Fil d'Ariane
Le Costa Rica à l’avant-garde de la lutte contre les discours de haine
Face à la recrudescence alarmante des discours de haine et de discrimination sur l’Internet, le Costa Rica, avec le soutien de l'ONU, a conçu la toute première stratégie de lutte contre ce fléau en Amérique latine.
Ce puissant outil, qui sera dévoilé avant la fin de 2023, vise à jeter les bases de nouvelles politiques nationales dans le monde entier.
« Nous ne devons pas laisser les expressions de haine, de violence et de discrimination se banaliser dans les espaces publics et numériques », a exhorté le ministre costaricain de la Communication, Jorge Rodríguez, lors de l'annonce du prochain dévoilement de la stratégie. « Aujourd'hui, nous reconnaissons qu'une action décisive est nécessaire de la part de l'État, mais aussi de tous les acteurs sociaux pour relever ce grand défi ».
Les personnes visées vivent dans la peur
Les attaques visant à déchirer le tissu social ont beau être virtuelles, leurs menaces sont tangibles. Une étude de l'ONU menée cette année à l’aide de l’intelligence artificielle a détecté plus de 1,4 million de messages et de conversations prônant la haine et la discrimination sur les plateformes de médias sociaux du Costa Rica, révélant une hausse de 255% depuis 2021.
Allegra Baiocchi, Coordonnatrice résidente des Nations Unies dans le pays, a noté que selon les observations de son équipe, la plupart des contenus haineux ciblaient les femmes, en particulier celles qui occupent des postes de direction, ainsi que les membres des communautés LGBTQ et les migrants.
« Quand nous avons commencé à parler aux femmes et à certaines des personnes visées, elles nous ont dit qu'elles avaient peur, peur d'exprimer leurs opinions », a-t-elle raconté.
Dès que l'ONU a appelé à une action immédiate, le Costa Rica a intensifié ses efforts, jetant les bases d'un espace numérique sûr pour tous, qui peut s’ériger en modèle pour lutter contre la haine en ligne dans le monde entier.
Des armes multiples contre ce fléau
La nouvelle stratégie, alignée sur les priorités du Secrétaire général de l'ONU visant à éradiquer la haine, et dirigée par une équipe d'experts multidisciplinaires de l'ONU et du gouvernement de Costa Rica, fournira des solutions pour empêcher ces fléaux de se propager en ligne, pour déterminer les responsabilités, créer de nouvelles mesures de surveillance et identifier les domaines d'action.
« Avec le lancement de ce processus de création d'une stratégie nationale, nous faisons un pas dans la bonne direction », s’est félicitée Allegra Baiocchi.
Parmi les mesures déjà prises, on citera le lancement récent d'un guide de réponse à la violence numérique à l'égard des femmes dans la vie politique. Dans le même ordre d'idées, le gouvernement a créé un observatoire de la haine avec l'Université du Costa Rica, adopté une loi protégeant les femmes en politique et forgé un partenariat avec la Lawyers Committee Association, une ONG de juristes engagés contre les discriminations raciales, qui s’est inspirée de lois élaborées dans le monde entier contre les discours de haine pour concevoir un manuel à l'intention des personnes concernées.
« Au Costa Rica, si vous êtes victime de discours de haine, vous pouvez consulter ce manuel et voir quels instruments sont déjà disponibles pour vous protéger », a rappelé la représentante de l’ONU, soulignant d'autres initiatives en cours dans le domaine éducatif, telles que l'enseignement du débat public dans les écoles.
Promouvoir le respect mutuel et la coexistence
« Fondamentalement, le message qui sous-tend tout travail contre le discours de haine et la discrimination se résume à promouvoir le respect mutuel et la coexistence », a-t-elle assuré.
Cette approche est conforme à l'objectif du Secrétaire général de l'ONU António Guterres, de remporter une victoire écrasante sur les discours de haine en ligne et hors ligne. En réponse aux tendances croissantes de xénophobie, de racisme et d'intolérance, de misogynie violente, d'antisémitisme et de haine antimusulmane dans le monde, le Secrétaire général a lancé la Stratégie et le Plan d'action des Nations Unies sur le discours de haine en 2019.
« S'ils ne sont pas maîtrisés », a-t-il averti, « les discours de haine peuvent même nuire à la paix et au développement, car ils ouvrent la voie à des conflits et des tensions, à des violations des droits de l'homme à grande échelle ».