Fil d'Ariane
Soudan : l’ONU alerte sur les conséquences d’une extension du conflit dans le grenier à blé du pays
Les Nations Unies ont alerté, jeudi, sur les conséquences d’une extension du conflit pour la production alimentaire au Soudan, notamment dans le grenier à blé du pays, l’État de Jazirah, où l’on cultive le blé, le sorgho et d’autres cultures vivrières.
Selon la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général et Coordinatrice humanitaire de l’ONU au Soudan, le conflit en cours pourrait s’étendre à des régions comme l’État de Jazirah et cela aurait de graves conséquences sur la sécurité alimentaire.
Cette alerte des Nations Unies intervient alors que la moitié de la population du Soudan, soit plus de 24 millions de personnes, a besoin d’une aide humanitaire et d’une protection.
« Le conflit, les déplacements de population et les épidémies menacent de s’étendre à l’ensemble du pays », a déclaré lors d’une conférence de presse à Genève, Clementine Nkweta-Salami, Coordinatrice humanitaire de l’ONU au Soudan.
Le monde doit faire preuve de beaucoup plus de solidarité
L’ONU rappelle qu’il y a quatre mois (le 11 mai), les parties réunies à Djeddah, en Arabie saoudite, se sont engagées à désamorcer les combats, à minimiser les dommages causés aux civils et à s’abstenir de toute attaque disproportionnée. Mais depuis lors, les meurtres de civils se sont poursuivis à Khartoum, Nyala, El Fasher et dans d’autres régions.
Il y a tout juste deux semaines, des dizaines de personnes ont été blessées lors d’une attaque sur un marché bondé au sud de Khartoum. « La population soudanaise est sur le fil du rasoir alors que son pays est progressivement ravagé par ce conflit », a ajouté Mme Nkweta-Salami.
Face à l’aggravation du conflit et aux conséquences d’une extension dans tout le pays, la Coordinatrice humanitaire appelle, une fois de plus, les belligérents à respecter le droit humanitaire international et à prendre des mesures immédiates pour protéger les civils. « Le monde doit aussi faire preuve de beaucoup plus de solidarité, faute de quoi le Soudan risque de tomber dans l’abysse », a-t-elle insisté.
Les six derniers mois ont causé des souffrances indicibles au Soudan. Quelque 5,4 millions de personnes ont fui leur foyer et sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays ou dans les pays voisins.
Cela représente une moyenne de plus de 30.000 personnes par jour, dont beaucoup s’enfuient avec rien d’autre que leurs vêtements. Le Soudan est à l’heure actuelle la crise de déplacement qui connaît la croissance la plus rapide au monde.
Dix-neuf travailleurs humanitaires tués
« J’ai rencontré des mères déplacées au Soudan qui ne savent pas où trouver le prochain repas pour leurs enfants. J’ai rencontré des familles qui dormaient dans des abris de fortune, luttant pour trouver de la nourriture et de l’eau, incapables d’accéder aux soins de santé, leurs enfants n’étant pas scolarisés et les soutiens de famille n’ayant pas de travail ».
Sur le terrain, cette insécurité n’épargne pas les humanitaires. Dix-neuf travailleurs humanitaires ont été tués et 29 blessés. « Nous devons également mettre fin à l’ingérence des parties au conflit dans nos opérations, y compris les contrôles forcés des camions humanitaires et la présence militaire obligatoire pendant le processus de chargement à Port-Soudan et à Jazirah », a fait valoir la responsable humanitaire.
Autre défi pour les humanitaires : les obstacles bureaucratiques, y compris les retards dans l’approbation des visas pour le personnel, que les autorités soudanaises ont promis d’alléger lors d’une réunion de donateurs mercredi.
Selon la Représentante spéciale, il est maintenant urgent de répondre aux besoins. Ces dernières semaines, un nouveau choc a frappé le Soudan : de fortes pluies et des inondations ont touché plus de 70.000 personnes dans sept États (Nord, Nil, Darfour-Nord, Gedaref, Nil Blanc, Kordofan-Nord et Kordofan-Sud).
Un tiers seulement de l’appel humanitaire financé
L’ONU craint que cette situation n’entraîne une recrudescence des maladies transmises par l’eau. Une épidémie de choléra s’est déjà déclarée dans l’État oriental de Gedaref, et les agences humanitaires cherchent à savoir si elle s’est propagée à Khartoum et au Kordofan méridional. « Lutter contre une épidémie de choléra dans une zone de guerre est difficile dans le meilleur des cas. Avec l’escalade des combats, il peut être pratiquement impossible de la contrôler », a souligné Mme Nkweta-Salami.
Malgré les obstacles, les organisations humanitaires des Nations Unies ont atteint au moins 3,6 millions de personnes. Elles ont pu fournir une aide par le biais d’un mécanisme transfrontalier depuis le Tchad jusqu’au Darfour. À la mi-septembre, près de 3.000 tonnes de matériel d’aide ont été livrées par 66 camions dans six États.
L’ONU entend secourir 18 millions de personnes. « Nous ne renoncerons pas à cet objectif. Mais nous avons besoin d’un soutien international accru, d’un meilleur accès aux personnes qui ont besoin de nous et d’une sécurité accrue pour nos opérations », a-t-elle fait valoir.
Par ailleurs, seul un tiers de l’appel humanitaire de 2,6 milliards de dollars a été financé. L’ONU exhorte donc tous les donateurs à augmenter les fonds afin de combler le déficit de financement des organisations humanitaires.