Fil d'Ariane
L’ONU dénonce la cruauté incommensurable de l’oppression des femmes en Afghanistan
Le niveau choquant d’oppression des femmes et des filles afghanes est d’une cruauté incommensurable, a fustigé mardi le chef des droits de l’homme de l’ONU, lors d’un débat interactif de la 54e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a relevé que les droits humains en Afghanistan se sont effondrés, affectant gravement la vie de millions de femmes, d’hommes, de filles et de garçons, pointant du doigt les nombreux reculs observés à tous les niveaux en Afghanistan.
« La dynamique imposée par les Talibans depuis leur arrivée au pouvoir il y a deux ans constitue une attaque systématique contre les droits et les libertés de la population, qui vise particulièrement les femmes et les filles et les exclut de la plupart des aspects de la vie publique et quotidienne », a affirmé M. Türk.
Un précédent dévastateur
D’une manière générale, l’Afghanistan a créé un « précédent dévastateur » en étant le seul pays au monde où les femmes et les filles se voient refuser l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur. Les restrictions deviennent de plus en plus sévères, étouffant les libertés fondamentales des femmes et des filles, les confinant de fait entre les quatre murs de leur maison.
Devant le Conseil, le chef des droits de l’homme de l’ONU est revenu sur la longue liste des restrictions et des décrets misogynes, notamment l’interdiction permanente de l’enseignement secondaire et supérieur, ainsi que l’obligation de porter le hijab dans les lieux publics, avec des punitions s’étendant aux hommes de la famille s’ils ne s’y conforment pas.
« Pas de parcs, de gymnases ou de bains publics. Pas de salons de beauté. Interdiction de parcourir plus de 78 km sans un « mahram », c’est-à-dire un tuteur masculin », a-t-il détaillé, ajoutant « l’interdiction de travailler pour des ONG nationales ou internationales, et maintenant pour les Nations Unies ».
Dans ces conditions, les femmes et les jeunes filles jugées non conformes à cette litanie de règles sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires, de harcèlement et même de violences physiques, tout comme leurs proches de sexe masculin. Ces dernières semaines, les autorités de facto ont même empêché un groupe d’étudiantes de se rendre à Dubaï pour leurs études parce qu’elles n’étaient pas toutes accompagnées de « mahrams ».
Châtiments corporels et exécutions publiques
« Qu’est-ce qui peut bien se passer ensuite ? », s’est interrogé M. Türk, insistant sur le fait que « toute perspective d’un avenir stable et prospère pour l’Afghanistan repose sur la participation de la moitié de la population ». Une façon de rappeler que « refuser aux femmes et aux jeunes filles le droit de participer à la vie quotidienne et publique, c’est non seulement les priver de leurs droits fondamentaux, mais c’est aussi priver l’Afghanistan des contributions qu’elles ont à offrir ».
Plus largement, ces des deux dernières années ont été marquées par « une érosion systématique des lois et des institutions qui assuraient autrefois une certaine protection des droits de l’homme ». Les châtiments corporels et les exécutions publiques ont repris et des rapports font état d’exécutions extrajudiciaires, de tortures et de mauvais traitements ainsi que d’arrestations et de détentions arbitraires.
« Malgré les déclarations répétées des autorités de facto concernant l’amnistie générale, nous continuons à documenter des violations des droits de l’homme à l’encontre d’individus affiliés à l’ancien gouvernement et à ses forces de sécurité », a regretté le défenseur des droits humains, ajoutant que les droits des accusés sont régulièrement violés en raison du non-respect des garanties procédurales et du manque de moyens du système de justice pénale.
Ne pas tourner le dos au peuple afghan
« Bien que les autorités de facto aient mis en place de nouveaux organes chargés de visiter les prisons, de superviser les procédures judiciaires et de recevoir les plaintes, nous n’avons pas encore vu comment ils fonctionneront », a continué M. Türk. S’ajoute également un manque profondément troublant de reddition des comptes pour les auteurs de violations des droits humains.
Face à cette litanie d’abus, la Haut-Commissaire a exhorté les autorités de facto à changer fondamentalement de cap et à ramener l’Afghanistan dans l’ordre international en respectant pleinement ses obligations internationales en matière de droits de l’homme. Dans le même temps, il a rappelé que la communauté internationale ne peut pas tourner le dos au peuple afghan.
« Il s’agit d’une crise des droits de l’homme de premier ordre », a insisté M. Türk, encourageant les États à prendre les devants et à contribuer à relever les défis auxquels est confrontée l’économie afghane. Cela impliquera des efforts concrets pour restaurer les systèmes financiers afin qu’ils profitent réellement au peuple afghan, y compris aux femmes et aux filles, et pour veiller à ce que les sanctions n’aient pas d’impact sur les besoins humanitaires.
Le haut responsable onusien a surtout invité tout particulièrement les États qui exercent une influence sur les autorités de facto à les aider à inverser cette trajectoire, qui est « fatale non seulement pour les droits humains, mais aussi pour le développement futur et la sécurité du pays ».