Fil d'Ariane
« Tous les efforts possibles sont déployés pour acheminer l’aide humanitaire à Gaza » - Martin Griffiths
Les Nations Unies et leurs partenaires continuent de déployer tous les efforts possibles pour acheminer l’aide humanitaire à Gaza, suite à l’ordre israélien d’évacuer le nord de l’enclave, a déclaré dans une interview accordée lundi à ONU Info, le chef de l’humanitaire des Nations Unies, Martin Griffiths.
« L’Histoire nous observe », a ajouté M. Griffiths, soulignant la situation désespérée dans laquelle se trouvent environ un million d’habitants de Gaza déracinés, après qu’Israël a prévenu d’une offensive imminente suite à l’attaque surprise du Hamas contre Israël le 7 octobre.
Le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU note que l’accès à l’aide est « la priorité absolue ».
« Nous avons des discussions approfondies avec les Israéliens, les Égyptiens et les habitants de Gaza sur les moyens d’y parvenir », a-t-il fait valoir, relevant attendre « avec impatience de bonnes nouvelles ce matin à ce sujet ».
ONU Info : Quelles sont vos principales sources de préoccupation concernant la situation humanitaire dans les Territoires palestiniens occupés ?
Martin Griffiths : Ma principale préoccupation aujourd’hui, en ce 16 octobre, est d’acheminer l’aide à Gaza. Nous avons vu environ un million de personnes se déplacer du nord vers le sud en raison de la menace éventuelle d’une intervention israélienne dans le nord de Gaza, à la suite de la prise d’otages.
Nous devons apporter de l’aide à ces personnes pour deux raisons. Tout d’abord, pour sécuriser leur déplacement vers l’endroit où ils veulent se rendre volontairement et pour les soutenir pendant qu’ils sont là, car ils ne sortiront pas de Gaza et ils ont besoin d’être aidés dans la bande de Gaza.
L’accès à l’aide est donc notre priorité absolue. Nous menons des discussions approfondies avec les Israéliens, les Égyptiens et les habitants de Gaza sur les moyens d’y parvenir. J’attends avec impatience de bonnes nouvelles ce matin à ce sujet.
ONU Info : Que fait réellement l’ONU pour garantir cette aide ? Au plus haut niveau, des discussions sont en cours pour s’assurer que, par exemple, le point de passage de Rafah entre l’Égypte et le sud de la bande de Gaza soit ouvert. Espérez-vous que cela se produise aujourd’hui ?
Martin Griffiths : J’espère ce matin. Le Secrétaire d’État américain Blinken a soulevé la question à plusieurs reprises et il se rend partout où il peut trouver à négocier dans la région. Je me rendrai demain (mardi) au Caire pour rencontrer les dirigeants égyptiens et leur demander de nous aider. Ils se sont montrés très coopératifs. Bien entendu, nous avons également besoin de l’accord d’Israël. Nous avons négocié fermement avec eux.
Et puis, bien sûr, nous avons besoin du soutien et de la viabilité des opérations à Gaza. Je voudrais mentionner un aspect important de cette question pour expliquer pourquoi l’accès peut se faire correctement.
L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), créée juste après la Seconde Guerre mondiale, à l’époque où tout cela a commencé, est en première ligne pour servir de tampon entre la faim, les besoins et la survie. Elle compte 14.000 employés à Gaza. Aucun d’entre eux n’est parti. Certains d’entre eux sont morts. Ils sont notre première ligne de sécurité pour la population de Gaza.
ONU Info : Le Secrétaire général des Nations Unies a déclaré hier que nous étions au bord du gouffre au Moyen-Orient. Quel est donc votre message aux parties ?
Martin Griffiths : L’urgence est le premier message. L’aide. Et s’il vous plaît, faites en sorte qu’elle soit fiable, répétée et constante ; (aussi) de l’argent pour mener cet effort. L’UNWRA est toujours gravement sous-financée. Elle a besoin d’argent. Je suis très heureux d’apprendre que l’Union européenne a triplé son financement.
Mais le deuxième point, aussi important que soit l’aide à l’accès, est le respect des règles de la guerre. Les règles de la guerre ne sont pas en conflit avec les actions de la guerre. Elles permettent de contrôler ces actions en ce qui concerne les civils.
C’est pourquoi la prise d’otages était un acte illégal flagrant.
C’est pourquoi demander aux gens de se déplacer du nord de Gaza vers le sud pour se mettre à l’abri du danger ; je comprends tout à fait cette demande, mais elle doit être étayée par la sécurité, le mouvement volontaire, l’aide humanitaire pour rendre ce mouvement sûr.
L’aide humanitaire doit donc être fiable et il importe de respecter les règles de la guerre.
ONU Info : Que pensez-vous de la situation des personnes assiégées qui ne peuvent pas sortir ?
Martin Griffiths : L’infrastructure civile, les hôpitaux, et le système de santé bien sûr, à Gaza en général, mais dans le nord en particulier, s’effondrent sous nos yeux. L’approvisionnement en eau est pratiquement épuisé dans la plupart de ces hôpitaux.
Il s’agit d’infrastructures civiles. Elles sont également protégées contre les attaques par le droit humanitaire international. Elles ne doivent pas être attaquées. Elles doivent être des lieux sûrs.
Il n’y a pas de parti pris pour l’un ou l’autre, mais pour l’humanité
Il ne s’agit pas d’une particularité d’Israël ou des territoires occupés (palestiniens) au Moyen-Orient. C’est le cas en Ukraine, au Myanmar, au Venezuela, au Soudan du Sud. C’est le cas partout dans le monde et c’est le fruit d’une expérience vitale. Une grande partie de cette expérience a d’ailleurs été apprise, encadrée et légiférée par les expériences, les horribles expériences de la Seconde Guerre mondiale. N’attaquez donc pas les infrastructures civiles, protégez les civils lorsqu’ils se déplacent. Veillez à ce qu’ils reçoivent l’aide dont ils ont besoin et à ce qu’il y ait des couloirs qui leur permettent d’échapper aux attaques incessantes dont ils font l’objet.
Je voudrais terminer en disant que cette guerre a été déclenchée par la prise d’otages. Oui, bien sûr, il y a une histoire entre le peuple palestinien et le peuple israélien, et je ne nie rien de tout cela. Mais cet acte à lui seul a allumé un feu qui ne pourra être éteint qu’avec la libération de ces otages.
ONU Info : M. Griffiths, merci beaucoup. Bonne chance pour votre travail demain.
Martin Griffiths : Merci beaucoup. J’ai vraiment hâte d’y être, d’y rester, d’essayer d’aider, de travailler avec des diplomates de tous les pays, parce que ce sont tous les États membres qui ont l’obligation de faire ce que je viens de décrire. Ce ne sont pas seulement ceux de la région, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et le monde arabe ont tous l’obligation de faire ce que je viens de décrire.
ONU Info : Et je suppose que c’est le message que vous allez transmettre lorsque vous vous rendrez au Moyen-Orient demain : l’Histoire nous observe.
Martin Griffiths : L’Histoire nous observe de deux manières différentes. L’Histoire observe si le droit humanitaire international est respecté et si la guerre peut être gérée dans le cadre du pacte civil qui a été conclu par le biais des Conventions de Genève. Et l’Histoire observe si les conséquences de cette guerre seront néfastes pour les générations à venir ou s’il y aura des moyens de reconstruire rapidement une certaine forme de courtoisie ou de voisinage entre ces deux peuples tragiques. ... C’est le message que je transmettrai à la région, à savoir qu’il n’y a pas de parti pris pour l’un ou l’autre, mais pour l’humanité.