Fil d'Ariane
L’Iraq peut saisir de nouvelles opportunités, assure l’envoyée de l’ONU
Devant le Conseil de sécurité réuni mardi, l’envoyée de l’ONU en Iraq, Jeanine Hennis-Plasschaert, a décrit de nombreuses avancées dans la gouvernance du pays, mais a appelé aussi à de nouveaux efforts contre la corruption, les dissensions au sein du système fédéral et les menaces d’instabilité régionale.
Présentant le bilan d’une année depuis la formation du gouvernement iraquien actuel, dirigé par le Premier ministre Mohammed Shia al-Sudani, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Iraq s’est réjouie de plusieurs initiatives prometteuses, citant les réformes dans les secteurs bancaire et financier et une nouvelle loi sur la sécurité sociale qui permettra, pour la première fois, à tous les travailleurs iraquiens de bénéficier de prestations publiques.
Dans le même temps, elle a noté que l'Iraq prend de nouvelles mesures pour exploiter ses propres ressources naturelles de manière plus efficace et responsable, afin de réduire le gaspillage d'énergie et de renforcer son indépendance énergétique.
Le gouvernement, soucieux de la prolifération rapide des drogues, a aussi élaboré une stratégie nationale de prévention des stupéfiants et des substances psychotropes.
Jeanine Hennis-Plasschaert a aussi salué la qualité du nouveau budget fédéral qui « trace une voie ambitieuse pour la pays jusqu’à la fin 2025 et répond à des besoins critiques, tels que le développement et la reconstruction des infrastructures et alloue dans les proportions les plus élevées à ce jour des fonds pour les services sociaux ».
« Avec les gains de stabilité politique de l'année dernière et un budget fédéral ambitieux en main, l'Iraq est bien placé pour saisir les nombreuses opportunités qui se présentent à lui », a assuré la Représentante spéciale.
Persistance de vulnérabilités économiques
Pourtant, elle n’a pas caché la persistance de problèmes.
Tout d’abord la corruption, « encore omniprésente », que le Premier ministre lui-même décrit comme un obstacle à la mise en œuvre par le gouvernement de « sa vision économique et des programmes de développement ».
Jeanine Hennis-Plasschaert a rappelé « les engagements admirables » des dirigeants, les efforts pour la transparence de la perception des recettes douanières et l’extradition des responsables de vols des ressources fédérales. Cependant, il est clair que le réseau complexe de pots-de-vin et d'intérêts particuliers, accumulé en Iraq au fil des décennies, ne sera pas démantelé du jour au lendemain, reconnait-elle, en déplorant « une communauté de collusion dans le pays ».
Autre souci, la structure économique de l'Iraq, « précaire car fortement tributaire du pétrole et d'un secteur public d’une ampleur intenable ». Selon la Représentante spéciale, elle nécessite toujours de nouvelles réformes structurelles et des efforts de modernisation « sans lesquels une industrie privée prospère avec des niveaux d'emploi élevés ne peut voir le jour ».
Croissance de la population et danger climatique
A ces écueils économiques s’ajoute le problème de la croissance rapide de la population iraquienne, qui selon les prévisions pourrait doubler au cours des trois à quatre prochaines décennies. « Alors que de plus en plus d'Iraquiens atteignent l'âge adulte sans opportunités d'emploi ni progrès dans leur qualité de vie, les braises du mécontentement pourraient s'enflammer facilement », a-t-elle prévenu.
L’envoyée de l’ONU a aussi décrit le changement climatique et la rareté de l’eau comme autant de multiplicateurs de menace. « Le début d’une situation cauchemardesque » qui a vu, l’été dernier, les températures en Iraq dépasser les 50 degrés Celsius, et la sécheresse causer le déplacement de 14 000 familles à l’intérieur du pays.
Elle a aussi encouragé le gouvernement à permettre aux personnes de retourner dans leurs régions d’origine. « Le sentiment d’exclusion, de marginalisation et de stigmatisation pourrait rendre ces personnes une fois encore vulnérables à la propagande extrémiste », a-t-elle rappelé, notant l’influence des groupes armés interétatiques, « qui sape la confiance dans l’Etat et suscite la peur et la colère ».
La stabilité par les coopération régionales
Jeanine Hennis-Plasschaert a aussi fait un tour d’horizon des relations internationales de l’Iraq, louant d’abord sa collaboration active avec les pays de toute la région sur les questions liées à l'énergie, à l'eau, à la coopération économique et à la sécurité, « des partenariats qui sont des catalyseurs évidents de la stabilité en Iraq - et au-delà ».
A ce propos, elle a souligné la mise en œuvre de l’accord de sécurité entre l’Iraq et l’Iran et les efforts de Bagdad, comme de la région du Kurdistan, pour sécuriser les frontières grâce à des comités mixtes et à un dialogue « constructif et franc » sur ce sujet.
Dans cet esprit, elle a confié son espoir de voir l’Iraq et la Türkiye régler ainsi leurs problèmes, rappelant qu’en dépit des préoccupations turques en matière de sécurité, « les attaques transfrontalières constantes sont un moyen très risqué de promouvoir ses intérêts ».
Elle s’est aussi inquiété « des événements sans précédent et horribles en Israël et dans le territoire palestinien occupé, qui ont déjà eu un bilan humain catastrophique et pourraient avoir un impact sur la stabilité de toute la région ».
Jeanine Hennis-Plasschaert a aussi a abordé les défis financiers du Kurdistan et, avancée positive, le prêt fourni par le gouvernement iraquien à Erbil pour les trois prochains mois, qui permettra au Kurdistan de payer les salaires de ses fonctionnaires, non sans insister sur la nécessité de trouver une solution permanente qui évite une nouvelle période d’incertitude pour la fonction publique.
Retard dans les améliorations du système fédéral
Enfin, elle a déploré le manque de progrès depuis l’adoption de la Constitution et « les 18 années écoulées sans entente sur une amélioration du système fédéral, sans cadre durable pour la répartition des ressources naturelles ou des territoires contestés ; 18 ans sans lois délimitant les droits et les obligations, qui donnent lieu par défaut à une gestion de crise ad hoc constante ».
A l’approche des prochaines élections au Conseil provincial iraquien, cruciales pour l’amélioration des services publics, la Représentante spéciale a appelé les candidats à ne pas attiser la rage ou la peur pendant leur campagne et tous les acteurs nationaux ou régionaux à « jouer leur rôle dans le maintien de la stabilité et la lutte contre la désinformation ».
« L’avancée des bonnes mesures prises depuis un an par le gouvernement iraquien demeure une responsabilité collective », a-t-elle rappelé.