Fil d'Ariane
Catastrophes : l’ONU appelle à remédier aux manquements en matière de protection des personnes handicapées
Les personnes handicapées se heurtent à un manque inacceptable d’assistance face aux catastrophes. Malgré une augmentation considérable du nombre de catastrophes climatiques dans le monde, aucun progrès n’a été réalisé au cours de la dernière décennie, selon l'ONU.
Cette absence de progrès pourrait constituer une violation du droit international. C’est l’une des conclusions du rapport publié jeudi par le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNDRR), qui synthétise les résultats de la deuxième enquête mondiale sur les personnes handicapées et les catastrophes.
Les personnes handicapées représentent 16 % de la population mondiale et sont deux à quatre fois plus susceptibles de mourir dans une catastrophe que la population générale. L’enquête a recueilli plus de 6 000 réponses provenant de 132 pays en vue d’évaluer les progrès des politiques gouvernementales en matière de protection contre les catastrophes. L’UNDRR a comparé les résultats de cette enquête avec ceux obtenus en 2013 et publie son rapport la veille de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, qui sera consacrée ce 13 octobre à la lutte contre les inégalités.
Peu d'avancées en matière d'inclusion
Cette nouvelle enquête met en évidence le peu d’avancées réalisées en matière d’inclusion des personnes handicapées au cours des dix dernières années, quelle que soit la région. Plus précisément, 84 % des répondants ont déclaré n’avoir aucun plan de préparation personnel en cas de catastrophe, qu’il s’agisse de connaître les routes d’évacuation ou les abris disponibles, ou encore de disposer de fournitures d’urgence, etc.). En 2013, ce chiffre s’établissait à 71 %.
Les résultats de l’enquête de 2023 révèlent notamment que 39 % des répondants déclarent que, si l’alerte est déclenchée suffisamment tôt, ils n’auraient aucune difficulté à évacuer, contre 26 % en l’absence d’alerte. Aujourd’hui, un pays sur deux ne dispose pas de système d’alerte précoce. Ces chiffres montrent l’importance de l’initiative « Alertes précoces pour tous » des Nations Unies, qui vise à couvrir chaque personne dans le monde d’ici à 2027.
« C’est la preuve accablante d’un manque inacceptable de progrès et de l’abandon d’une partie de la population. Les personnes handicapées doivent être protégées des catastrophes, et cet impératif devient plus urgent à mesure que les catastrophes liées au climat se multiplient dans le monde », a déclaré Mami Mizutori, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe et Directrice de l’UNDRR.
Activités de planification
Le rapport enjoint d’intégrer pleinement les personnes handicapées dans les activités de planification de la réduction des risques de catastrophes au niveau communautaire. Actuellement, 86 % des répondants se sentent exclus des activités de planification en prévision des catastrophes au niveau communautaire. Ce chiffre était le même en 2013, bien que les participants expriment davantage d’intérêt à participer en 2023 (57 %) qu’en 2013 (51 %). Seuls 11 % des répondants ont déclaré avoir connaissance d’un plan de gestion des catastrophes dans leur région, contre 17 % en 2013. Moins de la moitié des participants (44 %) ont déclaré ne pas être au courant que des informations sur les risques de catastrophe étaient disponibles dans des formats accessibles.
Les pays dotés de processus inadéquats en matière de protection des personnes handicapées contre les catastrophes pourraient violer le droit international en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui définit les obligations y afférentes. Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) appelle en outre à l’inclusion du handicap, à la diffusion d’informations accessibles sur les risques de catastrophe et à la mise en place de systèmes d’alerte précoce inclusifs et intégrés.
« Les résultats sont choquants. Nous manquons à notre devoir envers les personnes handicapées. Les États doivent être mieux préparés à protéger les droits des personnes handicapées contre les catastrophes, notamment en leur permettant de participer pleinement aux activités de planification en prévision des catastrophes et en diffusant des informations accessibles à tous », déclare Gertrude Oforiwa Fefoame, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies.
Redoubler d'efforts
« Lorsque nous abandonnons des personnes handicapées dans des situations de catastrophe, nous trahissons notre engagement à ne laisser personne de côté. Nous avons tous droit à la vie. Nul ne mérite d’être mis au rebut. Les gouvernements doivent redoubler d’efforts et tenir compte des recommandations, notamment concernant le rôle directeur des personnes handicapées dans les processus décisionnels relatifs à la gestion des catastrophes. Rien sur nous sans nous », estime Eddie Ndopu, Mandataire mondial des Nations Unies et militant pour les droits des personnes handicapées.
Le rapport donne des exemples qui doivent être généralisés à l’échelle mondiale. Ainsi, la Jordanie a créé une ligne téléphonique permettant aux personnes sourdes de signaler des urgences ; en Ouganda, les personnes handicapées participent à l’élaboration des cadres juridiques sur la gestion des catastrophes et du climat ; enfin, en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, les prestataires de services aux personnes handicapées identifient les besoins individuels et recueillent des données qui contribuent à la mise au point des plans communautaires de préparation aux situations d’urgence.
« Ces résultats sont un signal d’alarme. Ils appellent une action immédiate. Dans un registre plus optimiste, le Cadre de Sendai a nettement renforcé la prise de conscience et l’engagement politique. Il est temps de passer des promesses à l’action. Des vies en dépendent », ajoute Mami Mizutori.