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Crise au Niger : le HCR préoccupé par la détérioration rapide des perspectives humanitaires
L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s’est alarmée mardi de la détérioration « rapide » des perspectives humanitaires au Niger à la suite de la prise de pouvoir par des militaires dans ce pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel central.
Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), la crise politique actuelle, sans solution claire en vue, génère incertitude et inquiétude alors que le pays continue de subir des attaques répétées de la part de groupes armés non étatiques, en particulier près des frontières du Mali et du Burkina Faso. Les violences et les attaques récentes ont entraîné plus de 20.000 nouveaux déplacements internes au cours du mois dernier.
« Cette situation a accru les risques de protection pour les réfugiés, les demandeurs d’asile et leurs hôtes », a déclaré lors d’une conférence de presse régulière de l’ONU à Genève, Emmanuel Gignac, Représentant du HCR au Niger.
20.000 nouveaux déplacements
Dans ce climat d’inquiétude, le HCR a connaissance d’environ 20.000 nouveaux déplacements internes entre fin juillet et fin août, principalement à Tillabéry, mais aussi à Diffa.
En outre, les mouvements de population se poursuivent autour des frontières du pays, bien qu’à une échelle modeste, avec plus de 2.500 personnes demandant l’asile au Niger au cours des deux premières semaines d’août, en provenance du Nigéria, du Mali et du Burkina Faso.
« Il n’y a pas eu de rapports récents sur des mouvements de population importants du Niger vers les pays voisins », a toutefois précisé M. Gignac.
Sur un autre plan, les sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Niger sont entrées en vigueur à un moment de l’année - la « période de soudure » - qui marque la transition entre les saisons agricoles et avant que la saison des pluies ne s’installe pleinement. Les prix des denrées alimentaires et des produits de base, déjà en hausse avant cette crise, ont bondi après l’introduction des sanctions.
Les organismes humanitaires s’attendent à un impact de l’inflation sur les populations. D’autant que les prix des denrées semblent devoir continuer à augmenter car la fermeture des frontières avec les pays de la CEDEAO rendra les denrées alimentaires et les autres produits de base plus rares.
Impact de l’inflation et des sanctions
« Ces facteurs, auxquels s’ajoute une augmentation attendue de l’agitation des groupes armés non étatiques, ainsi que les fortes pluies actuelles, ont aggravé les perspectives humanitaires déjà désastreuses pour les populations vulnérables, notamment les personnes déplacées à l’intérieur du pays, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les communautés d’accueil », a fait valoir le Représentant du HCR.
Les tensions socio-économiques, notamment l’inflation galopante et le manque de ressources et de services, ont été aggravées par les récentes restrictions de circulation, mettant encore plus à l’épreuve une population déjà vulnérable.
L’augmentation du coût de la vie et l’insécurité ont accru les risques de protection, notamment les mariages précoces, les violences sexuelles, la traite et l’exploitation. En juillet, le HCR a suivi 255 incidents de protection, y compris des enlèvements, des violences sexistes et des violences domestiques.
Ces incidents se sont produits à Tahoua, Maradi, Tillabéry et Diffa. Bien que ces données soient conformes aux autres mois de 2023, les équipes du HCR ont constaté une forte augmentation de ces incidents depuis le 26 juillet. « Entre le 26 et le 31 juillet, nous avons observé une augmentation de 50% d’incidents similaires par rapport aux semaines précédentes du mois de juillet », a détaillé M. Gignac.
Le Niger abrite plus de 700.000 personnes déplacées de force
A noter que le Niger abrite actuellement plus de 700.000 personnes déplacées de force : 350.000 réfugiés et demandeurs d’asile, et 350.000 personnes déplacées à l’intérieur du pays.
Le Sahel traverse une crise complexe marquée par des conflits, des tensions intercommunautaires, des chocs climatiques et l’insécurité. Le Niger est depuis longtemps une plaque tournante pour les demandeurs d’asile et un carrefour pour les flux migratoires mixtes, abritant des réfugiés des pays voisins.
La crise politique, les incertitudes qui y sont liées et le risque d’une augmentation des violences intercommunautaires ont incité le HCR à mettre à jour ses plans d’urgence et à ajuster son niveau de préparation dans le cadre d’un examen des plans de continuité des activités. Depuis que le HCR a mis en place le Mécanisme de transit d’urgence (MTU) en 2017, le Niger a également offert sa protection à plus de 4.200 demandeurs d’asile et réfugiés vulnérables évacués de la Libye voisine.
Actuellement, près de 600 réfugiés sont hébergés sur le site de Hamdallaye près de Niamey - qui est à pleine capacité - dont 100 qui attendent leur départ vers des pays tiers mais sont bloqués par la fermeture de l’espace aérien du Niger. 275 attendent une décision des pays de réinstallation ou leur dossier est en cours de traitement.
Déficit de financement
Avant le coup d’Etat du 26 juillet, un vol en provenance de Libye était prévu pour le quatrième trimestre. Le HCR attend l’approbation des autorités pour le transfert et continuera à surveiller les conditions pour déterminer la faisabilité de l’arrivée de nouveaux réfugiés dans le pays.
Malgré les nombreux défis de ces dernières semaines - y compris la mobilité du personnel, l’immobilisation des vols de l’ONU en raison du manque de carburant et la lenteur des importations d’aide - le HCR et ses partenaires continuent d’opérer à travers le pays. Le HCR est déterminé à rester et à agir pour les personnes déplacées de force et les populations d’accueil qui en ont cruellement besoin.
La fourniture de services vitaux et d’aide, y compris la nourriture, les abris, les soins de santé, la liaison avec les communautés et l’éducation, se poursuit. Mais de telles missions se heurtent à un déficit de financement.
Le HCR n’a reçu que près de 40% des 135 millions de dollars nécessaires pour soutenir les activités humanitaires cette année. « Le besoin de financement devrait augmenter si la crise s’aggrave dans les mois à venir », a insisté le Représentant du HCR.