Fil d'Ariane
« Nous connaissons les solutions » : A l’ONU, les jeunes partagent leurs idées pour un monde meilleur
L'Assemblée générale des Nations Unies a terminé sa semaine de haut niveau. Les dirigeants mondiaux sont rentrés chez eux et les barricades de sécurité devant le siège de l'ONU ont été remisées jusqu’à l’année prochaine. ONU Info s’est entretenu avec des participants qui venaient de vivre cet évènement pour la première fois, ainsi qu’avec des célébrités, des militants et des journalistes, pour leur demander de partager leurs expériences et d’évaluer l’impact de leurs messages sur la scène mondiale.
Aucun doute, cette scène internationale était bondée. Cette semaine essentielle de la 78e session de l'Assemblée générale des Nations Unies était axée sur les thèmes déterminants de la santé, du changement climatique et de l’évaluation à mi-parcours de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
Alors que les dirigeants mondiaux étaient jusqu’alors au premier plan des sessions de l'Assemblée générale des Nations Unies, ceux-ci ont, depuis quelques années, commencé à partager le devant de la scène avec un nombre croissant de non-diplomates, de personnalités artistiques ou d’organisateurs de terrain.
Tous se sont fait écho de l’appel universel à accélérer les progrès vers la réalisation du Programme de développement durable à l'horizon 2030 et de ses 17 objectifs (ODD). Mais bien d'autres questions vitales ont été débattues lors de cette première réunion entièrement en présentiel de l'Assemblée générale depuis le début de la pandémie mondiale de Covid-19 en 2020.
Cette 78ème session a été l’occasion de s’interroger sur l’impact de cette foison de nouvelles voix alternatives, audibles bien au-delà du traditionnel podium de marbre vert de la grande salle de l'Assemblée générale. Ont-elles été entendues ? Ont-elles influencé les sessions officielles ? Nous leur avons posé la question.
« Pas trop du genre costume trois pièces »
Les cordonniers et les accessoiristes de mode n’étaient pas les innovateurs les plus en vue à l'Assemblée générale de cette année, ont reconnu Rachel Sterling et Nancy Rhodes, cofondatrices d'alternew. Leur société, basée aux États-Unis, fournit des logiciels d'entreprise qui aident les tailleurs, les cordonniers, les réparateurs de montres et de bijoux à entrer en contact avec les consommateurs afin de lutter contre les méfaits de la « fast fashion », la mode éphémère, et de soutenir une économie circulaire plus propice à la consommation durable (ODD 12).
« Même si vous êtes tailleur, cordonnier ou bijoutier, vous jouez un rôle fondamental dans l'économie circulaire », a rappelé Rachel Sterling lors de notre rencontre dans la zone médias des ODD, située en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies.
La créatrice de tendances en matière de développement durable a confié à ONU Info qu’elle se demandait comment s’habiller pour l’AG. « Notre style, ce n’est pas le costume trois pieces des officiels », a-t-elle reconnu. Au bout du compte, puisqu’il s’agissait d’un événement lié au business, elle a troqué ses baskets pour des chaussures à talon.
Mon message aux dirigeants du monde est le suivant : Vous ne pouvez pas négocier avec la nature. L'histoire ne retiendra pas de vous les profits que vous avez réalisés si vous ne sauvez pas notre planète – Ayisha Siddiqi, Jeune défenseure des ODD du Pakistan
Abattre les « silos »
Aussi heureux soient-elles de participer aux discussions en marge de l’Assemblée, elles ont convenu que leurs voix et celles d'autres intervenants pourraient être mieux entendues au Siège de l'ONU. « Pour faire bouger les choses, les silos doivent tomber », a déclaré Nancy Rhodes.
Exemple typique : la foule des professionnels des énergies fossiles et les défenseurs de la mode durable présents à l'Assemblée générale étaient confinés dans des débats séparés alors qu'ils visent vraiment les mêmes objectifs : réduire les émissions et promouvoir l'énergie verte ainsi qu'une consommation et une production durables, a-t-elle expliqué.
Les barrières linguistiques doivent également être éliminées, a estimé Mme Rhodes. « Il faut faire en sorte que tout le monde participe à la solution », a ajouté Rachel Sterling. « Le monde anglophone n’est pas le seul à pouvoir résoudre ce problème. »
Visite au pavillon des ODD
Sur la pelouse nord du siège de l'ONU, des célébrités posaient pour des selfies à l'extérieur de l'exposition 17 Chambres, une installation qui promeut la réalisation accélérée des ODD. Le pavillon en demi-cercle est doté de portes ouvrant sur des installations artistiques inattendues, représentant chacune l'un des objectifs de développement durable
Devant la porte menant à l'ODD 16 sur la paix, la sécurité et le renforcement des institutions, les stars et influenceuses nigérianes Alhaníslam et Rahama Sadau posaient pour une photo avec l’une de leurs admiratrices.
« En tant qu'actrice, j'ai senti que ma contribution la plus efficace consistait à prêter ma voix », a confié Rahama Sadau, qui compte trois millions d'abonnés sur les réseaux sociaux et milite pour l’éducation (ODD 4) et les partenariats (ODD 17).
