vers le sud, un nombre important de Gazaouis ont été tués alors qu'ils cherchaient refuge.
« Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le répète : aucun endroit n'est sûr à Gaza », a déclaré le chef de l'UNRWA. Ce « déplacement forcé » a obligé plus de 670.000 personnes à trouver refuge dans des écoles et des sous-sols surpeuplés de l’UNRWA.
Il a noté que près de 70% des personnes tuées seraient des enfants et des femmes. Près de 3.200 enfants ont été tués à Gaza en trois semaines, dépassant le nombre d’enfants tués chaque année dans les zones de conflit dans le monde depuis 2019.
« Cela ne peut pas être un 'dommage collatéral' », a-t-il souligné, estimant qu’Israël met en oeuvre une « punition collective ».
Il a décrit la situation humanitaire désastreuse dans la bande de Gaza, qui connaît une pénurie de médicaments, de nourriture, d'eau et de carburant, ajoutant que la panique a poussé des milliers de personnes désespérées vers les entrepôts d'aide et les centres de distribution de l'UNRWA.
Le chef de l’UNRWA a également souligné que la « poignée de convois » autorisés à passer par le terminal de Rafah n’est « rien comparé aux besoins » de plus de deux millions de personnes coincées dans l’enclave.
« Le système en place pour permettre l’arrivée de l’aide à Gaza est voué à l’échec s’il n’y a pas de volonté politique pour rendre le flux de fournitures significatif, répondant aux besoins humanitaires sans précédent », a-t-il souligné.
Entrepôts attaqués
Signe que l'ordre civil commence à s'effondrer dans l'enclave palestinienne, des entrepôts d'aide gérés par l'ONU ont été attaqués ce weekend par des milliers de personnes désespérées qui ont emporté de la farine de blé, des produits d'hygiène et d'autres produits de première nécessité.
Pendant ce temps, les hôpitaux du nord de Gaza ne tiennent qu’à un fil, selon les agences humanitaires, dans le contexte des « ordres d’évacuation répétés » des forces israéliennes.
Le personnel médical qui y travaille et les civils cherchant un abri auraient refusé de partir, affirmant que l'évacuation entraînerait la mort des patients sous respirateur et dans les unités de soins intensifs.
Un traumatisme pour la vie, selon l'UNICEF
S'adressant également au Conseil de sécurité, lundi, Catherine Russell, Directrice exécutive de l'UNICEF, a déclaré que le « véritable coût » de la dernière escalade se mesurera dans la vie des enfants.
« Plus de 420 enfants sont tués ou blessés chaque jour à Gaza – un nombre qui devrait ébranler chacun d’entre nous », a-t-elle dit.
« Les enfants d’Israël et de l’État de Palestine subissent de terribles traumatismes, dont les conséquences pourraient durer toute une vie », a affirmé Mme Russell. « Nous faisons de notre mieux pour atteindre tous les enfants dans le besoin, mais l’acheminement de l’aide humanitaire, en particulier à Gaza, est désormais extrêmement difficile ».
Le plus préoccupant concerne les conditions de siège actuelles et les « circonstances extrêmement dangereuses » dans lesquelles le personnel opère, a-t-elle souligné.
« La situation empire d’heure en heure et sans une fin urgente des hostilités, j’ai profondément peur pour le sort des enfants de la région », a déclaré la cheffe de l'UNICEF.
« Mais vous avez le pouvoir d’aider à sortir les enfants de cette spirale de violence », a-t-elle ajouté à l'adresse des membres du Conseil. « J'implore le Conseil de sécurité d'adopter immédiatement une résolution qui rappelle aux parties leurs obligations en vertu du droit international, appelle à un cessez-le-feu, exige que les parties autorisent un accès humanitaire sûr et sans entrave, exige la libération immédiate et sûre de tous les enfants enlevés et détenus et exhorte les parties à accorder aux enfants la protection spéciale à laquelle ils ont droit ».
A lire : Impasse au Conseil de sécurité sur Gaza : et maintenant ?
Vendredi, l’Assemblée générale des Nations Unies a voté massivement en faveur de l’adoption d’une résolution, appelant notamment à une « trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue conduisant à une cessation des hostilités ».
Depuis que la crise a éclaté avec les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre en Israël et les bombardements de représailles par les forces israéliennes à Gaza, quatre résolutions ont été rejetées par le Conseil de sécurité, soit en raison du veto de membres permanents du Conseil, soit par incapacité à obtenir suffisamment de soutien.
Dévastateur et déchirant
Lors de la réunion du Conseil de sécurité lundi, Lisa Doughten, Directrice de la mobilisation des ressources au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a déclaré que les événements qui se sont déroulés depuis le 7 octobre sont « absolument dévastateurs et déchirants ».
« Nous n’oublions pas les 1.400 personnes tuées et les milliers d’autres blessées et capturées lors de l’attaque brutale du Hamas. Les tirs de roquettes aveugles se poursuivent depuis Gaza vers des zones peuplées d’Israël, causant davantage de victimes civiles, de déplacements et de traumatismes », a-t-elle dit.
« Tous les otages doivent être libérés immédiatement et sans condition », a-t-elle déclaré.
Mme Doughten a ajouté que la situation des plus de deux millions de personnes coincées dans la bande de Gaza est tout simplement « catastrophique ». « Elles subissent désormais un siège et des bombardements continus depuis 23 jours. Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 8.000 personnes ont été tuées […] des dizaines de milliers d’autres ont été blessées », a-t-elle dit.
Mme Doughten a réitéré la nécessité d'une pause dans les combats pour des raisons humanitaires. Cela offrira une pause aux humanitaires et à ceux qui en ont besoin, ainsi qu’un passage sûr pour les otages à libérer. Cela permettra au personnel de l'ONU de reconstituer les fournitures, de soulager le personnel épuisé et de poursuivre l'assistance dans tout Gaza là où les civils sont dans le besoin.
« Cela offrirait également un répit bien mérité aux civils qui vivent dans des conditions incroyablement traumatisantes », a-t-elle dit.