Fil d'Ariane
Haïti : l’ONU réclame le déploiement d’une force internationale pour lutter contre les gangs
Alors qu’au moins 2.400 personnes ont été tuées dans les violences entre le 1er janvier et le 15 août 2023, le chef des droits de l’homme de l’ONU a lancé jeudi un appel en faveur d’une mission multinationale de soutien à la sécurité pour aider la Police nationale haïtienne (PNH) à lutter contre le cycle de violence qui s’est infiltré à tous les niveaux de la société et a exacerbé une grave crise en matière de sécurité et de droits humains.
« Chaque jour, la vie des Haïtiens devient de plus en plus difficile, mais il est essentiel que nous ne baissions pas les bras. Leur situation n’est pas désespérée. Avec le soutien et la détermination de la communauté internationale, le peuple haïtien peut faire face à cette grave insécurité et trouver un moyen de sortir du chaos », a déclaré dans un communiqué e Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk.
Plus de 2.400 morts et 950 enlèvements
Entre le 1er janvier et le 15 août 2023, au moins 2.439 personnes ont été tuées, 902 blessées et 951 enlevées, indique un rapport de l'ONU. L’escalade alarmante de la violence enregistrée depuis le début de l’année 2023 touche désormais toutes les communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, y compris certaines considérées comme sûres jusqu’à récemment.
Avec le soutien et la détermination de la communauté internationale, le peuple haïtien peut faire face à cette grave insécurité et trouver un moyen de sortir du chaos
« Les gangs font preuve d’une brutalité croissante, mutilant et brûlant des corps publiquement et partageant ensuite les images effroyables sur les médias sociaux », a détaillé le rapport du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH).
Les attaques contre les écoles par des membres de gangs ont été multipliées par neuf au cours de l’année écoulée, et de nombreux professionnels de la santé ont quitté le pays. Les gangs continuent de recruter des enfants et de les utiliser comme informateurs ou messagers, ainsi que de les impliquer dans des enlèvements et des vols.
Les femmes et les jeunes filles sont particulièrement exposées à la violence des gangs, y compris à la violence sexuelle, tels que les viols collectifs.
Une mission internationale pour lutter contre les gangs armés
Face à la poursuite de cette violence, le rapport du HCDH souligne que le déploiement d’une mission multinationale de soutien à la sécurité est essentiel pour aider la Police nationale haïtienne à lutter contre le crime organisé, les gangs armés et le trafic international d’armes, de drogues et d’êtres humains.
Toutefois, le rapport note que toute mission multinationale de soutien à la sécurité doit respecter et adhérer aux droits et normes internationales en matière de droits de l’homme, et inclure des mécanismes de contrôle interne pour rendre compte de sa performance, mais aussi prévenir et répondre, à l’exploitation et aux abus sexuels.
Le document détaille les conclusions de l’Expert désigné par le Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme en Haïti, William O’Neill, qui s’est rendu dans le pays en juin 2023. L’expert a constaté la gravité de la situation sur le terrain et l’importance de stabiliser la sécurité en priorité.
Dans ce climat d’insécurité, les services du Haut-Commissaire Türk considère que la situation des détenus haïtiens illustre « l’érosion continue de l’État de droit ». Le rapport indique que les prisons haïtiennes sont inhumaines.
Impunité, corruption et mauvaise gouvernance
À la fin du mois de juin 2023, les prisons haïtiennes comptaient près de 12.000 détenus, soit plus de trois fois leur capacité maximale. Près de 85% des détenus étaient des personnes en détention provisoire. « Des vies sont en jeu », a déclaré M. Türk. « Le temps est compté - nous devons comprendre le sens de l’urgence que cette crise exige ».
Face à ce sombre décrit dans le rapport, le HCDH estime que le renforcement des institutions de l’État reste une autre priorité. « En Haïti, l’impunité et des décennies de mauvaise gouvernance et de corruption ont contribué à la crise actuelle. Le cycle de la violence ne s’arrête jamais car il est rare que l’on demande des comptes à qui que ce soit », indique le rapport.
Le Haut-Commissaire exhorte les autorités à exercer un contrôle strict des dépenses publiques pour prévenir la corruption et à soutenir tous les efforts déployés par le système judiciaire pour enquêter et poursuivre les personnes soupçonnées de corruption. « Il [l’État] doit demander des comptes à la fois aux responsables des crimes et à ses propres fonctionnaires de la police, des tribunaux et du système pénitentiaire, afin d’assurer la sécurité de la population et de lui rendre justice ».