Alhaníslam, qui a co-écrit, avec le poète congolais Pacifique Akilimali, La Paix commence par moi, à l'occasion du 75e anniversaire des opérations de maintien de la paix de l'ONU, a ajouté qu'elle utilisait sa voix pour promouvoir le travail accompli dans les communautés locales.
« Je crois que ma voix a été entendue », a-t-elle dit. « Les gens m'ont envoyé des messages pour me dire qu'ils étaient inspirés ».
« Vous pouvez trouver ceci », a-t-elle indiqué en montrant, derrière la porte 16, le Poème pour la paix écrit et enregistré par la poétesse malienne Salimata Fofana, son témoignage d'une enfance marquée par la guerre.
« Laisser place à de nouvelles idées »
L'ONU pourrait « faire davantage pour faire participer des jeunes issus de la diversité à tous leurs travaux », a confié Alhaníslam, qui suggère la création d’une « équipe de dépisteurs de talents » dans diverses communautés, chargée de « trouver de nouvelles voix capables d’approches différentes pour résoudre les problèmes ».
« Il devrait y avoir plus de place pour de nouvelles idées », a-t-elle dit.
« Nous avons une tâche énorme devant nous et tous les systèmes doivent y répondre », a déclaré Temilade Salami, environnementaliste et biologiste marine impliquée dans des initiatives de durabilité menées par des jeunes à travers le Nigéria.
« Le moment est venu d'agir », a-t-elle déclaré alors qu’elle animait une conférence sur l'éducation au Pavillon des ODD la semaine dernière. « Nous savons que l'éducation peut jouer un rôle dans le changement des mentalités et le renforcement des compétences nécessaires pour atténuer et s'adapter aux changements planétaires ».
Je suis venu demander aux dirigeants mondiaux d'intensifier leur action contre le changement climatique. – Vishal Prasad, Fidji, en « première ligne de la crise climatique » et chargé de déplacer 40 villages
« Pour encourager les jeunes comme moi, il serait bon de soutenir le travail que nous accomplissons chez nous, car nous sommes les plus proches de ces problèmes et nous connaissons les solutions qui conviennent à nos communautés », a rappelé Temilade Salami.
Julieta Martinez, fondatrice du groupe d'éducation Fundación Tremendas au Chili, est du même avis. « Nous avons des projets. Alors, travaillez avec nous, et vous verrez combien de grands projets nous pouvons réussir. Car les jeunes sont les mieux placés pour comprendre les problèmes auxquels ils sont confrontés ».
D’autres témoins interrogés par ONU Info partagent ce point de vue, Varaidzo Kativhu, une militante de l'éducation du Zimbabwe qui utilise son auditoire de 300.000 abonnés sur les médias sociaux pour promouvoir l'autonomisation des étudiants dénués d’appuis et sous-représentés et pour reconnaitre leur potentiel académique.
Les jeunes « veulent un engagement significatif », a-t-elle dit lors de la réunion sur le Sommet de l'avenir. « Nous voulons être à la table où les décisions sont prises. S'il vous plaît, arrêtez de parler de nous et commencez à nous parler, et plutôt que seulement nous parler, à travailler avec nous ».
« Portez des chaussures confortables »
À la fin de la semaine, la tribune principale de la salle de l'Assemblée générale a attiré des Présidents, des Premiers ministres et près de 3.000 journalistes du monde entier.
Yvette Tanamal, une journaliste du Jakarta Post qui couvrait pour la première fois la semaine de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations Unies, a résumé le sentiment général au terme de « centaines d'événements et de milliers de réunions bilatérales ».
« C'était vraiment amusant, surtout l'adrénaline que vous ressentez en essayant de tout capter », a-t-elle déclaré, ajoutant un sage conseil pour les autres nouveaux arrivants à l'AG : « Portez des chaussures confortables ».
Joindre le geste à la parole
Alors que résonnaient les sombres discours des dirigeants mondiaux dans la grande salle de l’Assemblée générale, des centaines de militants, accueillis comme des « acteurs du changement par le Secrétaire général António Guterres, ont pris part à un carrousel vertigineux d'événements. Tous ces jeunes participants passionnés ont partagé le même désir de joindre le geste à la parole, alors qu’ils repartaient chez eux pour poursuivre un travail inestimable.
- Chili : Julieta Martinez, auteure de No Soy Julieta, un livre sur ses expériences de femme d'affaire et d'activiste sociale, est devenue conseillère d'ONU-Femmes à l'âge de 16 ans et a créé la Fundación Tremendas, forte de plus de 1.500 volontaires mobilisés dans 18 pays pour la réalisation des ODD.
- Nigéria : Rahama Sadau promeut la lutte contre le mariage des enfants et a ouvert la Fondation Ray of Hope, qui milite pour l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes et des filles (ODD 5).
- Nigéria : Temilade Salami a fondé EcoChampions, l'un des plus grands réseaux de jeunes écologistes d'Afrique, présent dans 26 pays (ODD 13).
- Zimbabwe : Varaidzo Kativhu a écrit EMPOWERED, un livre pratique de développement personnel destiné aux jeunes. Bénévole pour des organisations caritatives axées sur l'éducation, elle est aussi ambassadrice active de United World Schools, CAMFED et GirlUp Zimbabwe, et a fondé Empowered By Vee, qui compte plus de 17.600 élèves dans son réseau (ODD 4).